mardi 26 août 2014

"Les Endormeurs"

Anna Enquist est un "grand écrivain" néerlandais. J'ai lu presque tous ses romans précédents publiés chez Actes Sud et disponibles en format de poche dans la collection Babel :  "Le Chef d'œuvre" en 1999, "Le Secret" en 2001, "Le Saut" en 2006, "Le Retour" en 2007, "Contrepoint" en 2010. Je ne manque jamais la sortie d'un roman d'Anna Enquist. Elle fait partie de ces écrivains pointillistes qui décortiquent, décryptent les mouvements de l'âme, de la "psyché", du comportement amoureux, des relations difficiles entre les hommes et les femmes. Elle a pratiqué le métier très "particulier" de psychanalyste et je retrouve, dans ses textes, une influence fondamentale de cette approche profonde, subtile et secrète dans ses personnages.  Dans son dernier roman, il est question d'une fratrie : Drik est psychothérapeute, Suzanne, sa sœur, anesthésiste. Ils forment une entité unie et solidaire car ils ont perdu leur mère très tôt. Quand la femme de Drik meurt d'un cancer, il poursuit son activité professionnelle malgré son deuil. Il reçoit un étudiant, Allard, qui doit faire une analyse avant de devenir lui-même psychiatre. Les deux hommes s'observent dans une relation tendue et complexe. Le jeune étudiant abandonne la psychothérapie et choisit le service d'anesthésie de Suzanne qui devient sa tutrice. Elle va se laisser séduire par le jeune homme malgré la différence d'âge. Or, cet étudiant est aussi le petit ami de sa fille... L'intrigue du roman tourne autour de ce trio sans oublier le mari de Suzanne et leur fille. Anna Enquist explique à la fin du livre qu'elle a suivi des stages d'insertion dans un hôpital d'Amsterdam pour décrire les actes médicaux, l'ambiance des services, l'organisation des soins. Cette partie documentaire du livre ne nuit pas du tout au récit romanesque et se lit même avec un intérêt surprenant. Le drame familial éclate quand sa fille apprend que sa mère l'a trahie avec Allard. Pourquoi ce titre, "Les Endormeurs" ? Suzanne pratique un métier concernant l'endormissement des patients, pour leur éviter la douleur physique. Dans un article du Monde des Livres du 7 mars, Nils C. Ahl, le critique, écrit : "Dans les noirs délicats des différents niveaux de conscience et de sommeil, il y a des secrets, des douleurs, des fautes qui empoisonnent, un désir monstrueux d'exister et de ne pas souffrir : une chimère". Un roman un peu difficile à lire mais pour un(e) lecteur(trice) motivé(e), les chemins escarpés de ces lectures exigeantes offrent un point de vue unique sur la conscience de soi et des autres... Anna Enquist poursuit une œuvre puissante et originale...