mercredi 27 octobre 2021

"Où vivaient les gens heureux"

 Joyce Maynard, écrivaine américaine, vient de publier chez Philippe Rey, "Où vivaient les gens heureux". Ce grand roman familial démarre dans les années 70 et raconte l'histoire d'Eleanor, auteur de livres pour enfants, qui tombe amoureuse d'une ferme isolée dans la campagne du New Hampshire. Elle cherche à oublier la mort de ses parents dans un accident de voiture. Pourtant, elle s'est toujours sentie peu aimée par ce couple égoïste comme si cet enfant les encombrait. Quand elle rencontre dans un stand de foire, le beau Cam, sculpteur sur bois, elle s'imagine que cet homme sera un mari idéal pour fonder une grande famille. Cette orpheline veut créer un monde merveilleux au sein de cette ferme. Elle va ainsi mettre au monde trois enfants : la secrète Alison, la gentille Ursula et l'espiègle Toby. Grâce à son talent d'artiste, Eleanor nourrit sa famille car son mari ne se préoccupe jamais d'argent. Ses bols en bois se vendent très mal et il opte pour une insouciance d'une légèreté inquiétante. Cette vie familiale au cœur de la nature se passe dans une euphorie merveilleuse entre jeux et fêtes, repas et balades. Eleanor cultive sa maternité comme une fleur rare et donne à ses enfants tout le bonheur qu'elle n'a pas reçu. Cam, son mari, participe activement à l'éducation de ses petits, mais, un jour, il s'assoupit près de la mare et leur cadet, Toby, reste évanoui dans l'eau et quand il revient à lui, son cerveau s'est détérioré. Il ne sera plus comme avant et cet handicap mental va commencer à fracturer l'harmonie familiale. A partir de cet accident, la tribu se délite au fil des années. Eleanor nourrit à juste titre une rancœur sur son mari négligent. Celui-ci, pour fuir son couple, tombe amoureux de la jeune nounou. Eleanor ne pouvant pas supporter cette trahison, quitte son foyer pour préserver ces liens avec ses enfants. La famille désunie va subir les changements sociétaux comme le divorce, la recherche de partenaires sur internet, le féminisme, la transsexualité, l'individualisme libertaire, le handicap. Eleanor va souvent se retrouver isolée dans sa nouvelle maison et ses enfants choisiront leur père plutôt qu'elle. La question que pose l'écrivaine américaine semble d'une portée universelle : l'amour d'une mère peut-il provoquer autant de malentendus et de maladresses ? Eleanor en mère parfaite apprendra au fil des années que les liens affectifs ne sont pas gravés dans le marbre. Courageuse et résiliente, Eleanor incarne ces mères anonymes, piliers solides de leur famille qui se retrouvent parfois isolées et trahies. Cette saga familiale, venue d'Amérique, propose une fresque sociale haute en couleurs, un portrait d'une famille traditionnelle américaine attachante. Un bon roman étranger dans cette rentrée littéraire.