mardi 28 janvier 2014

"Plonger"

Ce roman de Christophe Ono-Dit-Biot commence ainsi : "Ils l'ont retrouvée comme ça. Nue et morte. Sur la plage d'un pays arabe. Avec le sel qui faisait des cristaux sur sa peau. Une provocation. Une exhortation. A écrire ce livre, pour toi, mon fils". Le personnage féminin, nommée Paz, a disparu définitivement de la vie de son compagnon. Il est journaliste des pages culturelles dans un hebdo très branché à Paris et il rencontre, lors d'un vernissage, Paz, une femme photographe, originaire d'Espagne. Le narrateur s'adresse à son fils Hector pour lui raconter cette mère si particulière avec laquelle il ne grandira pas. Leur histoire d'amour va se développer dans les Asturies, à Gijón où il l'a rejoint. Paz ne vit l'amour que dans une tension permanente, une passion dévorante et déchirante. César (nom du narrateur) la définit avec ces mots : "C'est ta mère, vibrante, tempétueuse, aquatique, ouverte sur la plus tonique des mers, la mer Cantabrique, venteuse, salée, rebelle à la carte postale."  Cette rencontre avec Paz lui sera fatale : il ne pourra jamais la comprendre ni l'aimer dans la quiétude malgré la naissance de leur enfant. Paz se dérobe à tous moments, elle n'est jamais présente et César est amoureux d'une chimère artiste, d'une femme insaisissable. Elle se passionne pour les requins et en adopte un dans le cadre d'une association de sauvegarde des espèces menacées. La naissance de son fils n'a pas d'influence sur sa vie de femme. Et même son art de la photographie est basé sur un malentendu provoqué par une critique de César. Ses photographies de plage peuplée ne glorifient pas la vie mais la souillure des hommes. Elle va se détourner de son succès grandissant car, elle est attirée par le minéral et le végétal sans traces humaines. Sa fascination pour les requins révèle sa recherche d'un absolu qu'elle va chercher du côté de la mer dans un pays arabe. Ce roman offre un beau portrait d'une femme complexe, mystérieuse et attirante. Christophe Ono-Dit-Biot  décrit aussi l'air du temps, le côté futile et cruel d'un certain milieu, le monde de l'art contemporain et des médias. Paz ressemble aux héroïnes de Pascal Quignard, dont la solitude et la fragilité les placent dans un au-delà de l'amour humain. Ce roman noir et pessimiste a obtenu le prix de l'Académie française en 2013 et le titre "Plonger" résume le destin choisi et brisé de Paz, la femme mystère et inatteignable, un personnage hors du commun dans sa quête d'une autre "vie"...