mercredi 28 août 2024

"Tout va bien", Arno Geiger

 J'avais beaucoup apprécié un récit de l'écrivain autrichien, Arno Geiger, "Le vieux roi en son exil", publié chez Gallimard en 2012. Quand j'ai farfouillé les tables d'une vente de livres d'occasion ce printemps à la Chapelle Vaugelas, j'ai découvert "Tout va bien", le premier roman traduit en français en 2008. Comme je connais un peu la ville de Vienne en Autriche, j'ai tendance à m'intéresser à sa culture patrimoniale. Entre Freud et Zweig, Vienne a marqué profondément la culture européenne. Dans ce roman familial sur trois générations, l'Histoire prend toute sa place. Philipp Erlach, un quadragénaire un peu marginal, hérite de la maison de sa grand-mère dans un faubourg de la ville. Un héritage encombrant dont il ne sait que faire. Ses grands-parents, Richard et Alma, ne se sont pas compromis avec le nazisme au moment de l'Anschluss, fait rare à cette époque. Ce couple un peu bancal a traversé une tragédie intime : ils ont perdu leurs deux enfants. L'un, Otto, jeune soldat nazi est mort pendant la guerre  et leur fille, Ingrid, s'est noyée. A la fin de sa vie, Alma a aussi soigné son mari, atteint de la maladie d'Alzheimer. Arno Geiger raconte leurs histoires en mêlant le passé au présent. Il s'attache au personnage d'Ingrid, la mère de Philipp et de sa soeur, Sissi. Elle s'éprend de Peter, enrôlé dans les jeunesses hitlériennes. Les parents de la jeune fille, pourtant réticents, s'inclinent devant ce mariage avec ce garçon déboussolé. Ingrid devient médecin alors que son mari s'occupe de créer des carrefours. Au fil des années, la jeune femme comprend bien que Peter n'assume pas son rôle de mari et de père. Cette drôle de famille où la communication ne semble pas fonctionner, ne forme pas une unité harmonieuse. Chaque membre se débat dans une solitude certaine. Philipp, le dernier héritier à Vienne (sa soeur vit à New York), un homme frustré et indécis, symbolise les liens ténus d'une famille décomposée : "Tout être raisonnable regarde droit devant, et pour pouvoir regarder devant soi, il faut savoir ce qu'on a derrière soi". Cette citation d'Arno Geiger résume le roman sur la déliquescence des liens familiaux. Et quand on ignore tout de la mémoire familiale comme Philipp, l'amnésie volontaire ou pas règne aussi dans l'histoire de son pays. Ce roman dense et complexe m'a bien confirmée qu'Arno Geiger est un écrivain à découvrir !

mardi 27 août 2024

La rentrée littéraire

 Les vacances, cette bulle spatio-temporelle, une pause bienfaitrice, vont laisser place à la rentrée et pour une retraitée comme moi, le retour au travail est déjà un souvenir bien lointain. Je profite donc de ma rentrée automnale, ma rentrée des nouveautés, la rentrée littéraire, un phénomène français qui met la lecture au centre des loisirs culturels. La revue de la profession, Livres Hebdo, recense 459 romans dans les trois mois à venir ! Les premiers romans semblent en baisse par rapport à l'année dernière (69 au lieu de 74). En 2010, la revue évoquait le nombre record : 701 nouveautés. Il faut donc constater une marée moins importante pour les libraires. La presse quotidienne commence à distinguer les futurs lauréats des prix littéraires : Amélie Nothomb ("L'Impossible retour), Maylis de Kerangal ("Jour de ressac"), Kamel Daoud ("Houris"), Carole Martinez ("Dors ton sommeil de brute") sans oublier Gaël Faye, Grégoire Bouillier, Yves Ravey et d'autres écrivains confirmés. Quelques titres me semblent déjà intéressants à découvrir comme le dernier roman d'Hélène Gaudy sur son père, "Archipels" ou celui de Pierre Adrian sur les derniers jours de Cesare Pavese, "Hôtel Roma". Marguerite Yourcenar devient un personnage romanesque avec Christophe Bigot dans "Un autre m'attend ailleurs" ainsi que l'amitié de Stefan Zweig avec Georges Bernanos au Brésil en 1942, racontée par Sébastien Labaque, "Echec et mat au paradis". Après son excellent roman, "Le Voyant d'Etampes", Abel Quentin publie "Cabane", une histoire de quatre chercheurs de Berkeley qui prédisent l'effondrement du monde au cours du XXIe siècle. Pour la littérature étrangère, j'ai déjà feuilleté chez Garin le dernier Colm Toibin, "Long Island", très prometteur et celui de Michael Cunningham, "Un jour d'avril". Un programme alléchant pour l'automne prochain. Certains romans obtiendront des récompenses et seront lus par milliers d'exemplaires mais, d'autres resteront dans l'ombre de l'anonymat. Sur les quelques centaines de nouveautés dans cette rentrée littéraire, chaque lecteur saisira sa chance pour rencontrer des très bons romans ! Pour marquer cette rentrée littéraire, j'ai proposé à mes lectrices de l'Atelier Littérature de nous retrouver le jeudi 19 septembre autour d'un bouquet de nouveautés pour les commenter et les faire circuler entre nous. Une tradition française qui daterait des années 50 pour promouvoir l'économie du livre, le soutien aux  libraires et aux éditeurs. Les prix littéraires de novembre amplifient ce phénomène culturel. Souhaitons que la cuvée 2024 soit excellente ! 

lundi 26 août 2024

"La Contrevie", Philip Roth

 J'ai relu récemment un roman de Philip Roth, "La Contrevie", paru en 1986. Cet écrivain américain, mort en 2018 à l'âge de 85 ans, appartient à mon Panthéon personnel. Ce roman, le quatrième de la suite "Nathan Zuckerman", l'écrivain fictif, l'alter ego de Philip Roth, est l'un des plus complexes dans sa construction très sophistiquée. Dans le premier chapitre, le frère de l'écrivain, Henry, devient impuissant à cause de son traitement médical concernant ses problèmes cardiaques. Ne supportant pas la chute vertigineuse de ses activités sexuelles, il opte pour une opération qui résoudra son problème mais il décède après l'opération. Dans le deuxième chapitre, Nathan rend visite à Henry, (tiens, il n'est donc pas mort !), métamorphosé en colon israélien après son opération. Le narrateur veut persuader son frère qu'il se fourvoie dans ce changement de vie. La suite du roman accentue le brouillage romanesque. En revenant chez lui, l'avion dans lequel se trouve Nathan subit une tentative de détournement. Puis Nathan choisit de se faire opérer pour guérir son impuissance et il en meurt. C'est donc Henry et Maria, le dernier amour de Nathan, qui donnent leur point de vue sur la vie de Nathan. Mais, le narrateur revient vivant dans le roman et il accompagne sa femme dans sa famille mais, en constatant leur antisémitisme, le couple finit par rompre. En fait, chaque chapitre contredit le précédent. Quelque soient les histoires farfelues et illogiques qui se succèdent, le "message" sous-jacent de l'écrivain semble atteindre sa cible : comment inventer une contrevie, une trajectoire humaine singulière ? Etre l'auteur de sa vie ? Un critique littéraire a écrit : "Tous animés du désir de changer la vie, de la changer en la risquant vraiment, le risque majeur étant assumé par les figures jumelles du narrateur et de son frère qui, réellement ou fictivement, affrontent tous deux la mort. La mort, le prix à payer pour en finir avec l'impuissance, la claustration, la contingence ; la mort, façon définitive de démontrer que la vraie vie est ailleurs". Ce roman époustouflant d'invention romanesque ressemble à un labyrinthe intellectuel et le fil d'Ariane repose sur Nathan, le narrateur qui joue un rôle majeur dans l'histoire. Comme son ami, Milan Kundera, Philip Roth écrit un roman "philosophique", sur les relations familiales, sur le couple, sur l'amour et sur la société sans oublier la notion d'identité juive qui obsède l'écrivain. L'humour caustique de l'écrivain peut déranger mais quel festival de dialogues, de pensées, de personnages loufoques dans ce roman atypique ! Philip Roth a déclaré dans un entretien de Télérama : "Le vrai écrivain n'est pas celui qui raconte des histoires, mais celui qui se raconte dans l'histoire. La sienne et celle, plus vaste, du monde dans lequel il vit". A découvrir. 

jeudi 22 août 2024

"Des heures à lire", Virginia Woolf

 Virginia Woolf a écrit de nombreux essais et la maison Gallimard a eu l'idée de réunir cinq textes dans la collection Folio, "Des heures à lire et autres courts récits". Elle fait l'éloge des lecteurs, de la lecture depuis l'enfance jusqu'à l'âge adulte : "Les livres de notre enfance, que nous subtilisions à une étagère de la bibliothèque, censée être hors de portée, ont quelque chose de chimérique et d'impressionnant, comme, dans la maison endormie, la vision clandestine de l'aube pointant sur les champs paisibles". Virginia Woolf montre dans ce texte sa passion des livres et de la littérature et consacre des journées entières à flâner dans les librairies londoniennes. Il faut tout lire, conseille Virginia Woolf, des classiques aux contemporains et elle se réjouit de se baigner dans tous ces millions de pages à découvrir. Dans le deuxième texte, elle analyse la complexité de la fiction moderne à son époque et j'ai retenu cette citation : "La vie n'est pas un alignement régulier de lanternes ; la vie est un halo lumineux, une pellicule diaphane qui nous enveloppe de l'aube de la conscience à sa fin. La tache du romancier n'est-t-elle pas de nous faire percevoir cet étrange esprit, changeant et diffus". Le texte suivant raconte la déambulation poétique et nocturne de l'écrivaine dans les rues de Londres et la balade londonienne se poursuit sous prétexte d'acheter un crayon. Virginia Woolf écrit sans cesse ses "impressions", ses intuitions, son interprétation du réel et au détour d'une phrase, elle glisse des réflexions philosophiques : "Que notre être véritable n'est-il en fait ni ceci, ni cela, ni ici, ni là-bas, mais quelque chose de si divers et tortueux que nous ne sommes vraiment nous-mêmes que lorsque nous laissons libre cours à nos désirs et que nous allons notre chemin sans entrave ?". Plus loin, elle pénètre dans une librairie d'occasion et elle décrit ses livres ainsi : "Les livres d'occasion sont des livres qui vivent en liberté, des livres errants ; ils s'assemblent en vols au plumage bigarré et ont un charme dont sont dépourvus les volumes domestiqués des bibliothèques". Le dernier texte concerne le travail et l'écrivaine a incité toute sa vie à l'indépendance financière des femmes qu'elle a analysée dans son fameux pamphlet "Une chambre à soi". Ce Folio recèle des pépites woolfiennes à savourer cet été !

mercredi 21 août 2024

La mémoire littéraire, le site Madelen de l'INA

 J'éprouve parfois la nostalgie de quelques émissions littéraires et comme je sens les années s'accumuler, j'ai envie de remonter le temps. Ce slogan figure bien dans la présentation du site de l'INA, Institut National de l'Audiovisuel, qui propose son site en streaming, "Madelen". Pour une somme très modique (3 euros), on peut s'abonner pour se replonger dans le passé audiovisuel français. Quand Bernard Pivot est mort cette année, j'avais envie de revisionner quelques émissions que je ne ratais jamais. J'ai donc commencé par rechercher des documentaires sur mes écrivains préférés et je suis tombée sur des pépites télévisuelles : Marguerite Duras, Milan Kundera, Marguerite Yourcenar et Marcel Proust. L'émission de Marguerite Duras se déroule en 1971 et elle interroge quelques professionnels du livre sur la production littéraire. J'ai surtout retenu son entretien avec Raymond Queneau et quand elle lui demande comment devient-on écrivain ? Il lui répond que la vocation démarre très tôt à l'âge de sept ans ! Je retrouvais l'univers durassien, dans cette obsession du mystère de l'écriture et  de la littérature. Un deuxième documentaire s'intitulait "Les livres de chevet" et un journaliste littéraire interrogeait Marguerite Yourcenar. On connaît son immense culture sans fréquenter l'école et l'université. A dix ans, elle écumait les classiques dans la bibliothèque de son père sans aucune censure et elle s'est vite passionnée pour la littérature des grecs et des latins, sans oublier les auteurs russes. J'ai écouté cette grande dame des lettres avec un plaisir certain. Je ne sais pas si aujourd'hui, la culture classique serait aussi soutenue par nos écrivains contemporains. Cétait une autre époque. J'ai aussi découvert le visage et la voix d'un homme de lettres peu connu du public, Jean Grenier, un ami d'Albert Camus, philosophe et écrivain, totalement oublié de nos jours. Comme le journaliste lui demandait son livre de chevet, il a mentionné Omar Khayyam, un poète persan du XIe siècle, J'ai regardé dans ma bibliothèque si j'avais un livre de Jean Grenier et j'ai retrouvé "La vie quotidienne", publié chez Gallimard. Cet essai se reposait en haut d'une étagère sans que je m'en souvienne. Encore une coincidence heureuse. J'ai vu ensuite Marcel Proust, version années 70 et, évidemment, le commentateur de sa vie ne s'est jamais permis d'aborder son homosexualité, la grande "affaire" de sa vie. Les illustrations très nombreuses étaient malgré tout très instructives Si la nostagie me saisit parfois en raison de mon âge, il suffit que je visionne des archives audivisuelles de Madelen et le tour est joué. Je me retrouve à tous les âges de ma vie ! 

lundi 19 août 2024

"Le colonel Chabert", Honoré de Balzac

J'avais envie de retrouver, cet été, notre monument national littéraire, Honoré de Balzac. J'ai choisi un court roman, "Le Colonel Chabert", publié en 1832. Je l'avais lu dans ma jeunesse et j'aime en ce moment expérimenter une deuxième lecture qui m'apporte un éclairage nouveau. Hyacinthe Chabert, colonel de l'armée impériale de Napoléon Ier, est laissé pour mort à la bataille d'Eylau en 1807. Sa femme, devenue veuve, hérite de sa fortune et se remarie avec un comte. Dix ans après sa disparition, le Colonel revient à Paris car il a survécu à ses blessures graves. Une des scènes les plus fortes du roman montre les moqueries des clercs de notaire devant cet homme qui ressemble plus à un mendiant qu'à un officier de l'armée. Sur les conseils d'un clerc, il rencontre maître Derville vers minuit pour lui demander une aide juridique. Il veut que justice soit faite en récupérant sa fortune. Il raconte son histoire. Enfant trouvé, il a rejoint la Garde impériale en participant à l'expédition d'Egypte de Napoléon. Sa femme, Rose, était une "fille de joie" et il l'avait installée dans un luxueux appartement. Or, elle est devenue comtesse Ferraux et deux enfants sont nés de cette union. La situation semble bloquée car le Colonel Chabert serait déclaré comme imposteur. Maître Derville accepte de prendre en charge l'affaire Chabert. Il organise une rencontre entre son client et son ex-femme pour régler ce litige sans saisir la justice. Révolté par son sort d'une injustice intolérable, il s'écrie : "J'ai été enterré sous les morts ; mais, maintenant, je suis enterré sous des vivants, sous des actes, sous des faits, sous la société tout entière, qui veut me faire rentrer sous terre ! ". Son ex-femme le séduit à nouveau et le brave colonel toujours aussi naif accepte un compromis. Mais, il surprend une conversation entre son ex-femme et son intendant. Il prend conscience de sa duplicité et renonce à sa fortune. Il se retire dans l'hospice de Bicêtre dans un anonymat complet. Ce personnage tragique a perdu son identité sociale et se réfugie dans une solitude absolue. Il ne comprend plus ce monde social où la cupidité règne. Et l'ingratitude de son ex-femme le détourne de toute lutte contre l'injustice. Ce roman court et dense nous rappelle le génie romanesque de Balzac : des sombres affaires d'héritage, des personnages pervers, le goût de l'argent et de l'ambition sociale. Et un héros humble et sincère, une victime toute désignée.  Honoré de Balzac, un écrivain à fréquenter régulièrement ! 

mercredi 14 août 2024

"Le Coup de grâce", Marguerite Yourcenar

 Comme tous les étés, j'ai rendez-vous avec ma chère Marguerite Yourcenar. J'ai relu "Coup de grâce", écrit à Sorrente en 1938. Ce drame d'une structure classique se déroule à Kratovice en Courlande, près de la Baltique en 1919. Eric von Lhomond, officier prussien, se souvient de cet épisode tragique pendant la guerre civile russe. Il logeait avec sa troupe de soldats issue des Armées blanches dans un château à moitié en ruines de son ami intime, Conrad de Reval, et de sa jeune soeur Sophie. Les Bolcheviks cernent le château. Sophie, jeune femme ardente et exaltée, tombe amoureuse d'Eric. Cet officier, froid de nature et distant, se sent troublé par la soeur de Conrad pour qui il éprouve un attachement particulier. Sophie ne parvient pas à séduire Eric et s'étourdit dans des relations de passage pour le rendre jaloux. Lasse de cette indifférence, elle quitte le château pour retrouver un camarade, un étudiant juif militant communiste. Une revanche pour elle car elle se sent humiliée par le dédain d'Eric. Quelques mois plus tard, Eric et ses soldats doivent quitter Kratovice et tombent sur les "Rouges" parmi lesquels il retrouve Sophie. Les Bolcheviks sont prisonniers et ils sont exécutés à l'aube. Sophie demande alors à Eric sa propre exécution. Il ne l'épargne pas. Pourquoi Sophie souhaite mourir de la main d'Eric ? Un geste d'amour ? Eric comprend alors "qu'elle voulait se venger et me léguer des remords. Elle avait calculé juste : j'en ai quelquefois". Ce trio infernal d'aristocrates, Eric, Sophie et Conrad, ne sont pas doués pour une vie traditionnelle. La guerre, l'héroïsme, l'exaspération des passions écrasent les destins individuels. Marguerite Yourcenar s'est inspirée de la guerre d'Espagne et des périls en Europe à cette époque. Les critiques évoquent l'amour de l'écrivaine pour André Fraigneau, homosexuel assumé. Il repoussera l'écrivaine et ce drame personnel la hantera longtemps. Victor Schlondorf a adapté le roman en 1992. J'ai relu ce court roman avec curiosité et bien que ce texte soit court, il recèle une tension unique. A relire ou à découvrir.  

mardi 13 août 2024

"Claudine en ménage", Colette

 J'avais lu récemment "Claudine à Paris" et j'ai poursuivi par "Claudine en ménage", un parfum de nostalgie de ma part. Relire Colette reste pour moi un enchantement "décalé" car je retrouve la beauté du style, l'évocation d'une France disparue, celle de mes grands-parents et de mes parents. Ma mère possédait les Pléiades de Colette que je conserve précieusement. Tous les ans, je complète mes lectures colettiennes et surtout, je relis ces textes avec un plaisir toujours renouvelé. Colette a écrit sa série de Claudine avec la signature obligée de Willy, son mari de l'époque. Claudine s'est donc mariée avec Renaud et ils se sont installés à Paris. Ils mènent une vie mondaine très intense. Claudine est amoureuse de son mari et découvre la sensualité dans ses bras expérimentés. De retour de son voyage de noces, Claudine retourne avec son mari à Montigny, dans son village natal. Ils retrouvent deux jeunes pensionnaires de la directrice, Mademoiselle Sergent. Claudine embrasse la petite Hélène, le fantôme de Luce, son amie de coeur. Renaud est obsédé par la peur de vieillir et il trompe déjà sa jeune épouse pour se prouver qu'il est toujours séduisant. Dans une soirée que son mari donne le jeudi, Claudine rencontre Rézi, une jeune femme fascinante dont elle va tomber amoureuse. Renaud encourage cette relation passionnelle entre les deux femmes et va même leur prêter la "garçonnière" de son fils, Marcel. Le mari de Rézi se montre jaloux et possessif et les soupçonne d'avoir une liaison. Les deux amantes se cachent pour échapper aux rumeurs de leur milieu. Mais, un jour, Claudine devient méfiante et se rend chez Rézi. Elle surprend la relation amoureuse entre son mari et son amie, Rézi ! Bléssée par cette trahison, elle quitte Paris et retourne à Montigny. Son mari lui demande pardon mais elle ne reviendra pas à Paris. Pour écrire ce roman, Colette a puisé dans ses propres expériences en affirmant sa bisexualité, chose rare et courageuse à son époque. Renaud n'est que le double de Willy, un mari volage qui n'a cessé de tromper Colette. Ce récit autofictionnel illustre l'émancipation de la jeune Colette, femme libre et audacieuse ! Et quel style, savoureux, gouailleur, vibrant et audacieux comme sa Claudine ! J'ai un dernier rendez-vous estival avec elle dans le dernier tome de la série : "Claudine s'en va".     

lundi 12 août 2024

Les livres en cavale

Comme je me balade souvent au bord du lac, je visite régulièrement les cabanes à livres, dispersées dans des lieux magnifiques comme celle du Jardin vagabond à Aix les Bains. Au Bourget du lac, j'ai trouvé dans une boîte à livres en bois et en forme de maison, un roman de Jean Giono, "Le serpent d'étoiles" et un récit d'une des écrivaines les plus oubliées d'aujourd'hui, Anne Philippe, la femme de Gérard, le grand comédien. Je me demande si les jeunes générations connaissent encore le nom de ce couple emblématique de la culture française des années 50.  Dans ce récit, "Spirale", publié en 1971, je tombe sur une citation de Marguerite Yourcenar en exergue : "Nous sommes si habitués à voir dans la sagesse un résidu des passions éteintes qu'il nous est difficile de reconnaître en elle la forme la plus dure et la plus condensée de l'ardeur, la parcelle d'or, née du feu, non de la cendre". Je découvrirai ce livre avec un grand plaisir. Pour Jean Giono, je me suis assise sur un banc et j'ai ouvert la première page, n'ayant jamais lu ce titre et je retrouve en deux phrases la magie du style gionesque : "Tout est venu de Césaire Escoffier. Tout est venu de ce jour de mai : le ciel était lisse comme une pierre de lavoir ; le mistral y écrasait du bleu à pleine main ; le soleil giclait de tous les côtés". Je découvrirai le destin de Césaire très bientôt.  Ce matin, j'ai visité la jolie boîte à livres devant la mairie de Chambéry le Vieux et j'ai recueilli quelques pépites : "L'espoir" d'André Malraux dans son édition de poche d'origine en parfait état, un McEwan en Folio, "Psychopolis et autres nouvelles", "L'Amandière" de Simonetta Agnello Hornby. Et un lecteur avait déposé un texte de Jankélévitch, "L'ironie". J'apprécie beaucoup ce philosophe et je trouvais dommage qu'un lecteur ou lectrice abandonne cet ouvrage. Cette invention si sympathique des cabanes à livres me réjouit toujours autant et je dispose dans mon territoire proche d'une dizaine de ces boîtes magiques. Parfois, je ne trouve absolument aucun livre qui m'intéresse, mais régulièrement, je déniche quelques titres que je m'empresse de saisir. Dans mon quartier, j'ai une nouvelle boîte bien pratique que j'alimente souvent. Ces niches me réservent souvent des bouffées de nostalgie sur les auteurs oubliés, disparus, engloutis comme Marie Cardinal, Gilbert Cesbron, André Maurois et tant d'autres. Une initiative heureuse de partage quand cela concerne nos très chers amis les livres. 

jeudi 8 août 2024

Charles Juliet, hommage

 J'ai appris la mort de Charles Juliet à Lyon le 26 juillet dernier à l'âge de 89 ans. J'ai lu cet écrivain discret et intimiste dans les années 80 surtout son journal, écrit en 1965 jusqu'en 2008. Dans son dernier opus, nommé "Gratitude", il explique le besoin de l'écriture quotidienne : "Ce journal répond au besoin que j'ai de tenir ce qui m'échappe, cette vie qui me traverse et dont je tiens à garder la trace. Certes, le temps emporte tout, mais donner forme à ce que je ne veux pas perdre, c'est mieux me comprendre, c'est dégager le sens de ce qui m'échoit. Et au terme de la moisson engrangée, c'est d'offrir les mots rassemblés à cet autre qui se cherche. En espèrant le rejoindre dans sa solitude et lui être ce compagnon qui chemine à ses côtés". Charles Juliet est né dans une famille pauvre et sa mère suicidaire, atteinte d'une dépression, est internée dans un hôpital psychiatrique. Le petit garçon est recueilli dans une famille d'adoption en Suisse. A sept ans, il apprend la mort de sa mère biologique à l'âge de 38 ans car, pendant la guerre, les malades internés n'étaient pas assez nourris. A douze ans, il entre comme enfant de troupe à l'école militaire d'Aix-en-Provence et il raconte cette expérience douloureuse dans "L'Année de l'éveil", publié en 1989. Son journal et ses récits sont imprégnés de cette enfance douloureuse malgré uns famille d'adoption aimante. Il se consacre à l'écriture-reconstruction : "La connaissance de soi est avant tout une destruction douloureuse à vivre. Elle vous fait vaciller, met votre vie en jeu". Il rencontre des artistes comme Bram van Velde, Pierre Soulages, Samuel Beckett, Michel Leiris. Dans les neuf tomes de son journal, il relatait dans un style dépouillé les drames familiaux, les destins brisés et il ressentait une empathie totale envers ces bléssés de la vie : "Il y a des êtres qui sont effrondés et qui n'ont pas les moyens de dépasser cette souffrance. Ils restent en panne, quelque part". A la fin de sa vie, il avait atteint une certaine sérénité et le titre de son dernier journal, "Gratitude", peut résumer sa pensée de vieux sage qui a consacré sa vie à la littérature, à la poésie et à l'art. Un écrivain sensible à découvrir ou à relire. 

mercredi 7 août 2024

"Milan Kundera", Biographie de Florence Noiville

 Il m'arrive d'acheter des livres et de ne pas me jeter dessus dès que je rentre chez moi. Je les conserve comme des trésors "d'heures heureuses" de lecture et quand l'envie me prend, j'en sors un pour enfin le découvrir. Cette habitude concerne une biographie de Milan Kundera que j'ai lue quelques mois après son acquisition. Florence Noiville, journaliste au "Monde des Livres", connaissait bien le couple Kundera, Véra et Milan. L'écrivain est mort le 11 juillet 2023 à 94 ans. Il était atteint d'une forme d'Alzheimer et ne se souvenait plus de son passé d'écrivain d'où le titre de la biographie, "Milan Kundera, écrire quelle drôle d'idée !". Depuis les années 90, il fuyait les médias et avait fait un voeu de silence. Il n'aurait peut-être pas apprécié cette biographie tant il préférait la fiction au réel et la vie des écrivains ne l'intéressait pas. Pourtant, pour les lecteurs et lectrices qui apprécient l'oeuvre kundérienne,  cette biographie très respectueuse de la vie privée du couple, apporte un éclairage émouvant sur cet immense écrivain du XXe siècle. Extraits de conversation, photos, dates importantes, analyse des thèmes kundériens, éléments biographiques déterminants, citations, cette biographie remarquable se lit comme un roman et se rapproche davantage d'un essai littéraire sans s'encombrer d'une chronologie dominante. La journaliste, admiratrice de Milan Kundera, évoque des souvenirs partagés à partir des visites amicales dans leur appartement parisien, des rencontres au café, un voyage en Tchéquie sur les traces de l'écrivain. Milan Kundera, maître de l'ironie, ennemi du lyrisme, homme des Lumières, pessimiste joyeux, a traversé le totalitarisme communiste qu'il a fui avec Véra en 1975. Il a reçu le prix Médicis étranger en 1973 pour "La vie est ailleurs". Installé en France à Rennes comme professeur de littérature à l'université, il obtient la nationalité française en 1981. Son roman majeur, "L'insoutenable légéreté de l'être", est publié en 1984, son chef d'oeuvre. Dans ce texte majeur, à relire sans cesse, il développe sa définition personnelle du kitsch : "Le kitsch est la négation absolue de la merde. La merde, c'est à dire la face sombre de l'existence, ses revers et ses contrastes". A partir de 1995, il écrit ses livres en français : "La Lenteur", "L'Identité", "'L'Ignorance" et "La Fête de l'insignifiance". Il a réfléchi sur la dimension du roman européen dans "L'art du roman" et "Les Testaments trahis". Publié dans la Pléaide, cet écrivain génial n'a pas reçu le Prix Nobel de Littérature, une erreur incompréhensible. Cette biographie propose une promenade intellectuelle de premier ordre à lire pour mieux connaître Milan Kundera. Et quand j'ai terminé la lecture de cette biographie littéraire, j'avais envie de me plonger dans son univers romanesque, unique dans le panorama de la littérature européenne. 

mardi 6 août 2024

"Les Invisibles", Roy Jacobsen

 J'avais envie de fraîcheur dans mes lectures avec la canicule ambiante et j'ai choisi un roman norvégien, de Roy Jacobsen, "Les Invisibles", le premier tome d'une trilogie. L'histoire se déroule au début du XXe sur une île au nord de la Norvège au-dessous des Lofoten. Hans Barroy, le père de famille, habite avec sa jeune femme Maria, leur fille, Ingrid, le grand-père et une soeur de Hans, Barbro. Ils aiment cette île minuscule et aride malgré un climat hostile : vents violents, neige, pluie. Mais ils sont attachés à ce lieu de solitude : "Ils ne quitteront jamais Barroy, c'est une idée impossible, on ne sait pas qu'une île s'accroche à ce qu'elle a, de toutes ses forces". La pêche leur permet de survivre dans  un extrême dénuement. Chacun a sa tâche particulière : la fenaison, le maillage des filets, le ramassage de la tourbe, l'entretien de la maison, le soin du bélier. Un savoir-faire ancestral très bien décrit par l'écrivain norvégien. Un monde de travail permanent sans aucun loisir. Le père de famille s'absente quelques mois pour aller pêcher avec son frère, propriétaire d'un bateau important. Ingrid, petite fille pétillante, à la longue chevelure brune, observe les adultes qui ne sont toujours pas faciles à comprendre. Vive, sensible, solaire, Ingrid préfère son île à son école qu'elle fréquente sur une autre île. Ingrid ne craint pas la mer et elle ne "voit pas les vagues creuses comme un danger ou une menace, mais presque toujours comme un chemin et une solution". La vie sur l'île de Barroy ressemble à la fois à un enfer et à un paradis. Le père meurt subitement et sa femme tombe malade. Elle est soignée sur le continent et les enfants devenus grands poursuivent la tradition de leurs parents avec une obstination non entamée. Les "ïliens" résistent avec une abnégation sans fin. Ils rêvent de construire un ponton pour l'accostage des bateaux. Un élément majeur réconforte tous ces insulaires : la solidarité familiale et l'amour qu'ils ressentent pour l'île. L'écriture dépouillée et poétique de Roy Jacobsen apporte à cette saga nordique une touche émouvante. Les lecteurs et lectrices peuvent retrouver Ingrid dans "Mer blanche" et "Dans les yeux de Rigel". Un roman dépaysant et attachant pour prendre l'air pur des pays nordiques. 

lundi 5 août 2024

"La Bête dans la jungle", Henry James

 Paru en 1903, ce roman court ou cette nouvelle dense est un des textes les plus emblématiques de l'univers romanesque d'Henry James. Les deux protagonistes se nomment John Marcher et May Bartram. Ils s'étaient rencontrés dix ans auparavant à Naples et se recroisent dans une soirée mondaine à Londres. Elle lui rappelle qu'il s'est confié à elle pour lui avouer un secret qu'elle n'a jamais divulgué. Le jeune homme imaginait qu'il lui arriverait un événement tragique plus tôt que prévu qu'il qualifie de "bête dans la jungle". Avec ce pressentiment d'une catastrophe future, John Marcher se sent en sursis et ne veut pas s'engager dans un projet de mariage avec May. Ils deviennent amis et se fréquentent souvent car May vit à Londres, ayant hérité d'une maison. Ils vont au théâtre, à l'opéra, au restaurant et partagents leurs amis. Ils mènent une vie agréable et amicale en toute quiétude, loin de la "bête dans la jungle". Quelques années plus tard, leur amitié solide et fidèle se poursuit sans mettre en question leur amitié quasiment amoureuse. Tout s'interrompt un jour alors quand May tombe gravement malade sans espoir de survivre. La vérité éclate aux yeux de John : sa redoutable "bête" a frappé son amie. La peur de la mort surgit et la catastrophe va poindre. John comprend alors qu'il va perdre l'unique amour de sa vie. Il prend conscience qu'il est passé à côté de l'amour en niant cet attachement essentiel. May avoue que le secret de la "bête" l'a rendue malade. Elle finit par s'éteindre et John se retrouve seul. Il analyse enfin son égocentrisme et son incapacité à aimer. Cette nouvelle énigmatique révèle l'art d'Henry James tout en subtilité. Ce secret dans l'image de la "Bête dans la jungle" symbolise les peurs de la solitude, de la maladie, de la mort, du malheur. Ce sentiment empêche l'élan de vie, l'instinct vital. John Marcher se retrouve seul, face à lui-même et va vivre avec cette "Bête". Marguerite Duras aimait particulièrement ce récit et s'est inspirée de ce texte dans "La maladie de la mort". J'ai relevé une citation d'Henry James qui résume sa nouvelle : "N'ayez pas peur de la vie, sachez qu'elle vaut la peine d'être vécue, la force de cette conviction la rend réelle". 

vendredi 2 août 2024

"Le Hussard sur le toit", Jean Giono, 2

 Jean Giono a inventé les symptômes du choléra et de nombreuses scènes dans le roman sont parfois assez dérangeantes : descriptions à outrance des manifestations physiques comme les vomissements. Des tableaux de mourants, des cadavres à l'abandon, des charniers, des corbeaux, la pestilence. Une danse macabre digne d'un tableau de Bosch.  Mais le choléra représente une allégorie comme dans "La Peste" d'Albert Camus. Les hommes et les femmes, atteints de la maladie mortelle, présentent des défauts majeurs comme l'égoïsme, la haine, la peur, la lâcheté, la cupidité. Angelo, homme pur et innocent, n'attrape jamais la maladie malgré ses contacts permanents avec les malades et les morts. Comme il méprise le choléra, il le tient à distance. L'écrivain déclarait au sujet du "Hussard" : "Le choléra est un révélateur, un réacteur chimique qui met à nu les tempéraments les plus vils ou les plus nobles". Chevauchées, coups de feu, sabre au poing, Angelo traverse les événements avec un courage, digne d'Ulysse. Ce roman d'aventures au milieu d'une humanité malade montre les valeurs de l'héroîsme. Dans ce monde des ténèbres, Angelo et Pauline symbolisent la lumière. Angelo rencontre quelques rares hommes bons comme ce jeune médecin qui finira par mourir du choléra. Pauline aussi ressemble à Angelo, son âme soeur. Leur amour interdit donne un ton romantique au roman. Un nouveau Giono se lit dans toutes les lignes : dynamisme des personnages, nervosité et classicisme du style, trame historique et influence stendhalienne (Fabrice del Dongo dans "La Chartreuse de Parme"). Jean Giono définissait son personnage ainsi : "Angelo, en offrant sa vie à chaque instant, avec l'innocence et la fougue d'un héros romantique, décourage la fatalité, et en ignorant la mort se fait ignorer d'elle. La mort n'a rien à prendre à ceux qui ont tout donné". Malgré la présence morbide du choléra qui déshumanise les malades, Jean Giono n'oublie pas la beauté de la nature avec l'évocation des forêts protectrices, de la montagne provençale. Ce Giono libertaire se rêvait en Angelo, ce jeune homme intrépide, courageux et généreux sortant du "lot commun". Un roman culte à découvrir ou à relire. 

jeudi 1 août 2024

"Le hussard sur le toit", Jean Giono, 1

Je profite de l'été pour relire quelques classiques de la littérature. J'avais envie de retrouver le solaire Jean Giono et j'ai choisi "Le Hussard sur le toit", publié en 1951. Ce roman d'aventures fait partie du "Cycle du Hussard". L'oeuvre a été adaptée au cinéma en 1995. En 1832, Angelo Pardi, jeune aristocrate "carbonero", fuit son Piémont natal après avoir tué un officier autrichien. Il traverse la frontière française et arrive en Provence. Mais, la région subit une épidémie de choléra. Il est chargé de retrouver son frère de lait, Guiseppe. Le début du roman se passe à Manosque sur les toits du village car il est accusé par les habitants de corrompre les fontaines. Il pénètre dans les maisons désertes pour se nourrir et un jour, il rencontre une jeune femme, Pauline de Théus, qui n'a pas peur de lui malgré la contagion. En quittant les toits, il revient dans les rues et il est enrôlé par une religieuse, chargée de nettoyer les morts. Angelo remplit son devoir malgré l'horreur du choléra. Il assiste à la mort d'un jeune médecin, victime de sa générosité pour sauver les malades. Pour échapper à l'épidémie, les autorités administratives contraignent les habitants à se réfugier dans les collines environnantes, proches de la Drôme. L'armée surveille cette région. Angelo rencontre à nouveau cette jeune femme, Pauline de Théus, qui veut rejoindre son mari à Gap. Tous les deux deviennent inséparables et font preuve de courage face à des villageois parfois mal intentionnés. Les soldats les arrêtent et les mettent en quarantaine. Mais, ils arrivent à s'enfuir et se réfugient dans une grande demeure vide. Ils se racontent leur enfance et Pauline lui avoue qu'elle aime son mari, de quarante ans plus âgé qu'elle. Le choléra s'éloigne et ils négligent les règles strictes qu'ils s'imposaient. Pauline tombe malade, s'effondre. Angelo la soigne toute la nuit et la sauve par miracle. Par cet acte, Angelo a montré son amour pour Pauline au risque de sa vie. Mais, ils se quittent chacun vers le destin : Angelo repart faire sa révolution et Pauline réintègre son foyer. Le roman repose sur une réalité historique où le choléra a sévi à Marseille et à Paris en 1832. Jean Giono s'est inspiré de cette période apocalytique pour illustrer la bravoure des uns (une minorité)  et la lâcheté des autres (la majorité).  (La suite, demain)