mercredi 11 septembre 2013

"Esprit d'hiver"

Ce roman de l'écrivaine américaine, Laura Kasischke, vous tient en haleine du début à la fin tel un thriller psychologique, un roman noir, glaçant, glacial, un "esprit d'hiver", un texte hivernal. Holly, la mère inquiète et surmenée, doit organiser le repas de Noël pour toute sa famille. Son mari est bloqué par le blizzard ainsi que ses frères et des amis. Elle se retrouve seule face à sa fille Tatiana, âgée de 13 ans. L'adolescente se conduit de façon étrange, ne quitte pas sa chambre et refuse de l'aider pour cuisiner. Holly ressasse dans un monologue de plus en plus intense la relation troublante qu'elle a vécue avec cette petite fille, adoptée en Sibérie, son amour inconditionnel de mère proche de la folie. Dehors, la tempête de neige paralyse toutes les rencontres possibles et Holly devient de plus en plus angoissée. Elle s'interroge sur cette petite fille aux yeux étranges qu'elle avait choisi dans un orphelinat misérable : s'agit de cette petite fille qu'elle avait choisie ou de sa sœur ? Le huis clos entre Holly et sa fille se transforme en affrontement menaçant. La première phrase du roman résume à elle seule l'atmosphère oppressante et étouffante de la relation mère-fille : "Ce matin-là, elle se réveilla tard et aussitôt elle sut : quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux." Laura Kasischke nous entraîne dans une forme de paranoïa : le drame s'annonce telle une tragédie grecque. La nature se montre hostile en ce jour de Noël, la famille déserte la fête prévue,  la  présence maléfique de cette jeune adolescente menace la maison, la mère culpabilisée dévoile son mal d'amour et son impuissance de protéger sa fille. Ce livre fort et troublant a déjà marqué la rentrée littéraire de l'automne. Il ne laissera aucun lecteur(trice) indifférent et même provoquera ou l'adhésion totale ou le rejet... Lire Laura Kasischke n'est pas de tout repos, mais quelle puissance romanesque ! J'ai pensé à Carol Joyce Oates, un univers parallèle d'une ressemblance frappante. Dans un interview qu'elle a accordé à Télérama, Laura Kasischke parle de l'écriture : "Je pense qu'il s'agit plutôt de creuser, creuser, creuser... Comme un archéologue. Déterrer les objets oubliés, les nettoyer, les observer, les identifier, les ajouter à sa collection. (...) Ecrire empêche peut-être la terre de tout recouvrir. Mettre des mots sur les impressions fugaces, à peine conscientes, reste la chose la plus belle que j'ai vécue jusqu'à présent."