jeudi 9 décembre 2021

Rubrique Cinéma, "Las madres paralelas"

 J'ai vu au cinéma l'Astrée le dernier film de Pedro Almodovar, "Las madres paralelas", un film dans la tradition subversive et tonique de ce réalisateur espagnol qui, à 72 ans, n'a rien perdu de sa flamme cinématographique. Les premières images montrent une jeune femme de 40 ans, Janis, photographe de mode qui dresse le portrait d'Arturo. Cet anthropologue, responsable d'une fondation qui participe aux fouilles de fosses communes de la Guerre en Espagne, intéresse particulièrement la jeune femme. Son arrière-grand-père a été assassiné par les franquistes et elle sait où se trouvent les traces de la fosse commune. Ils deviennent amants et Janis attend un bébé que son compagnon ne peut assumer car sa femme est malade. Janis se retrouve dans la maternité en même temps qu'une jeune fille de 17 ans, Ana, effrayée et traumatisée, qui donne naissance à Anita. Les deux femmes se sentent solidaires sans aucun homme à l'horizon. Leurs deux petites filles sont placées en observation. Quand elles quittent la maternité, elles échangent leur numéro de téléphone sans savoir qu'elles vont se retrouver dans quelques mois. Janis, influencée par Arturo qui a des doutes sur sa paternité, remarque la différence physique avec son bébé et elle effectue un test génétique qui lui révèle qu'elle n'est pas la mère biologique de Cecilia. Janis, abasourdie, garde le secret pour elle. Ana revient dans la vie de Janis quand elles se rencontrent dans le bar du quartier et Janis apprend la mort subite du bébé d'Ana. Le film prend une tournure plus intense quand Ana travaille pour Janis et s'installe chez elle pour s'occuper de Cecilia. Elles forment alors un duo amoureux et Janis, prise de remords, avoue à sa jeune amante que sa fille est la sienne après un test génétique. Ana quitte le foyer en emportant sa petite fille chez sa mère. Revient en scène Arturo qui a enfin obtenu l'autorisation d'entamer les fouilles de la fosse commune. Janis l'accompagne et le présente aux villageois pour recueillir des détails sur les disparus. Pedro Almodovar n'avait jamais évoqué dans ses films les débats passionnés sur les charniers de la guerre civile qui divisent les Espagnols en deux camps, le camp de l'oubli et le camp de la mémoire. Le destin de Janis est lié à cette question historique délicate et clivante. La petite Cecilia assiste à la cérémonie finale où les squelettes sont exhumés comme un geste symbolique adressé à la jeunesse du pays : n'oubliez jamais la tragédie de la guerre civile. Janis se réconcilie avec Ana et attend un enfant d'Arturo. La famille se recompose sans drame, sans rancœur et cette fin heureuse ressemble à un conte de Noël hispanique, dernier clin d'œil d'un réalisateur apaisé. Ce film ? Un hymne à la vie entre drame et espoir. Et Almodovar raconte l'Espagne avec passion et aussi avec lucidité.