mardi 18 juillet 2023

"Piliers vivants", Régis Debray, 1

Régis Debray est le premier écrivain philosophe à publier son dernier opus, "Où de vivants piliers" dans une nouvelle collection très prometteuse, "La Part des autres" chez Gallimard. Ce titre, tiré du poème, "Correspondances" de Baudelaire, se présente sous la forme d'un abécédaire, forme très plaisante pour parcourir cet exercice d'admiration. Affaibli par un accident vasculaire cérébral, l'auteur rend un hommage émouvant à tous ses aînés préférés de la littérature française. Un régal de lecture ! A 82 ans, Régis Debray conserve son éternel esprit de jeunesse et cultive avec maestria son traditionnel humour caustique. La gratitude, ce sentiment rarissime de nos jours, se manifeste dans ce beau texte, l'un des meilleurs de notre "Gaulliste de Gauche" comme il se définit avec une certaine ironie. Il rappelle la beauté de la littérature, bien supérieure à tous les engagements politiques en "isme" dont il est revenu, lui l'ex-militant révolutionnaire, ami du "Che" et de Fidel Castro. Conseiller de François Mitterrand dans les années 80, il peut parler de "politique" sans jamais ennuyer en utilisant un style percutant, inspiré de son expérience. Les écrivains admirés (peu de femmes, hélas) sont pour lui des "incitateurs ou excitants" ou des "intercesseurs ou éveilleurs" comme l'écrivait Julien Gracq. Il veut régler une dette avant de "s'éclipser", régler une dette envers ceux qui l'ont construit. D'Aragon à Yourcenar, les chapitres se succèdent à un rythme endiablé et sautillant et pour tous les "férus" de littérature, se balader dans ces lignes nous propulse dans les sommets d'une culture à "l'ancienne". Quand il évoque sa bibliothèque - un chapitre savoureux - le livre, les maisons d'écrivain, les voyages, son style ciselé et dynamique, son humour caustique provoquent souvent un sourire du lecteur(trice). Je sens résonner en lui un amour des livres, une passion communicative. Ses admirables admirés de la littérature : Perec, Gary, Genevoix, Barthes, Mauriac, Cordier, etc. Sur Proust, il écrit : "Chacun son Proust, c'est évident, mais c'est le dernier le meilleur, celui qui nous rejoint en fin de course". Il ne s'empêche pas de parler des "maudits" comme Céline et Morand : "Des imbuvables peuvent distiller de l'élixir".  Mais son préféré le plus emblématique, celui qui symbolise l'essence même de la littérature s'appelle Julien Gracq ! (La suite, demain)