vendredi 22 avril 2011

L'été 76

En 1976, Benoît Duteurtre, le narrateur du roman "L'été 76" est un adolescent en classe de seconde. Il vit dans une ville de province un peu ennuyeuse comme toutes les villes de cette époque. Ce livre est une histoire d'éducation, d'ouverture à la vie en particulier amicale, amoureuse et sociale. Les références de ces années soixante-dix font écho à nos propres souvenirs : les années de lycée, les années à l'université, le démarrage difficile de la vie professionnelle. Hélène, un des personnages du roman, fascine le narrateur par son côté rebelle, libérée et politisée, genre gauche extrême. Elle a soif d'absolu, de justice, d'amour. C'était l'époque après 68... Il découvre la vaste vie de la culture, la poésie, le surréalisme, le monde de la musique rock et de la musique contemporaine. Tout est évoqué : les émois timides de la puberté, les doutes de l'adolescence, la naissance de la personnalité adulte. Son cheminement ressemble à des millions de chemins empruntés par des adolescents, à la recherche du bonheur, de la rencontre des autres. Et surtout dans ces années déterminantes du lycée, le narrateur éprouve l'angoisse de s'égarer dans un choix professionnel qui ne correspond pas à son rêve. Il devait devenir médecin de campagne, il sera "artiste". Je cite un passage que l'on trouve dans le prélude nerveux : "Pourtant chaque fois que je revenais ici, chaque fois que je respirais la fougère enchantée, je retrouvais ce moment de ma vie, entre quatorze et dix-sept ans, où s'étaient précisés mes goûts, mes passions, et j'éprouvais une curieuse mélancolie heureuse et vibrante, comme cette petite lumière toujours vive de mon passé." Ce beau texte sur un passé retrouvé dans les années soixante-dix d'une France où, quand on était jeune, on voulait s'exiler à Paris pour vivre pleinement, découvrir la planète culture et s'énivrer de liberté.
Ce livre m'a replongée dans l'atmosphère de cette France coupée en deux blocs Paris-province. J'ai moi-même quitté ma région natale pour découvrir Paris en 1981 où j'ai vécu deux ans, qui furent déterminants et qui ont changé ma vie. Cela sert à ça, la littérature, retrouver le temps passé, vivifier les souvenirs, revivre ces bouts de vie perdus. Benoît Duteurtre nous offre une sonate nostalgique en composant dans le "postlude songeur" : "C'est pourquoi chaque détail de notre vie fugitive me paraît plus précieux que les rêves de transcendance, les prosternations devant l'au-delà, les invocations aux forces mystérieuses. Et c'est pourquoi je voudrais en retrouver la substance et l'émotion suspendues, comme je les retrouve aujourd'hui, en arpentant la montagne magique et en respirant ces fougères anisées- les mêmes que je respirais à quinze ans, dans l'enchantement de la poésie er de l'amour naissant."
Livre charmant, livre intimiste, il vous aidera à revivre des fragments de votre passé proche ou lointain...