vendredi 1 octobre 2021

"L'Eternel Fiancé"

 Enfin, un bon roman de la rentrée ! Il s'agit de "L'Eternel fiancé" d'Agnès Desarthe, publié aux Editions de l'Olivier. Cette écrivaine, passionnée par la musique et par Virginia Woolf, raconte à travers une narratrice qui lui ressemble, le destin contrarié de son "Eternel Fiancé". Quand elle avait quatre ans, la narratrice a rejeté la déclaration d'amour d'un petit garçon de son âge à l'école maternelle pendant un concert de Noël. Elle lui trouvait les "cheveux de travers". Mais ce premier amour va dorénavant la poursuivre toute sa vie. Ce garçon fascinant s'appelle Etienne Charvet et elle va le croiser à plusieurs reprises. Au lycée, il devient l'idole des jeunes car il forme un couple extravagant avec Antonia, une fille originale, marginale et artiste. Il rejoint l'orchestre du lycée alors qu'il ne connaît pas le solfège. Plus tard, elle assiste à une performance artistique, exécutée par le couple. Un jour, elle le rencontre sur le pont des Arts à Paris alors qu'il erre avec un bébé dans ses bras. La narratrice le recueille et apprend qu'il a perdu sa compagne quand elle a donné naissance à son enfant. Elle est toujours amoureuse de cet Etienne qui ne devine jamais ce lien qu'elle tisse avec lui depuis son enfance comme un retour dans un temps d'innocence. Entretemps, elle vit sa propre vie avec son compagnon, son travail, ses loisirs. Ce tourbillon de vie est scandé par les rencontres hasardeuses avec son petit fiancé d'enfance. Les années passent, les protagonistes changent, la métamorphose s'impose dans une acceptation sereine. Agnès Desarthe emporte le lecteur-lectrice dans une prose endiablée, vivifiante, drôle et, parfois, le désordre règne un peu dans l'intégration de personnages sans lien avec l'intrigue centrale : un compositeur sans mémoire longue, un mariage factice, une journée d'été à la campagne. Etienne, ce vaincu magnifique, a trouvé une issue pour survivre : il devient gigolo... Dans un article du Monde des Livres, la journaliste a manifestement beaucoup aimé ce roman sur les effets du temps dans chaque existence : "Que reste-t-il en chacun du petit garçon ou de la petite fille qu'il fut ? Que garde-t-on des métamorphoses qui ont suivi, des personnages que l'on s'est inventés à l'adolescence, des déguisements successifs de l'âge adulte ? Quelles traces laissent en nous ceux que l'on a aimés, et ceux qui nous ont aimés ?". Ce roman tente de répondre à ces questions subtiles et profondes sur la mémoire, sur l'amour, sur le deuil. Agnès Desarthe décrypte les sensations, les expériences multiples, la beauté nostalgique du passé, l'intensité du présent et les promesses du futur. Pour conclure, je cite cette phrase : "Le courage, me dis-je, le courage qu'il faut à chacun pour accomplir cette expérience brève et dénuée de signification, sans la possibilité de reprendre pour corriger, de faire mieux ou autrement". Un beau roman à lire en priorité dans cette rentrée littéraire. Un régal de lecture.