mercredi 13 mai 2015

"Epicure en Corrèze"

J'ai  lu avec intérêt et sans aucune difficulté "Epicure en Corrèze" de Marcel Conche, édité chez Stock. Agé de 92 ans,  Marcel Conche est de nos plus grands philosophes d'aujourd'hui. Son œuvre abondante porte sur Montaigne, Lucrèce, Pyrrhon, Epicure, Héraclite, Anaximandre, Parménide. Il écrit sur la Mort, le Temps, le Destin, la Morale, la Nature, l'Amour, la Liberté... Il n'oublie pas la littérature en évoquant Homère, et compose un journal intime qu'il nomme "étrange" depuis 2006. Dans son dernier opus, "Epicure en Corrèze", il revient sur son passé et sur son "métier" de philosophe. Il vit aujourd'hui dans sa maison natale en Corrèze et, avec un humour délicieux, prône une vie simple, près de la nature. Il conseille la limitation de nos besoins en plaidant le bon sens et  conseille d'éliminer de notre quotidien : le four à micro-ondes, la télévision, le smartphone, le lave-vaisselle, le tourisme polluant... Ces conseils d'un philosophe, adepte de la décroissance, peuvent étonner le lecteur(trice) mais il adopte les préceptes d'Epicure en renonçant à tout ce qui n'est pas essentiel. Il se définit comme un fils de paysan, conservant cette modestie tout au long de sa vie. Il raconte son enfance à la campagne dans une France rurale disparue aujourd'hui. Jeune homme, il obtient l'agrégation de philosophie et devient professeur. Il évoque son mariage heureux avec une femme plus âgée que lui (15 ans de différence).   Dans cette autobiographie-bilan, Marcel Conche développe  le concept de Nature au sens philosophique du terme, un matérialisme paradoxalement métaphysique... Et puis, à mon grand plaisir, il cite des philosophes grecs, en particulier Epicure dans l'exergue : "Nous sommes nés une fois, il n'est pas possible de vivre deux fois, et il faut n'être plus pour l'éternité : toi pourtant, qui n'es pas de demain, tu ajournes la joie ; la vie périt par le délai, et chacun de nous meurt affamé". A la fin de l'ouvrage, Il écrit l'éloge de la maturité, de la vieillesse, du travail intellectuel qu'il n'a jamais délaissé. Bernard Pivot, dans le JDD, qualifie ce livre de "simple, délicieux, d'une tranquille sérénité, une familière leçon de sagesse".  En ces temps turbulents de tension sociale, de tyrannie de l'immédiateté médiatique, il est bon de retrouver un ancien, un sage, un philosophe, une "belle personne". Cela devient de plus en plus rare...