lundi 1 février 2021

Une nouvelle Académicienne

 Jeudi dernier, j'ai appris qu'une femme a été élue à l'Académie française, bastion du "génie masculin" depuis des siècles. Cette femme s'appelle Chantal Thomas. En 1981, Marguerite Yourcenar a ouvert des perspectives quand, à l'âge de 77 ans, elle est rentrée au Quai Conti. Jean D'Ormesson s'est battu pour imposer l'écrivaine qui, évidemment, bousculait la tradition. La deuxième femme, Jacqueline de Romilly, a franchi les portes de l'illustre maison huit ans après. Première normalienne, première femme professeure au Collège de France, l'helléniste incarnait l'enseignement des études grecques classiques en France. Ces deux pionnières ont franchi une barrière, celle de la misogynie officielle et étatique. Depuis, d'autres écrivaines ont rejoint les bancs de l'Académie : Hélène Carrère d'Encausse, Dominique Bona, Assia Djebar, Danièle Sallenave, Barbara Cassin. Sur les neuf femmes reçues, cinq restent encore bien vivantes. J'ai été étonnée que Chantal Thomas soit élue sur le fauteuil de Jean D'Ormesson. Grande spécialiste de XVIIIe siècle, admiratrice de Roland Barthes, l'écrivaine me semblait peu correspondre à cette institution solennelle, formaliste et un peu trop guindée. Son état d'esprit curieux, voire un peu décalé, marginal va dépoussiérer la culture marmoréenne de l'institution. J'ai appris dans la presse que les Immortels sollicitaient des écrivaines pour leur tenir compagnie et la plupart du temps, elles refusent cet honneur sublime selon eux. Ils n'arrivent plus à recruter car six fauteuils sur trente quatre sont toujours vacants. Serait-ce le signe d'une perte de prestige culturel ? Travailler sur un dictionnaire tous les jeudis est une mission austère même si la langue française a besoin d'être respectée et protégée. Chantal Thomas va se trouver des excuses pour ces séances du jeudi. Cette adepte de Casanova, du Marquis de Sade va vraisemblablement s'ennuyer auprès des nombreux messieurs de l'Académie. Il vaut mieux qu'elle poursuive son travail d'écriture intimiste, teintée de malice, d'ironie et de charme quand elle évoque les cafés, la mer, les voyages. L'Académie possède peut-être en son sein un bar ou un café pour qu'elle se ressource après les séances du dictionnaire. En ce jeudi 28 janvier, j'étais tout de même ravie de savoir que Chantal Thomas devenait une Immortelle. Enfin, une bonne nouvelle en ces temps d'incertitude : une femme élue, une écrivaine et essayiste reconnue. J'imagine son discours de réception sur Jean D'Ormesson qui sera certainement piquant, percutant et iconoclaste...