mercredi 6 juillet 2022

"Les chemins de sable"

 Dans la liste sur les lieux, j'avais choisi un récit de Chantal Thomas, "Les chemins de sable", publié au Seuil en 2006. Ces pages, nées d'une conversation avec Claude Plettner pendant un an, racontent le charme certain de cette écrivaine, élue à l'Académie française en janvier 2022. Cet art du bavardage cultivé s'apparente à la conversation des salons au XVIIIe, siècle que Chantal Thomas apprécie tout particulièrement. Il n'est pas étonnant qu'elle succède à Jean d'Ormesson dont elle a fait un éloge brillant en juin dernier. Ils partagent un talent particulier : la vie leur semble un bonheur continu malgré les épreuves difficiles rencontrées. Leur optimisme vital défie toutes les contrariétés que l'on peut vivre dans une longue existence. Ces entretiens ressemblent à un journal intime où elle récapitule tous les lieux qui l'ont formée. Son attachement au siècle des Lumières l'inspire dans ses romans historiques et sa passion de la liberté reste une de ses obsessions les plus entêtantes :  "un désir de liberté vraie, c'est à dire une liberté pour soi". Dans l'introduction, elle évoque une "phrase-existence" : "Je pense souvent à cette phrase-existence, à ses pauses, ses ralentissements, ses tâtonnements, ses parenthèses, ses emballements à plusieurs voix, ses resserrements en monologues, ses passages par le rêve, ses phases de fatigues, d'appauvrissement,  ses regains de richesse et d'énergie...). Dès le début de l'ouvrage, elle définit une journée idéale : une journée de plage pour une adolescente d'Arcachon, un premier chemin de son enfance océanique. La lecture devient aussi un lieu essentiel, un lieu immatériel mais aussi un lieu de naissance de soi. Elle parle de ses écrivains fétiches comme Michelet, Dostoïevski, Kafka, Thomas Bernhardt. Ces vastes lectures aboutissent à l'acte d'écrire qu'elle analyse ainsi : "Ecrire est du domaine de la folie, une folie la plupart du temps discrète, invisible, mais sur fond de rupture avec l'ensemble des sentiments attendus avec l'appartenance à la communauté".  La "topographie intime" de Chantal Thomas se décline en variations diverses : les cafés, le séminaire de Barthes, les salons du XVIIIe, le bassin d'Arcachon, les jardins, des villes étrangères, les bibliothèques de recherche. Elle termine son récit par Venise, une ville enchantée. Ce récit lumineux démarre un cycle autobiographique qu'elle poursuivra avec "Cafés de la mémoire", "Souvenirs de la marée basse", "Café Vivre", "De sable et de neige" et son dernier "Journal de la nage". Pour compléter la connaissance de cette écrivaine si libre, il faut se rendre sur le site internet de l'Académie française où l'on peut lire avec plaisir son discours sur Jean d'Ormesson et la réponse de Dany Laferrière.