lundi 18 décembre 2017

"Sable mouvant"

Le dernier ouvrage de Henning Mankell remplira tous ses fidèles lecteurs de nostalgie. Car cet écrivain suédois, traduit dans trente cinq langues est décédé d'un cancer à l'âge de 65 ans. Il a composé avec son célèbre Wallander, une série de dix romans policiers qui ont marqué les amateurs de ce genre littéraire. Dans "Sable mouvant, fragments de ma vie", il livre un témoignage émouvant sur sa maladie contre laquelle il se bat farouchement : "En 2014, j'ai appris que j'étais atteint d'un cancer grave. Cependant ce n'est pas un livre crépusculaire, mais une réflexion sur ce que c'est de vivre". Il raconte sa visite chez le médecin qui lui annonce le cancer du poumon, le suivi de la maladie, la chimiothérapie, la fatigue, l'angoisse de sa propre disparition. Mais, la maladie n'envahit en aucun cas les pages de ce beau récit. Il revient sur les épisodes décisifs de sa vie d'homme : sa jeunesse voyageuse, son engagement politique à gauche, son amour du théâtre en Mozambique, ses expériences africaines, sa relation perdue avec sa mère qui l'a abandonné. Il évoque ses tourments, ses colères dirigées en priorité contre les dangers du nucléaire. Le livre prend une dimension "historique" quand il brasse la notion du temps. Que va-t-il rester des hommes dans 150 000 ans ? Pour lui, ce sont des déchets nucléaires, engloutis dans une énorme cavité creusée dans la roche à 430 mètres sous terre sur la côte finlandaise.... Ce vertige du temps l'obsède : il raconte les peintures rupestres de la grotte Chauvet, une sculpture préhistorique en ivoire trouvée en Allemagne en 1939, un temple à Malte, les statues de l'Ile de Pâques... Et nous, dit-il, nous léguerons les déchets nucléaires... De ces faits historiques et culturels, il les évoque comme des ruptures dans la civilisation humaine. Les ruptures, Henning Mankell les analyse dans sa propre vie. A Salamanque, un serveur lâche son plateau après une dispute avec des clients et quitte le restaurant en courant, le jeune homme Mankell comprend qu'il faut saisir sa chance, tout lâcher pour vivre vraiment ses désirs et il choisit l'écriture de romans... Il se souvient de deux petits frères en Mozambique qui vivaient dans une poubelle dont l'aîné protégeait le cadet avec amour. L'écrivain relate ces moments de grâce avec une empathie communicative malgré la présence de la grave maladie. Récit intime, essai politique, réflexions philosophiques, ce livre de vie se termine sur une note d'espoir : "Je vis dans l'attente de nouveaux instants de grâce. Des instants qui viennent. Qui doivent venir, si la vie doit avoir pour moi un sens". Un témoignage bouleversant d'un grand écrivain suédois...