jeudi 9 février 2023

"Les bibliohèques vont-elles disparaitre ?"

 Ce titre alarmiste sur la fin des bibliothèques m'a, comme on dit, "interpellée". Le Centre d'Observation de la société a repris les statistiques sur les pratiques culturelles des Français et les chiffres parlent d'eux-mêmes : entre 1997 et 2018, la part de la population inscrite à la bibliothèque a diminué de 21 % à 15 %. Le taux est revenu à son niveau au début des années 80. Pourtant, la progression des années 80 à 2000 est passée de 14 % à 21 %. Cette fréquentation a été favorisée par le développement de nombreuses bibliothèques dans les petites et moyennes villes et par l'intégration dans ces lieux culturels des supports audio et vidéo. J'ai donc vécu en tant que bibliothécaire de 1985 à 2010 les meilleures années de la lecture publique en France, en quelque sorte un âge d'or de la culture écrite et aussi audiovisuelle. D'Eybens à Tarare, de la Bibliothèque Centrale de Prêt de l'Isère à la Médiathèque de la Tour du Pin, j'ai donc œuvré à la conquête des lecteurs et des lectrices avec une certaine satisfaction professionnelle. Je me souviens qu'à Tarare, une petite ville à quarante kilomètres de Lyon, plus de 4 500 habitants sont venus s'inscrire en un an dans la Médiathèque... C'était un bonheur de vérifier sur place la faim des livres, des cassettes audio et de la presse dans un espace de 1200 mètres carrés sur trois étages. Je me souviens encore des gros ordinateurs sur la banque de prêt et des minitels de recherche... Pendant toutes ces années conquérantes, j'ai croisé des milliers de lecteurs et de lectrices, j'ai prêté des milliers et des milliers d'ouvrages, j'ai reçu des centaines d'enfants des écoles pour leur donner le goût de la lecture. J'ai l'impression que toutes les bibliothécaires de cette époque croyaient encore à la lecture comme une valeur, héritée des Lumières, vécue comme une libération des esprits et  une émancipation individuelle. Mais dans les années 2 000 et plus, la grande révolution numérique est arrivée : l'Internet à la portée de tous. Aujourd'hui, les espaces dédiés aux CD et aux DVD n'attirent plus grand monde. Le "streaming" réduit considérablement l'emprunt de ces supports. Ne parlons même pas des sites comme Netflix et compagnie...  J'emprunte parfois des CD de musique classique pour les découvrir avant de les acquérir. Mais je me sens bien seule dans ce secteur à la Médiathèque de Chambéry... Les livres tiennent encore debout, surtout les secteurs jeunesse, toujours actifs et essentiels dans toutes les bibliothèques françaises. Quand je travaillais à la Bibliothèque universitaire de Chambéry, à Jacob-Bellecombette, les prêts de livres s'effondraient chaque année. Le numérique a gagné la partie. Faut-il se désespérer de ces nouvelles pratiques de lecture ? Non, l'acte de lire est toujours là que ce soit sur papier ou sur écran. L'humanité n'a pas encore inventé la greffe du savoir et de la connaissance dans nos cerveaux ! Il faut lire et ce verbe lire, je le célèbre tous les jours ! Le rire est soi disant le propre de l'humain, je remplace rire par lire ! En attendant la disparition des bibliothèques dans cent ans, profitons un maximum de ces belles et magnifiques institutions et si une commune ose fermer une bibliothèque, je prendrai les armes... intellectuelles pour les défendre becs et ongles !