jeudi 17 février 2022

"555"

 Que signifie  555 ? Il est question du nombre de sonates pour le clavecin composées par Domenico Scarlatti (1685-1757), ce merveilleux musicien. Hélène Gestern élabore un roman musical, intitulé "555",  autour d'une sonate de Scarlatti, découverte dans la doublure en tissu d'un étui de violoncelle. Cet instrument de musique vénérable repose sur l'établi d'un ébéniste chargé de le restaurer. S'agit-il de la 556e sonate de l'illustre vénitien ? Drôle de sujet pour un roman du XXIe siècle ! Il faut oser évoquer ce thème, la musique classique, une pratique minoritaire dans notre univers culturel. Dans ce texte choral, cinq voix dominent et chaque chapitre concerne un des cinq personnages. L'ébéniste vit seul car sa femme l'a quitté, partie sans explication après le suicide de son frère musicien. Son ami, luthier célèbre, artisan habile, collabore avec l'ébéniste. Sa vie amoureuse est très mouvementée et il perd beaucoup d'argent dans les jeux. Les deux compères trouvent par hasard la partition de Scarlatti et sont bien embarrassés par cette trouvaille inédite. Un collectionneur fortuné, veuf inconsolé, convoite cette sonate et un musicologue spécialiste du musicien mène une enquête pour authentifier cette partition. Le cinquième personnage s'appelle Manig Terzian, claveciniste virtuose, aux doigts déformés par l'arthrose. Elle rêve d'interpréter cette sonate retrouvée par hasard. Reste une sixième voix anonyme qui apparaît entre deux chapitres pour dévoiler une machination concernant la partition. Hélène Gestern ne décrit pas un milieu idyllique. Bien au contraire, elle raconte la dureté des relations dans les conservatoires, la concurrence acharnée entre musiciens, les répétitions épuisantes. La sonate mystérieuse d'une beauté parfaite provoque un changement dans la vie des six personnages. L'ébéniste rencontre la nièce de la claveciniste et entame une relation amoureuse. Le luthier comprend enfin que sa vie est un chaos sans fin. La claveciniste va passer au piano pour interpréter les sonates de Scarlatti. A la fin du roman, la voix anonyme va enfin résoudre l'énigme de la sonate. Ce roman au style élégant et précis se lit avec un très grand plaisir, surtout quand on aime la musique classique. J'aurais eu envie d'écouter cette mystérieuse sonate de Scarlatti et quand Hélène Gestern la décrivait, j'entendais les notes du clavecin. Dans cette rentrée de janvier, ce roman choral et musical m'a vraiment enchantée !