lundi 12 août 2013

"Quattrocento"

Stephen Greenblatt est professeur de littérature anglaise à Harvard University et spécialiste incontesté de Shakespeare. Le livre qu'il nous propose, "Quattrocento", tient du document historique qu'un lecteur bibliophile ne peut qu'apprécier. Pourtant, on pourrait craindre une érudition arrogante, étouffante et austère en parcourant le résumé : la découverte d'une copie de Lucrèce, "De rerum natura" par un grand humaniste florentin en 1417, Poggio Bracciolini (1380-1459), dit Le Pogge. Lire l'histoire d'un ouvrage de l'Antiquité, ce manuscrit de Lucrèce, dormant depuis plus de mille ans dans un monastère allemand ne fait pas partie des lectures estivales plutôt légères et souvent futiles. Mais, j'ai voulu aller à l'encontre de la paresse intellectuelle et je me suis lancée sans appréhension dans ce livre original et atypique. Stephen Greenblatt a vraiment un don de pédagogie et d'empathie pour son lecteur(trice) tout simplement curieux. Et  la surprise intervient au fur et à mesure au fil des pages. Il est question de nous éclairer, dans le sens lumineux du mot, sur le rôle d'un philosophe comme Lucrèce qui a le premier inventé le concept "d'atomisme", (le monde étant constitué d'atomes), idée révolutionnaire car matérialiste dans un monde dirigé par les dieux grecs et romains dans l'Antiquité et par le monothéisme plus tard. Pour comprendre deux mille ans d'histoire, en particulier la Renaissance, il faut lire ce bijou d'érudition jamais ennuyeux et parfois même passionnant sur le rôle de l'écriture, des copies de manuscrits de l'Antiquité, des moines dans les abbayes, des bibliothèques, des schismes religieux, de la Papauté, des nobles et des intellectuels du Moyen Age. Le Pogge avait la passion du latin, pourchassait les manuscrits rares, traversait l'Europe pour admirer une bibliothèque privée, traquait la vérité dans l'écriture des anciens. Sa vie mouvementée ne peut qu'intéresser les amoureux de l'histoire des livres. Il m'a donné envie de découvrir Lucrèce et le pouvoir "révolutionnaire" d'un seul livre "De la nature", premier pas vers la "libre pensée"... un grand bond de l'humanité sur le choix de croire ou de ne pas croire en Dieu (ou dieux païens) !

Revue de presse

Le Magazine Littéraire du mois d'août propose comme l'an passé un deuxième dossier sur les dix grandes voix de la littérature étrangère.  Quatre écrivaines sont donc à l'honneur : Zadie Smith de Grande-Bretagne, Lidia Jorge du Portugal,  Alice Munro et Laura Kasischke des Etats-Unis. J'ai souvent recommandé Laura Kasische dans l'atelier de lecture que j'anime et ces romans sont souvent forts et dérangeants, déroutants et décapants ! Zadie Smith, née d'un père britannique et d'une mère jamaïcaine, est aussi une voix qui compte en Europe et sa voix "métisse" résonne dans l'univers littéraire. Pour les hommes, la revue a choisi Richard Powers et John Irving des Etats-Unis, Enrique Vila-Matas d'Espagne, Orhan Pamuk de Turquie, Arnaldur Indridason d'Islande, Mo Yan de Chine. Pour ma part, j'apprécie beaucoup les écrivaines citées et du côté masculin, j'avoue que je connais très bien Enrique Vila-Matas dont l'œuvre singulière me fascine depuis de nombreuses années. La revue poursuit son chemin "pédagogique" pour faire connaître la littérature "planétaire" dans un éclectisme subtil. Le rêve d'une humanité réconciliée dans les valeurs universelles se retrouve dans ce numéro exceptionnel de l'été, un hommage à ces écrivains majeurs qu'il faut découvrir et lire après avoir lu les articles qui leur sont consacrés. Avant de connaître les nouveautés de la rentrée, la pause estivale permet de découvrir des écrivains que l'on prend enfin le temps de lire... Un numéro à ne pas manquer et à conserver.