lundi 25 novembre 2013

"L'identité française"

Alain Finkielkraut s'avoue très inquiet, même malheureux face à un monde occidental qui change, change beaucoup et tellement vite. Il s'interroge sur la perte du monde d'avant, du monde d'hier où l'identité française était liée à la culture française, à une certaine idée de la nation homogène et rassemblée. Son essai, "L'identité française", peut crisper, dérouter, irriter le lecteur(trice) mais il faut écouter ce cri d'amour d'Alain Finkielkraut pour une France littéraire et éternelle, inscrite dans les valeurs universelles, la laïcité et les Droits de l'homme. Je ne vais pas évoquer les nombreux chapitres concernant sa peur du communautarisme, du voile intégral, d'un Islamisme fasciste, et de la non-mixité, de la fragilité démocratique. La presse et les interviews nombreux de ce philosophe contesté ne parlent que de cet aspect de sa pensée. On retrouve dans l'essai de nombreuses anecdotes alarmistes sur ce "vivre ensemble" compromis par l'intolérance et l'incompréhension. J'ai surtout été intéressée par les passages où il déclare son pessimisme radical sur l'héritage patrimonial et la transmission culturelle. Ce que j'apprécie chez Alain Finkielkraut, c'est son amour inconditionnel pour les livres, l'écrit sur "papier", pour un monde culturel classique. Je cite ce passage : "Le livre propose un monde ; l'écran fluidifie le monde ; lire un livre, c'est suivre un chemin ; la lecture sur écran est un sport de glisse. Le livre déploie un temps où il est interdit au présent de pénétrer". Toutes les réflexions sur la place du livre dans notre société me semblent lumineuses et tant pis, si les gardiens du "temple" frôlent la ringardise et l'archaïsme. Alain Finkielkraut fait partie comme il dit des "étrangers", des "empotés", des "culs-terreux"  "que les "digital natives regardent du haut de leur cybersupériorité incontestable". Le philosophe décrit donc un monde clivé où la culture classique, ancienne, ne trouve plus sa place. La médiocrité et l'égalitarisme ont produit ce monde fluide et sans profondeur où tout se vaut, aussi bien un air des Rolling Stones qu'une cantate de Bach... Son essai n'apporte pas de solutions, la crise du vivre-ensemble s'installe et s'accentue et il va bien falloir accepter ce nouveau monde, comme en 1492, quand Christophe Colomb a posé un pied en Amérique. Nous sommes donc des Indiens du livre, si j'ose m'exprimer ainsi... en gardant mon humour et ma passion intacte.  Mais les geeks, les internautes et les fans de l'écran ne peuvent pas s'imaginer comme ils sont privés d'une culture "livresque" essentielle pour comprendre notre monde et "nous-mêmes"... Tant pis pour eux !