lundi 13 février 2012

Le dernier Sollers

Philippe Sollers sort un roman par an et son dernier ne ressemble pas du tout à de la fiction. Il nous relate une relation amoureuse avec une Lucie qu'il retrouve "en secret" dans un studio près de son travail chez Gallimard. Cette aventure romanesque est le fil conducteur du livre et cette femme aimée lui rappelle sa soeur qui vient de mourir et pour laquelle il éprouve un sentiment proche de l'amour incestueux. Mais le livre ne se résume pas seulement à ces portraits de femmes comme il sait si bien le faire. Il nous communique sa passion intelligente de la peinture en évoquant le génie de Manet, la créativité de Picasso, en reconstituant des scènes de vie colorées, érudites, interrogatives. Le lecteur ne s'ennuie jamais en compagnie de Philippe Sollers. Son personnage médiatique peut crisper, agacer, décevoir. Il réussit pourtant à maintenir l'intérêt de son cercle de lecteurs(trices) malgré la maigreur extrême de l'intrigue amoureuse. Ce que j'apprécie surtout, c'est le style, le ton, l'humeur, l'humour, l'ironie, les sentences implacables de Philippe Sollers. Je vous donne un exemple : "Je vois vivre mes contemporains, et même mes anciens amis radicaux : ils sont tassés, résignés, sous contrôle. La société les a eus, ce sont des employés du temps, ils vieillissent sans phrases, et parmi eux, les jeunes paraissent encore plus vieux que les vieux. Ils lisent à peine les journaux, redoutent la bibliothèque, regardent beaucoup la télévision, rient trop fort ou sont carrèment maussades." Voilà l'oeil affûté de Philippe Sollers, un esprit libre et rebelle, un libertin de notre époque si décevante pour lui... Lire Philippe Sollers est un acte de culture. On en sort plus instruit(e), plus curieux(se), plus attentif(ve) à la critique de notre société si complexe...