mercredi 21 septembre 2016

"La Succession"

Dans les nouveautés de la rentrée littéraire, le roman de Jean-Paul Dubois, "La Succession", a déjà, dès sa sortie, attiré de très bonnes critiques et je n'avais pas besoin de la presse spécialisée pour me précipiter en librairie et l'acquérir au plus vite. J'ai toujours aimé la musique mélancolique de la prose "duboisienne",  si j'ose m'exprimer ainsi. J'ai tout lu de cet écrivain, né en 1950, grand reporter au Nouvel Observateur et ressemblant comme un petit frère à Richard Ford, chantre du réalisme désabusé de la littérature américaine. Dans son dernier opus, le personnage principal, le narrateur, se nomme Paul Katrakilis. Il vit à Miami dans les années 80. Il s'est trouvé une vocation originale alors qu'il possède un diplôme de médecin : Il a choisi la pelote basque, plus précisément la cesta punta, un sport national qui se pratique dans le Pays basque français et espagnol, en Floride, et dans les pays d'Amérique du Sud. Ce professionnel de la chistera gagne sa vie et s'est fait des amis dans ce milieu. Il tombe amoureux d'une norvégienne plus âgée que lui. Mais, un jour, il reçoit un appel du consulat de France qui lui annonce la mort de son père, médecin à Toulouse. Il apprend presque sans surprise son suicide car cette façon de mourir fait partie d'une tradition familiale. Son grand-père, mythomane, se disait médecin de Staline et s'est suicidé. Sa mère et son oncle se sont aussi suicidés à trois mois de distance. La famille du narrateur se compose de membres plus que perturbés et d'une insensibilité troublante... Paul décide de revenir en France pour solder la "Succession" de son père. Il vide la maison, trouve des carnets de son père où il découvre les actes d'euthanasie sur certains patients en fin de vie. Il décide de reprendre le cabinet de son père et s'installe dans cette maison hantée par la mort. Il vit seul en compagnie d'un petit chien et passe son temps libre sur la Côte basque. Dix ans plus tard, il quitte tout et repart en Floride... Je ne veux pas révéler la fin du livre plus sombre que prévu. Jean-Paul Dubois nous touche avec son humour désespéré, sa lucidité ironique et distanciée sur une famille en faillite, pathologique et suicidaire. Il évoque dans son roman la dynastie des Hemingway dont on connaît les fins tragiques. Les seules béquilles du narrateur pour tenir debout prennent la forme d'un petit chien empathique, sauvé des eaux, d'un gant de chistera, d'un ami cubain exilé à Miami et d'un amour impossible. Paul ne porte pas une grand amour envers le genre humain et sa fragilité psychologique, ses doutes et ses obsessions morbides, dues à un héritage douloureux ne peuvent que l'empêcher de vivre... Un grand et beau roman, un des meilleurs de la rentrée de septembre.