samedi 8 mars 2014

Antoinette Fouque

Une date symbolique, le 8 mars, Journée des femmes, marque cette belle journée de printemps. La presse et les médias ont quand même signalé nos luttes constantes pour l'égalité dans notre monde, dominé depuis des centaines d'années par un système social plus favorable aux hommes. Les chiffres dénoncent cette inégalité dans le travail, dans la vie quotidienne (elles continuent à assumer 80 % du travail ménager) et ne parlons pas de la situation internationale, surtout en Afrique avec l'excision, la violence conjugale, la misère, l'empêchement de l'éducation, de l'école... Je ne vais pas évoquer leur vie difficile bien que d'immenses progrès (il était temps) continuent de transformer leur condition. Je veux surtout évoquer la disparition d'une femme qui a beaucoup compté pour moi : il s'agit d'Antoinette Fouque.  Elle avait co-fondé le MLF, sigle sulfureux et révolutionnaire, qui fait encore peur et qui a marqué l'histoire politique et sociale du XXème siècle. J'ai participé pour ma part de 1976 à 1982 à la mouvance féministe (du planning familial aux féministes radicales en intégrant le groupe Psy et Po, à Paris, et j'ai eu la chance de rencontrer Antoinette). Son charisme, ses idées totalement nouvelles sur la notion du féminin, son "post-féminisme" n'ont pas été d'emblée compris surtout par les féministes "beauvoiriennes" historiques... Le dépôt du sigle MLF a été ressenti comme une usurpation, un vol symbolique de toutes les luttes féminines. Ce geste a longtemps blessé les militantes qui ne voulaient pas s'organiser en parti, qui refusaient un pouvoir structuré. Antoinette a interrompu l'activisme politique des groupes en 1982, mais elle a diffusé dans la société française une influence décisive symbolique en s'appuyant sur la maison des Editions des Femmes, publiant des livres militants et aussi très littéraires (dont l'œuvre d'Hélène Cixous), des albums pour la jeunesse, indispensables pour comprendre l'inégalité homme-femme, des expositions sur les créatrices novatrices, la bibliothèque des voix. Ces années 75-85 ont été fondatrices pour la condition des femmes en France. Antoinette aurait mérité une couverture médiatique plus importante, car même disparue, son influence culturelle et politique sera vivante et vivifiante. Dans un article de très grande qualité dans le Monde du 25 février,  Elisabeth Roudinesco évoque un dialogue entre la grande historienne Michelle Perrot et Antoinette,  qui aurait donné jour à un livre, et elle écrit : "Belle réconciliation au-delà des dissensions. Il serait temps qu'un historien serein restitue à ce mouvement des femmes, plein de bruits et de fureurs, la place qui lui revient." La reconnaissance de la place des femmes dans la société passe évidemment par les livres, l'écriture, l'art, la théorie, la pensée, et... la psychanalyse. Antoinette Fouque l'avait compris  en consacrant sa vie aux femmes, en France et partout dans le monde où la domination masculine est encore très loin de disparaître.