lundi 13 juillet 2020

"Nuits d'été à Brooklyn"

Le dernier roman de Colombe Schneck, "Nuits d'été à Brooklyn", publié chez Stock, est sorti en mars, date fatidique pour les nouveautés à cause de la crise sanitaire. Les librairies et les bibliothèques ont été fermées et cet empêchement pour découvrir les nouveautés du début de l'année a bien nui à la création littéraire. Le sujet que l'écrivaine a choisi de traiter est d'une actualité brûlante. Une jeune française, Esther, journaliste stagiaire, rencontre Frédérick, un professeur de littérature française, spécialiste de Flaubert. Elle est de confession juive et lui est noir. Leur "petite" histoire d'amour reflète la grande Histoire dans ces années 90 : "C'est ce qui nous lie, juifs et noirs. La même peur. Celle de mourir en raison de ce que nous sommes". Esther vient de Paris. Elle a grandi sans problème particulier dans une ville tolérante et cosmopolite malgré l'histoire familiale, remplie de trous mémoriels. En arrivant à New York, elle constate que les communautés cohabitent pacifiquement. Mais, en août 91, éclate une émeute à Brooklyn, provoquée par le décès accidentel d'un jeune enfant noir, écrasé par une voiture conduite par un jeune juif. Les deux communautés s'affrontent et un jeune homme de la communauté juive est lynché. Ce fait divers montre bien que la cohabitation reste fragile et même impossible. Le racisme, l'antisémitisme et l'incompréhension font apparaître la face la plus sombre des humains. L'histoire amoureuse essaie d'alléger la noirceur de cet événement. Frédérick est marié avec une militante des droits civiques et père de famille. Il entame une relation avec la jeune Esther qui le plonge, malgré tout, dans une culpabilité paralysante. La famille d'Esther rêve pour leur fille d'un partenaire de la même confession. Leur couple semble donc voué à l'échec. Beaucoup de barrières les séparent : leur âge, leurs origines, leur nationalité, leur culture. Frédérik se fait arrêter par la police lors d'un contrôle et il ne survivra pas à cet événement injustifié et violent. Esther quittera New York sans avoir revu son amant. La jeune femme naïve et légère va découvrir avec effroi les réalités de la condition noire aux Etats-Unis. Frederick, issu de la bourgeoisie noire, subit aussi les discriminations : "Ne pas parler trop fort, ne pas courir dans la rue sous peine d'être en danger, s'écarter quand in voyait une femme blanche devant lui pour ne pas l'effrayer (…) il était désormais constamment, quoiqu'il fasse, suspect". Esther entendra aussi les cris de haine des manifestants fustigeant les juifs "riches et impunis"... Son expérience américaine la marquera à tout jamais. Le roman peut tout de même dérouter par sa construction chronologique, l'évènement historique devenant le repère temporel. Les deux protagonistes manquent un peu de profondeur psychologique et le style journalistique qui pourtant donne du rythme au récit m'a laissée sur ma faim. Je préfère une langue plus travaillée, plus élaborée. Dommage…


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