lundi 30 octobre 2023

Atelier Littérature, 5

 Je termine le compte-rendu de l'Atelier d'octobre avec le récit autobiographique de Jorge Semprun, "L'Ecriture ou la Vie", publié en 1994. Les lectrices qui l'ont choisi ont toutes été saisies par l'émotion en découvrant ce livre que j'ose définir comme une lecture indispensable du XXe siècle. Jorge Semprun, né en 1923 à Madrid, exilé en France en 1939 après la défaite des Républicains espagnols, s'engage dans la Résistance et il est arrêté par la Gestapo. Il est déporté à Buchenwald en 1944. Pour appréhender la tragédie des camps de concentration, l'Holocauste, le nazisme, Jorge Semprun prend la plume avec des décennies de distance car il est septuagénaire quand il commence la rédaction de ses souvenirs. Il ne pouvait pas traduire en mots ces années passées à Buchenwald en tant que prisonnier politique. A vingt ans, ce jeune homme vibrant de vie et de révolte (il a rejoint la Résistance) rencontre la mort. La mort des compagnons, broyés par le typhus,  la mort des Juifs dans les chambres à gaz, l'odeur fétide de la mort. Cette expérience concentrationnaire qu'il a vécue très jeune ne cesse de le hanter. Quand il est libéré par les Américains, il part à Ascona, dans le Tessin chez une cousine : "Je m'étais mis en demeure de choisir entre l'écriture ou la vie". Ecrire, c'était revivre la mort et il choisit la vie. Une femme va jouer un rôle majeur dans cette décision vitale : "Grâce à Lorène qui ne savait rien de moi, j'étais revenu dans la vie, c'est à dire dans l'oubli : la vie était à ce prix. Oubli délibéré de l'expérience du camp. Il n'était pas question d'écrire quoi que ce fût d'autre. Cela aurait été dérisoire, ignoble peut-être". Quand l'écriture le saisit enfin, il raconte les humiliations, les coups, la boue, la neige, le froid, les chiens, le mépris des gardiens, l'inhumanité des nazis. Il relate la chance d'avoir rencontré un communiste allemand qui lui a sauvé la vie en l'éloignant des chantiers mortifères. Dans ce chaos infernal, il rencontre des êtres inoubliables comme Maurice Halbwachs. Dans ce terrible quotidien qu'il décrit, la lumière de la culture éclaire son âme assombrie. Comme il parle l'allemand, il se souvient de Goethe, de Weimar qu'il visitera avec un officier américain. La question du Mal absolu est posée dans ce texte essentiel. Toute sa vie, Jorge Semprun éprouvera ce sentiment sur son expérience de la mort : "Je me sentais flotter dans l'avenir de cette mémoire. Il y aurait toujours cette mémoire, cette solitude : cette neige dans tous les soleils, cette fumée dans tous les printemps". Ce témoignage passionnant et émouvant, servi par un style vivant, pourrait se conclure ainsi : "Personne ne peut se mettre à ta place, ni même imaginer ta place, ton enracinement dans le néant, ton linceul dans le ciel, ta singularité mortifère. Cette singularité gouverne sourdement ta vie : la fatigue de la vie, ton avidité de vivre, (...) ta joie violente d'être revenu de la mort pour respirer l'air iodé de certains matins océaniques, pour feuilleter des livres, pour effleurer la hanche des femmes, leurs paupières endormies, pour découvrir l'immensité de l'avenir". Ce livre dense et puissant évoque souvent la mort mais il se situe du côté de la vie, une belle vie, celle de Jorge Semprun, un grand écrivain français qu'il ne faudrait jamais oublier.  


vendredi 27 octobre 2023

Atelier Littérature, 4

 Régine a lu "Trois jours et une vie" de Pierre Lemaître, publié en Livre de Poche. Ce roman raconte l'histoire d'Antoine, un jeune garçon taciturne, élevé par sa mère dans une petite ville où tout se sait : "A la fin de décembre 1999, une surprenante série d'événements tragiques s'abattit sur Beauval, au premier rang desquels, bien sûr, la disparition du petit Rémi Desmedt". A 12 ans, Antoine a tué son camarade d'école, Rémi. Mais il reste seul avec ce secret horrible. Le corps n'a jamais été retrouvé lors de l'enquête. Quelques années plus tard, il s'est installé dans la vie avec une compagne mais le passé lui revient comme un boomerang. Régine nous a donné envie de lire ce thriller psychologique ! Colette, Pascale et Odile ont lu le récit bouleversant de Jean-Marie Laclavetine, "La vie des morts", édité en Folio. Pour apprécier ce document, il fallait découvrir "Une amie de la famille", où l'écrivain évoque sa sœur, Annie, disparue à l'âge de vingt ans, emportée par une vague meurtrière à la Chambre d'amour à Anglet. Le silence avait enseveli la famille dans une chape de plomb. En faisant renaître sa sœur grâce à l'écriture, il n'imaginait pas que ce livre allait provoquer tant de réactions, de retrouvailles et de surprises : "Trop de coïncidences, de lettres reçues, de rencontres inattendues, trop de surprises". Un critique a défini la démarche de l'auteur : se retrouver dans une "fraternité d'espèce des endeuillés". Il rassemble dans ce texte mémorial d'autres figures amies. Il s'adresse à sa sœur disparue ainsi : "Tu as coupé à un nombre conséquent d'enterrements, petite veinarde. Tu as échappé à tous ces coups qui un par un nous assomment et nous laissent comme des boxeurs groggy dans l'attente du gong final, tu as échappé aux gémissements, partie avec sagesse et un brin de désinvolture dans la pleine force de tes vingt ans". Le dernier ouvrage commenté dans l'Atelier concerne le chef d'œuvre de Jorge Semprun, "La vie ou l'écriture", publié en Folio. Je consacrerai un billet à ce beau récit autobiographique  dès lundi. Et j'ai même reçu un témoignage de reconnaissance de la part de Mylène qui a découvert ce texte avec une admiration certaine.     

jeudi 26 octobre 2023

Atelier Littérature, 3

La saison a donc repris ce jeudi 19 octobre et pour attaquer l'année, j'ai proposé une liste bibliographique sur le mot "vie" dans les titres de romans et d'essais. Les dix ouvrages n'ont pas tous été lus et mon compte-rendu concernera les titres choisis. J'ai demandé aux lectrices de l'Atelier de m'envoyer un commentaire bref sur le livre lu. Ainsi Colette a résumé le roman de Cristina Comencini, "Etre en vie", publié en 2018 : "Etre seule à Athènes pour les formalités liées au suicide de sa mère permet à Caterina, adoptée à six ans, de replonger dans son histoire et sa première enfance misérable, pour mieux comprendre ce que signifie être vivante". La mère adoptive de Caterina et son compagnon, Sebastiano, sont retrouvés morts dans une chambre d'hôtel à Athènes. Caterina part à Athènes et le fils de son beau-père la rejoint. Ils vont vivre des jours intenses en revisitant leur enfance et se sentir enfin vivants. Cette écrivaine italienne, née en 1956, a fait ses débuts au cinéma avec son père, Luigi Comencini, en tant que coscénariste. Janelou et Odile ont découvert le même récit autobiographique de Déborah Lévy, "Le coût de la vie". Janelou n'a pas du tout aimé. Son commentaire lapidaire en dit long : "De très belles pages sur la plomberie et le vélo électrique". Odile a bien retrouvé dans ce récit le souffle féministe d'une femme qui prend son élan après son divorce. Une double lecture contradictoire. "Le coût d'une vie" a reçu le Prix Médicis étranger en 2020. Héritière de Simone de Beauvoir, la presse a beaucoup encensé ce récit autobiographique, parfois trop encensé. Danièle et Geneviève ont beaucoup aimé "La vie de Joseph Roulin" de Pierre Michon, publié chez l'excellent éditeur Verdier. Vincent Van Gogh a réalisé un portrait de ce facteur modeste en 1888 sans savoir que ce peintre marginal allait devenir le génie que l'on connaît. Le peintre hollandais a peint le facteur quatre fois. Ainsi, cet homme simple du peuple représente tant "les vies minuscules" que Pierre Michon a décrit dans son œuvre. Avec l'art, Joseph Roulin pénètre par la "grande porte dans le monde infini de la mémoire". Et lire Pierre Michon, c'est plonger dans un océan luxuriant de mots, de phrases, dans un des plus beaux styles de la littérature française contemporaine.  (La suite, demain)

vendredi 20 octobre 2023

Atelier Littérature, 2

 Pascale a présenté deux coups de cœur : "Celui qui veille" de Louise Erdrich et "Récitatif" de Toni Morrison. Le premier cité raconte l'histoire d'un veilleur de nuit dans une usine, Thomas, qui lutte contre un projet de gouvernement qui se veut émanciper les Indiens. Sa nièce, Pixie, veut fuir son père alcoolique et partir à Minneapolis pour y retrouver sa sœur. Un long combat commence pour ces deux personnages centraux. Le second coup de cœur, "Récitatif" de Toni Morrison, relate l'histoire de deux fillettes, l'une noire, l'une blanche, inséparables à l'orphelinat dès l'âge de 8 ans. La vie les sépare quand elles grandissent mais, elles vont se recroiser à plusieurs reprises dans des circonstances différentes. Un souvenir pénible de leur enfance ne les a jamais quittées. Ce roman percutant est à découvrir sans tarder. Odile a choisi un roman américain d'Hernan Diaz, "Trust", prix Pulitzer 2023. Dans les années 30, Wall Street traverse la pire crise financière du XXe siècle lors de la Grande Dépression. Un homme a pourtant fait fortune là ou d'autres se sont effondrés. Ce magnat de la finance coule des jours heureux avec sa femme qui se consacre à des œuvres de bienfaisance. Mais, derrière cette façade de bon aloi, se cache un mystère peut-être inavouable. Un roman surprenant pour comprendre les hautes sphères de la finance américaine. Régine a présenté "Les corps solides" de Joseph Incardona, un roman qui démarre ainsi : "Mettez l'humanité dans un alambic, il en sortira l'essence de ce que nous sommes devenus : le jus incolore d'un grand jeu télévisé". Anna, la maman courage, a des ennuis avec son camion-rôtissoire au bord de l'Atlantique. Léo, son fils, surfe de belles vagues. Or, elle perd son gagne-pain dans un accident et pour gagner de l'argent, elle participe à un jeu télévisé pour s'en sortir. Va-t-elle vendre son âme pour ces 50 000 euros dans un jeu absurde ?  Un nouvel auteur intéressant à connaître, Joseph Incardona. Mylène a évoqué l'essai de Cynthia Fleury, "Un été avec Jankélévitch", très agréable à lire pour comprendre la pensée lumineuse et parfois complexe de ce merveilleux philosophe français, héritier d'Henri Bergson. Janelou a terminé la partie coups de cœur avec "La solitude des nombres premiers" de Paolo Giordano. Alice aime la photo, Mattia, les mathématiques. Chacun se reconnaît dans la solitude de l'autre. Un belle histoire d'amour, originale et singulière. Voilà pour les coups de cœur du mois d'octobre ! De bonnes idées de lecture pour affronter l'hiver qui vient. 

jeudi 19 octobre 2023

Atelier Littérature, 1

 Nous nous sommes retrouvées ce jeudi après-midi pour le premier atelier Littérature de la saison 2023-2024 avec plaisir, un plaisir partagé par une dizaine de participantes. J'ai dédié la séance à Dominique Bernard, le professeur de français, poignardé par un barbare islamiste. Cet homme des Lumières aimait la littérature, nous a dit sa femme lors de la cérémonie à la cathédrale d'Arras. Il aimait Julien Gracq, Stendhal, Flaubert, Proust. Il aimait la musique baroque. Il aimait le cinéma, la peinture italienne, Van Gogh. C'était un homme cultivé, discret, un passeur de mémoire littéraire. J'étais émue d'évoquer ce confrère en livres, en littérature qui a été lâchement assassiné parce qu'il représentait le meilleur de la France littéraire, prônant l'ironie, la liberté de pensée, l'amour de la vie et des autres. Dans l'atelier, nous apprécions les livres, la littérature et je voulais que l'on pense à tout l'héritage que l'on reçoit à l'école. Pensons à tous nos anciens professeurs de Français qui nous ont introduit dans le monde de la littérature avec le "Lagarde et Michard", l'amour de notre langue, de notre pays. Je n'oublierai jamais Samuel Paty et Dominique Bernard. L'Atelier a accueilli une nouvelle recrue, Geneviève, retraitée à Chambéry, une lectrice curieuse et motivée. Nous avons ensuite abordé les ouvrages de la liste sur la vie, mais je commencerai par évoquer les coups de cœur de la deuxième partie de l'atelier. Colette a démarré avec le dernier opus de Philippe Delerm, "Les Instants suspendus", édité au Seuil en août dernier. Ce recueil de notes raconte tous ces moments fugaces, éclairants, éphémères qui surgissent dans notre esprit comme "passer le doigt sur une vitre embuée. Le jaillissement du paysage à la sortie du tunnel ferroviaire". Ces instants de vie rappelle "La première gorgée de bière". Philippe Delerm se définit comme un poète du quotidien. Geneviève a présenté brièvement "Tombeaux" d'Annette Wiervorka, un témoignage émouvant et éprouvant sur sa famille décimée dans les camps de concentration. Un livre indispensable à lire absolument pour ne jamais oublier l'Holocauste surtout en ces temps où l'antisémitisme sévit avec une résurgence inquiétante. Danièle a découvert avec intérêt un roman de Carol Joyce Oates, "Confessions d'un gang de filles", édité en 2014 en Livre de Poche. Dans un quartier populaire de l'Etat de New York en 1950, cinq lycéennes dont le personnage principal, Legs, veulent se venger des humiliations qu'elles ont subies. Reliées par un pacte à la vie, à la mort, elles forment un gang, le Foxfire. La haine des hommes va les entraîner dans une équipée sauvage et mortelle. Un roman puissant à l'image de l'écrivaine américaine, spécialiste de la violence aux Etats Unis dans les relations humaines. (La suite, demain)

mercredi 18 octobre 2023

"La vie devant ses yeux", Laura Kasischke

 Dans le cadre de l'atelier Littérature d'octobre, j'ai choisi une écrivaine américaine très singulière, Laura Kasischke, née en 1961 dans le Michigan. Elle commence une carrière de professeur de langue anglaise et d'écriture dans son pays d'origine et devient écrivaine en 1997 avec le roman "A Suspicious River", adapté au cinéma. Son univers romanesque souvent inquiétant et son style distancié rappellent Joyce Carol Oates. Publié chez son éditeur, Christian Bourgois, en 2002, ce roman glaçant se lit comme un thriller. Le roman démarre par une scène d'une violence inouïe : une tuerie comme on en connaît aux Etats-Unis. Un lycéen ouvre le feu dans son établissement et quand il croise Diana et Maureen dans les toilettes, il leur demande cyniquement laquelle il doit tuer. Alors que Maureen se désigne avec un esprit de sacrifice, Diana lance au tueur qu'elle préfère vivre et elle désigne son amie. Vingt cinq ans après, Diana a tout pour être heureuse. Mariée à un professeur de philosophie, mère d'une petite Emma, elle enseigne le dessin à mi-temps. Sa vie de femme américaine se déroule entre l'éducation de sa fille, ses dons culinaires et ses loisirs. Mais, dans ce lac tranquille que représente son présent, demeure une source noire. L'évènement traumatisant de sa jeunesse commence à la hanter par bouffées incontrôlées. Eprouve-t-elle un remords depuis ce drame de la tuerie ? En se choisissant alors que son amie voulait la protéger, sa lâcheté lui revient en boomerang et cette culpabilité inconsciente coule en elle comme une  rivière souterraine. Sa vie parfaite qu'elle croyait réelle commence à vaciller avec la résurgence de micro événements du quotidien : des ennuis à l'école, des soupçons sur la fidélité de son mari, une scène dans un zoo, une lettre anonyme. Le regard de son amie Maureen revient dans sa mémoire et cette trahison semble impardonnable. Ce roman psychologique d'une grande finesse peut procurer un malaise entre le réel et l'irréel, le passé et le présent, les fantasmes et les faits. Diana va-t-elle déminer son angoisse du passé, un passé tragique ?  Pour connaître la clé du mystère, il faut découvrir ce singulier texte, servi par un style au scalpel. 

mardi 17 octobre 2023

"Le Château des Rentiers", Agnès Desarthe

 "Le Château des Rentiers" d'Agnès Desarthe, paru en septembre dernier, évoque ses grands-parents maternels, Boris et Tsila, qui vivaient dans un immeuble parisien, rue du Château-des-Rentiers dans le 13e arrondissement. Ils avaient acquis un petit appartement dans ce quartier pour rejoindre des amis, la plupart des rescapés de l'Holocauste. L'idée de se retrouver ensemble dans le cadre de la retraite leur permettait de vieillir en "amitié". Ils aimaient passer chez les voisins, emprunter des aliments manquants, laisser les enfants jouer dans les escaliers, partager ce quotidien dans une ambiance conviviale. C'était pratique et joyeux. L'écrivaine raconte avec facétie et avec une certaine émotion la création de cet immeuble aux allures de phalanstère. Tous ces "sur-vivants" continuaient à se parler, à s'amuser ou à se disputer. En pensant avec amour à ses grands-parents, Agnès Desarthe aborde la question de son âge. Née en 1966, elle sait que la retraite se rapproche : un rêve de sa jeunesse lui revient en mémoire. Ce rêve rejoint celui de ses grands-parents : créer une maison de retraite avec tous ses amis d'antan et d'aujourd'hui. Mais se pose la question cruciale : comment réaliser ce projet ? Agnès Desarthe relate ses visites avec la banque et avec un architecte. Les dialogues sont savoureux et les interrogations de la narratrice sur cette maison de retraite fantasmée se mélangent avec des anecdotes variées comme celle de sa rencontre mouvementée avec une lectrice en Ecosse. Ce récit ressemble à l'immeuble de ses grands-parents où portes et fenêtres sont ouvertes à tous vents. Un chœur d'hommes et de femmes parlent de leur vieillesse, souvent leur pire ennemie. La mère de l'écrivaine a été filmée par la Fondation Spielberg en 1996 et l'écrivaine relate la difficulté de la revoir car elle a disparu en 2012. Ses lectures sont aussi commentées en particulier sa découverte de Cynthia Ozick, peu connue en France. Ce récit autobiographique souvent éclaté semble prendre le relais de ses écrits personnels comme "Comment j'ai appris à lire" et le "Remplaçant" où elle faisait déjà le portrait de son grand-père, Boris. Le passé et le présent se bousculent sans cesse dans ce texte atypique, déluré, tendre et empathique. Si Agnès Desarthe réussit à bâtir sa maison de retraite, il est sûr que les résidents et résidentes vont souvent rire, sourire et réussiront à oublier les misères du grand âge. En compagnie d'une écrivaine, chef d'orchestre fantaisiste, enjouée et vibrante de vie, je veux bien me porter candidate dans quelques années dans ce nouveau Château des Rentiers des années 2040 ! Soyons optimistes ! Je redonne la parole à Agnès Desarthe : "Les souvenirs sont à présent ma rente. Je vis autant du présent que je me nourris du passé. Les années s'amenuisent, qu'importe ? Plus le temps qui me reste à vivre diminue, plus ce que j'ai vécu enfle et prospère". Belle définition du cumul des années ! 

lundi 16 octobre 2023

"Perspectives", Laurent Binet

Dans la rentrée littéraire de septembre, un roman m'a particulièrement attirée par son sujet : un thriller historique épistolaire se situant dans la Renaissance italienne. Comme j'aime particulièrement cette époque artistique, j'ai donc lu avec beaucoup d'intérêt "Perspectives" de Laurent Binet, publié chez Grasset. Cet écrivain français quelque peu original s'était déjà bien fait remarquer avec un roman sur un nazi, "HHhH", puis sur l'improbable assassinat de Roland Barthes, "La septième fonction du langage". En 2019, il raconte une dystopie historique, "Civilizations" où les Incas font la conquête de l'Europe. Dans son dernier opus, l'auteur explore l'univers de la Renaissance du XVIe siècle en se basant sur le rôle majeur qu'a tenu Giorgio Vasari (1511-1574), peintre, architecte, historien de l'art et inventeur du terme Renaissance. Ce personnage réel devient dans le roman l'enquêteur d'une affaire criminelle. Jacopo da Pontormo, un artiste maniériste, est retrouvé mort dans l'église San Lorenzo où il réalisait des fresques pour décorer le chœur de l'édifice. Le contexte historique constitue un élément essentiel car la République de Florence est au cœur de l'affrontement entre la France et l'Espagne. Une kyrielle de personnages intervient dans ce roman policier très original : de Pontormo à Bronzino, son assistant en passant par Vasari et ses aides, Michel Ange, la famille Médicis, des religieuses disciples de Savonarole. Ce tourbillon d'échanges épistolaires donne un peu le tournis mais une liste des personnages en tête du premier chapitre permet de bien se repérer. L'auteur a choisi cette architecture épistolaire pour "creuser mes personnages, en me plaçant dans la tête de chaque correspondant". Il ajoute aussi "Et puis, quel défi de créer du suspense avec des échanges de lettres". Chaque protagoniste expose ainsi ses indices sur le meurtre de Pontormo et il est question d'un tableau mystérieux avec le portrait de la fille Médicis. Se greffent dans cette histoire policière une histoire d'amour, une fuite en France, des révoltes, des dénonciations, des complots, des soupçons, toute une ambiance de secrets et d'alliances. Ce puzzle énigmatique "Renaissance" propose 176 lettres composant un texte ludique, érudit, brillant et tellement stendhalien. L'univers des peintres à Florence est au cœur du récit et le titre "Perspectives" raconte à merveille tous les points de vue des personnages. Un régal, ce roman épistolaire d'une "italianité" savoureuse. 

jeudi 12 octobre 2023

"Ma vie avec Colette", Pauline Dreyfus

 En 2023, j'ai retrouvé une vieille amie, une amie de cœur et de littérature que je n'avais pas lue depuis des décennies. Dans le cadre de l'atelier Littérature, j'avais choisi la délicieuse Colette pour célébrer les 150 ans de sa naissance. Je possédais les Pléiade de Colette, un héritage de ma mère qui était une fan de l'écrivaine, car dans son œuvre, elle devait savourer son monde proche de la nature, des animaux familiers, de ses relations houleuses et pas toujours heureuses avec les hommes, et malgré tout, ma mère aimait sa gourmandise de vivre. J'ai donc pratiquement lu et relu ses romans, ses essais et ses écrits autobiographiques. Je me réserve encore quelques pépites, une réserve de lectures qui me ravit d'avance. J'ai découvert récemment l'ouvrage de Pauline Dreyfus, "Ma vie avec Colette", publié chez Gallimard dans une nouvelle collection, "Ma vie avec". Cette collection propose "des textes brefs. La révélation d'un compagnonnage d'une vie leur donne un tour intime, sans notes, ni appareil critique, bien inutiles pour parler d'un ami". Pauline Dreyfus n'hésite pas à mélanger sa vie à celle de Colette en décrivant son enfance à Paris dans des rues "sans ciel" et qui retrouvait la maison de ses grands-parents maternels près de la forêt de Fontainebleau. Ce paradis perdu ressemblait au village de l'écrivaine dans sa Bourgogne natale. La petite Parisienne adorait le jardin, des "jardins qui composent à tout jamais dans l'imaginaire de Colette les provinces d'un royaume dont elle est la suzeraine". Cette vie à la campagne, Pauline Dreyfus la nomme la nostalgie du "là-bas", du bonheur de l'enfance et de la nature. La narratrice revient sur la biographie de Colette en l'éclairant d'un nouveau regard, un regard amical, compréhensif mais aussi sans concession. Elle peut évoquer les travers de l'écrivaine en expliquant les raisons de sa conduite parfois inattendue comme sa relation complexe et difficile avec sa fille à qui elle aurait déclaré : "Tu deviens ce que j'ai toujours dédaigné : quelqu'un d'ordinaire". Et elle n'a pas toujours été proche de sa chère Sido. Malgré ses failles et ses faiblesses, Colette mérite toute notre admiration pour ses écrits poétiques, sensuels, incarnés. Lire Colette, c'est "pousser la grille du jardin d'Eden". Pauline Dreyfus offre un portrait original, non académique de sa compagne en littérature : "J'ai connu les affres et les espoirs des personnages de Colette. J'ai été Claudine dans les bois de Montigny. J'ai été Gigi espérant un mari, je suis maintenant Léa guettant les stigmates du vieillissement". Un bel essai biographique sur Colette et même si l'on connaît bien sa vie, Pauline Dreyfus nous fait partager son enthousiasme fervent envers cette écrivaine à la "prose fastueuse et poétique". 

mardi 10 octobre 2023

Escapade italienne, Naples, 2

 J'ai donc visité le Musée archéologique national en milieu d'après-midi et ces deux heures passées dans ce Palazzo degli Studi, un des palais monumentaux majeurs du centre historique m'ont semblé trop courtes. La richesse des collections provient des fouilles de Pompéi et d'Herculanum ainsi qu'aux antiquités gréco-romaines de la collection Farnèse. Quel bonheur de revoir tous ces chefs d'œuvre : l'Hercule Farnèse de 3 mètres de haut, des bronzes d'Herculanum incroyablement réalistes, des mosaïques trouvées dans les villas romaines de Campanie ainsi que les fresques surtout celles des déesses Flora, Diana, Médée et Léda. Dans une galerie, baptisée "La Grande Grèce", j'ai admiré mes vases grecs toujours aussi illustrés de personnages mythologiques, de scènes quotidiennes et de batailles homériques. Ces vases grecs constituent une magnifique collection de livres d'images fabuleuses en céramique. Des jardins intérieurs permettent de prendre l'air pendant la découverte des nombreuses salles. Le lendemain matin, j'ai subi le premier gros orage du séjour mais cela ne m'a pas gênée car je me trouvais dans le Musée de Capodimonte, installé lui aussi dans un ancien palais, édifié par Charles de Bourbon. Cette pinacothèque de premier plan expose des peintres italiens que j'aime beaucoup : Bellini, Botticelli, Le Caravage, Parmiggiano, Artimisia Gentileschi, Masaccio, Titien, etc. J'ai même revu des Brueghel, des Goya. Un festival artistique magique. Une partie des peintures du Capodimonte se trouve actuellement au Louvre jusqu'en janvier. J'ai pensé à un petit Louvre en arpentant la centaine de salles à ma disposition. L'orage s'est calmé dans l'après-midi et nous avons pris le métro pour découvrir (d'après les guides) la plus belle station d'Europe ! Cette station Toledo réserve une surprise étonnante. L'architecte catalan, Oscar Tusquets, a réalisé un univers futuriste avec des murs bleus traités comme le fond de la mer. En prenant l'escalator, un puits de lumière nous inonde de bleu, le bleu des abysses comme celui de la voie lactée. Je ne voulais pas manquer cette galerie d'art lumineuse et spectaculaire à trente mètres de profondeur. J'ai ensuite traversé les quartiers espagnols, un damier de rues obscures, étroites et à la réputation sulfureuse. Ce quartier populaire touché par le chômage et la pauvreté ne présente pas une image somptueuse de Naples et on peut se balader dans ses rues sans aucun problème d'insécurité. Pour terminer mon séjour napolitain en admirant un dernier Caravage, celui des "Sept Œuvres de la Miséricorde", dans la chapelle de bienfaisance Pio Monte de la Misericordia. Quelle toile stupéfiante où l'on voit la Vierge Marie soutenue par des anges et se pressent autour d'elle des gens du peuple napolitain. Un chef d'œuvre absolu. Naples s'inscrira désormais dans ma mémoire comme une immense ville d'art de l'Antiquité à la Renaissance en passant par le génial Caravage. Mais aussi, Naples, ce sont avant tout les hommes et les femmes de tous âges, tous adorables de gentillesse, qui vivent dans une métropole bruyante, vivante, délirante. L'Italie sans Naples ne serait pas l'Italie. Il manquerait à son identité ce grain de beauté posé sur une terre volcanique de toute beauté. 

lundi 9 octobre 2023

Escapade italienne, Naples, 1

 La dernière étape de mon périple s'est passée à Naples car je ne voulais pas quitter la Campanie sans revoir sa perle volcanique, sulfureuse et fascinante. C'est une ville "intranquille" la plupart du temps, stressante souvent mais tellement palpitante de vie, de contrastes et de surprises. J'avais loué une chambre près de la place du Plébiscite, le cœur du centre ancien à quelques centaines de mètres de la mer. Les valises déposées, j'ai commencé la visite de la ville avec un sentiment de familiarité car j'étais venue en 2016 pour la découvrir pendant une semaine. Les images que j'avais conservées dans ma mémoire reflétaient bien la réalité urbaine qui se déroulait devant mes yeux : le brouhaha incessant des voitures et des scooters, des gens partout sur les trottoirs et dans les rues pavées, des poubelles un peu trop pleines devant les restaurants, des groupes de touristes excités. Les immeubles anciens dans des tons ocre, jaune, rouge, montrent la patine du temps et se conservent malgré tout dans un état souvent délabré. Toutes les grandes métropoles composent une mosaïque où plusieurs facettes s'entremêlent, des bonnes comme des mauvaises. Naples peut effrayer des touristes habitués à la tranquillité publique. Dans le cœur vivant de la ville, j'ai donc revu la splendide galerie marchande Umberto 1, d'un luxe incroyable avec son architecture spectaculaire. Ensuite, j'ai arpenté la Via Toledo qui me menait au Musée archéologique, l'un des plus beaux du monde ! Sur mon chemin, j'ai retrouvé un tableau du Caravage dans la Galerie de peinture, installée dans une ancienne banque. Le tableau en question montre le martyr de Sainte Ursule et j'aime l'ambiance de ces toiles avec des personnages troublants, saisissants, une mise en scène délirante, le mélange des couleurs sombres et lumineuses. Quel peintre, ce Caravage ! J'ai regretté l'absence d'une toile de Bellini, exposée en ce moment au Louvre. J'ai vu aussi une très belle collection de vases grecs. Sur la place Dante, nous avons fait une pause déjeuner dans une trattoria, baptisée "Le temps des roses et du vin" où les cocktails portaient les noms de Sartre, de Simone de Beauvoir, de Boris Vian. Un hommage à la littérature française des années 60. Après cette pause gourmande, j'ai poursuivi ma visite dans cette vertigineuse via Toledo où tout est spectacle : les boutiques, les stands, les restaurants, les librairies d'occasion, les églises toujours accueillantes où l'on se rafraichit avec plaisir (32 degrés, ce vendredi là). La suite, demain.  

jeudi 5 octobre 2023

Escapade italienne, Ischia, 2

 Lors du court séjour à Ischia dans notre domaine maritime, l'hôtel Da Maria, nous avons repris la barque d'Angelo pour visiter le superbe château aragonais à quelques encablures du port. Ce château médiéval m'intriguait car il formait la pièce maîtresse du panorama que j'avais devant mes yeux. Une fois arrivés au port, un pont de 150 mètres relie le château. J'ai eu de la chance car j'ai pris l'ascenseur pour atteindre le sommet du château d'une hauteur de 115 mètres ! J'ai appris que l'édifice impressionnant abritait plus de 2 000 familles et comptait jusqu'à 13 églises, un couvent et une abbaye. Les archéologues ont trouvé des traces de vestiges datées du Ve siècle av. J.-C. et des tours furent érigées pour surveiller l'arrivée des bateaux ennemis, surtout des pirates. En 1441, Alphonse V d'Aragon construit le pont de pierre pour remplacer l'ancien pont en bois. En 1912, le château est vendu à un propriétaire privé qui le transforme en musée à ciel ouvert. Je me suis baladée sur les sentiers du château dans une nature peuplée d'oliviers, de lauriers, de caroubiers, de figuiers avec une vue unique sur la mer et sur les îles voisines. J'ai vu des tours, la prison des Bourbons, le couvent des Clarisses, deux églises, un grand lieu d'expositions, une librairie-galerie. Tout au long de ma déambulation aragonaise, j'ai aussi remarqué une ancienne église, bombardée par les Anglais en 1809. Ces ruines à l'aspect romantique dégagent une poésie quasi sacrée. On peut aussi se restaurer sur une terrasse magnifique. Ce lieu touristique possède aussi des belvédères à tous les niveaux. Les espaces visités ne sont pas surveillés et la majorité des visiteurs respecte à merveille ce château enchanté ! Après cette découverte surprenante, j'ai arpenté le port d'Ischia, Ischia Ponte, et j'ai terminé ma matinée dans un restaurant fabuleux, l'Auras, qui me laissera un grand souvenir gourmand. Angelo, notre homme-barque, nous a ramenés à l'hôtel et j'ai consacré l'après-midi à la baignade pour me ressourcer et pour me préparer à rejoindre Naples le lendemain, Naples, la cité volcanique, une autre planète aux antipodes d'Ischia, sa voisine, bien plus sage et bien plus verte que son ogresse urbaine aux 3 millions d'habitants !  

mercredi 4 octobre 2023

Escapade italienne, Ischia, 1

 C'était un soulagement de lâcher la voiture car les Italiens (une large majorité masculine) que l'on a croisés sur la route ne sont pas toujours respectueux du code de la route. Et je ne parle pas des scooters ! Nous avons pris un bateau rapide pour rejoindre l'île d'Ischia à 50 kilomètres de la côte. Il faut donc une petite heure pour longer la baie de Naples et cette balade sur la mer nous fait traverser des paysages magnifiques. A l'arrivée au port d'Ischia, nous avons pris un taxi pour nous conduire à l'Hôtel Da Maria situé dans une anse. Mais pour poser nos valises dans cet hôtel familial, il a fallu prendre une barque, une petite barque toute jolie mais bien instable, pilotée par le formidable Angelo, un îlien, qui me rappelait physiquement un personnage du Caravage que l'on admire dans ses toiles. Je n'avais pas l'habitude d'être aussi secouée avec les vaguelettes de la mer Tyrrhénienne ! Nous avons accosté sur un ponton lui aussi assez mouvant et je me suis tout de suite sentie bien dans cet environnement marin et naturel, assez loin du village. Autour de l'hôtel, aucune maison, des falaises et la plage de sable noir en contrebas. Ischia est bel et bien une île volcanique et abrite même des sources chaudes, très réputées depuis l'Antiquité. 10 kilomètres de large, des pinèdes, des rochers, des vignes, l'île verte compte 60 000 habitants. Le mont Epomeo à 800 mètres d'altitude se devine dans l'horizon et le volcan s'est tu depuis le 14e siècle ! Il était temps pour nous de se reposer devant la mer et ce ciel, liés par une entente secrète, tissée d'une douceur de vivre, cette dolce vita tellement visible dans ce coin de l'Italie. Des mouettes passaient devant ma terrasse pour me lancer des cris de bienvenue... J'ai remarqué l'absence d'une musique dérangeante que l'on rencontre souvent dans les restaurants et dans les hôtels, un signe de qualité pour cet établissement d'un charme suranné ! Un restaurant nous proposait des plats succulents comme des "spaghettis à la vongole", mon plat préféré en Italie. Une bonne ambiance conviviale régnait dans le personnel et nous avons passé un séjour reposant et relaxant en se baignant dans la piscine désertée ou dans la mer qui avait conservé sa chaleur estivale. Un petit paradis, cette île d'Ischia. Elena Ferrante a choisi ce lieu magique dans sa saga de "L'amie prodigieuse" quand elle évoque les vacances des deux amies. Je comprends maintenant son choix dans ce décor authentique, pas du tout "bling-bling" comme Capri. J'ai apprécié la simplicité, la gentillesse des habitants d'Ischia qui m'ont semblé bien moins agités que sur le continent. Un effet des îles, peut-être. Un effet bénéfique, dû au climat, à la mer, à la présence de la nature et bien sûr au silence environnant ! Comme à Venise, l'eau qui clapote à nos fenêtres apaise l'âme ! 

mardi 3 octobre 2023

Escapade italienne, Cumes

En suivant l'actualité, j'ai appris que la terre a tremblé près de Naples à deux reprises. Il semble que les habitants de la région de Pouzzoles commencent à s'inquiéter sérieusement de ces incidents pour le moment sans aucune gravité. A Monte di Procida, j'étais sur le flanc d'une caldeira, formée au cours de deux éruptions qui se sont produites dans un espace temps que l'on a du mal à réaliser (- 36 000 ans puis - 14 000 ans). Des phénomènes thermaux témoignent de ce passé volcanique dans les Champs Phlégréens où des fumeroles jaillissent du sol. Il était temps que je quitte ce pays pourtant sublime mais tellement imprévisible. J'ai toujours avoué mon peu de goût pour une vie d'aventurière et et je n'ai pas l'audace d'Haroun Tazieff !  Avant de retourner à l'aéroport de Naples pour remettre la voiture au loueur, je me suis arrêtée à Cumes, à quelques kilomètres de Monte di Procida. Pourquoi me rendre dans ce site archéologique ? J'avais lu des textes sur l'Antre de la Sybille dans l'Enéide de Virgile et je voulais voir de mes yeux ce lieu mythologique depuis l'Antiquité. Ancienne colonie de la Grande-Grèce, fondée au VIIIe siècle av. J.-C., par des Grecs d'Ischia, cette cité commerçante s'est dotée de deux temples dédiés à Zeus et à Apollon, reconvertis plus tard en basiliques paléochrétiennes. En 338, Rome s'empare de la cité. La zone archéologique que j'ai visitée comprend l'acropole, l'ensemble de l'antre dit de la Sybille et des thermes situés en contrebas. Je n'ai rencontré aucun touriste sur ce site pourtant connu mais il faut avouer qu'à part l'Antre de la Sybille, tout n'est qu'amoncellement de ruines au sol et l'on devine seulement l'emplacement des temples. Je suis donc entrée dans la galerie en tuf qui mène à la chambre de la Sybille. La forme étrange en triangle avec des ouvertures latérales donnant sur le ciel et la nature environnante provoque une sensation étrange et j'entendais presque un écho de la voix sibylline. La légende raconte que le dieu Apollon offrit à la prêtresse de réaliser son désir en échange de sa dévotion. Sa demande était de vivre autant d'années que de grains de sable que sa main puisse contenir. Mais son corps fut soumis au vieillissement jusqu'à tomber en poussière et seule, sa voix se faisait entendre dans l'antre. Dans l'Enéide, la Sybille prédit l'avenir à Enée. Après ma découverte de l'Antre, je n'ai pas rencontré cette prêtresse, évanouie depuis plus de 2 000 ans de Cumes et partie rejoindre les dieux de l'Olympe. Cumes était la dernière étape de notre périple en voiture. Direction, Ischia ! 

lundi 2 octobre 2023

Escapade italienne, Monte di Procida, étape récréative

 J'aborde peu le thème des hôtels que je choisis sur un site très connu qui permet d'annuler quelques jours avant le départ, la réservation sans aucun frais. Cela devient un jeu de sélectionner tel ou tel hébergement en fonction des lieux : bord de mer, campagne, centre ville. Et comme j'ai cumulé une grande expérience dans la fréquentation des hôtels, chambres d'hôte et appartements, je mesure parfois la différence entre la mise en scène de ces établissements sur ce site avec des couleurs vivifiées, l'espace des chambres surexploité et la réalité des lieux. Entre le vrai réel et le faux rêve, j'ai vécu quelques surprises au cours de mes nombreuses escapades depuis ma retraite. En Italie du Sud, j'ai eu de la chance avec la majorité d'entre eux sauf à Pompéi où le label "agroturismo" était notablement usurpé. Et l'accès de cette Villa Julia nous a beaucoup étonnés : petites routes cabossées, poubelles non ramassées, aucun panneau. On se sentait sur une autre planète après l'espace touristique du site archéologique. Une image du pays pas très flatteuse mais tout le monde sait que du côté de Naples, c'est compliqué pour la propreté des rues. Avant d'aborder notre étape à Cumes, nous avons fait halte à Monte di Procida dans un petit hôtel fabuleux qui s'est avéré encore plus beau que dans le site, le Lavinum. Pour accéder à ce nid perché dans les vignes, un sentier goudronné très pentu et très étroit donnait le vertige. Mais une fois franchi, quel panorama sur la baie de Misène, le Vésuve, le lac Fusaro, la région de Cumes ! Le propriétaire nous a apporté un plateau de charcuterie et de fromages alors que le restaurant était fermé et le tout arrosé du vin blanc de sa propre vigne. Les chambres donnaient sur la mer si proche et un jacuzzi bien rafraichissant m'a ressuscitée pour aborder la suite du voyage. Le matin du départ, le charmant responsable du domaine nous a montré sa cave de son vignoble, accrochée à la colline, du blanc et du rouge. Une halte de rêve à trente kilomètres de Naples et à quelques encablures de Cumes. Silence, authenticité du site, nature toute proche, vignes et oliviers : un paradis terrestre au pied du Vésuve ! Si le gouvernement ordonne un nouveau confinement, je file à Monte di Procida pour contempler la beauté du monde. Et dans ce panorama, la ville antique de Baïes engloutie par les eaux se tenait devant mes yeux et si je les fermais, je voyais les statues en marbre, entourées de poissons et d'algues et les mosaïques romaines des villas. Un souvenir au vrai goût de l'Italie que j'aime !