lundi 7 septembre 2015

"Femme fuyant l'annonce"

Malgré la marée montante des nouveautés de la rentrée, j'ai préféré découvrir un roman, publié en France en 2011. Il s'agit de "Femme fuyant l'annonce" de David Grossman dans l'édition de poche du Seuil, ayant obtenu le Prix Médicis Etranger. Le premier chapitre peut dérouter le lecteur(trice) et il faut arriver à la page 67 pour entrer dans l'histoire que nous raconte l'écrivain israélien. Les deux personnages principaux, Ora et Ilian, forment une famille avec leurs fils Adam et Ofer. Les deux garçons ont déjà effectué leur service militaire d'une durée de trois ans mais le fils cadet Ofer décline le projet de voyage qu'il devait faire avec sa mère, récemment séparée de son mari. Il a signé pour une mission spéciale d'un mois sans lui parler de cette grave décision. Ora souffre de cette désertion-trahison car elle avait préparé cette randonnée pendant six mois. Pourtant, elle ne renonce pas et elle décide de partir en ressentant un trouble intuitif pour ce fils trop volontaire. Elle invite son amour de jeunesse, Avram, un homme broyé par la guerre israélo-palestinienne. Lors de cette escapade à travers les collines du pays, Ora révèle le secret de la naissance d'Ofer car Avram est son père naturel, mais il n'a jamais rencontré le garçon. La mère d'Ofer aimait ces deux hommes et après sa séparation avec Ilian, elle a choisi cet homme pour faire renaître l'amour lors de cette traversée physique et surtout psychologique. Elle fuit le présent, qui représente une menace effrayante pour son fils parti en mission. Et comme Avram ne sait rien de ce fils inconnu, elle lui raconte son enfance complexe, sa vie familiale chaleureuse, ses relations fusionnelles avec son frère, son engagement militaire. Les deux amants marchent, parlent, marchent, parlent et finissent par se retrouver à travers ce fils en danger de mort. Il faut se laisser emporter par le souffle romanesque de l'écrivain presque sans respirer... Ora veut empêcher la réalité de surgir car elle sait que la douleur va déferler dans sa vie. Ce roman parle de bilan de vie, d'angoisse, de la difficulté d'aimer, de vivre dans un pays en guerre. Quand la randonnée se termine, la vie bascule pour Ora. Pour découvrir ce grand roman, il faut s'y préparer comme on entreprend un voyage dans une zone d'inquiétude. Un grand roman à découvrir pour comprendre l'immense complexité de l'amour maternel, de la perte et du deuil. Cette randonnée en montagne ressemble à une plongée dans le tourbillon de l'Histoire du côté d'un pays en insécurité permanente...