vendredi 28 juillet 2023

"Les Chats éraflés", Camille Goudeau

 Camille Goudeau, une jeune trentenaire, vit à Paris et travaille sur les quais de la Seine en tant que bouquiniste. Elle raconte dans son premier roman, "Les chats éraflés" publié chez Folio Gallimard en 2021 cette expérience inédite. Ses grands parents l'ont accueillie quand sa mère l'a abandonnée dès son jeune âge. Soizic, 22 ans, mesure un mètre quatre-vingt, les cheveux ébouriffés, tenue en short et une vie difficile avec le problème de l'alcoolisme familial. Malgré une jeunesse chaotique, elle quitte sa région pour monter à Paris comme beaucoup de jeunes provinciaux. Maladroite dans ses relations avec les autres, sa solitude dans la capitale est rompue par un homme douteux dans la quarantaine avec lequel elle entretient une amitié amoureuse. Comme elle n'a pas d'argent, elle trouve une chambre dans un hôtel très modeste pour un mois. Elle n'a qu'une adresse à exploiter dans la personne d'un cousin qui lui propose de l'aider dans son travail de bouquiniste des quais de Seine. Les meilleurs passages du roman concernent le monde parisien des bouquinistes des caisses vertes. Entre la vente des best-sellers comme "Le Petit Prince" ou "Harry Potter" et des bibelots "made in China" comme la Tour Effel, Soizic trouve sa vocation dans ce métier de contacts, de débrouilles et de patience. La jeune femme apprend par son cousin que sa mère travaille comme cuisinière dans un ministère et elles finissent par se rencontrer. Ses retrouvailles vont-elles réconcilier mère et fille ? Il faut lire ce premier roman souvent bien écrit malgré quelques facilités de langage familier. N'est pas Céline qui veut. Cette lecture bien sympathique sur un Paris marginal a percuté l'actualité car, à cause des jeux olympiques en 2024, il est question de fermer les caisses vertes des bouquinistes pendant trois semaines pour libérer les espaces à des fins sécuritaires (la préfecture craint le dépôt de bombes dans les caisses !). Chaque fois que je monte à Paris, je farfouille dans ces librairies d'occasion et on peut encore acheter des livres très intéressants. Je me souviens de ma trouvaille : un essai sur Vladimir Jankélévitch ! J'éprouve une tendresse particulière pour ces professionnels du livre, discrets et érudits, passionnés, attentifs à la clientèle de passage, touristes français et étrangers. Comment imaginer les bords de Seine sans les bouquinistes ? Paris aura perdu son âme ! Dans ma prochaine escapade parisienne, j'irai à la rencontre de Camille Goudeau ! 

jeudi 27 juillet 2023

"Un été avec Jankélévitch", Cynthia Fleury, 2

 Dans cet éloge admiratif de Cynthia Fleury envers son aîné, Vladimir Jankélévitch, j'ai retrouvé la voix saccadé et rapide du philosophe que j'ai entendue dans des émissions de France Culture. Et quand il parle, ce n'est jamais anodin, bien au contraire. Toutes ses prises de parole exprimaient une générosité intrinsèque et une vivacité allègre. La philosophie se vivait dans son corps et se diffusait dans sa voix extraordinaire. Il voulait 'parler de choses évanescentes qui sont plus fragiles que la flamme d'une allumette".  Cynthia Fleury aime le courage (un de ses livres s'intitule "La fin du courage"), une vertu éthique au dessus de toutes les autres et le philosophe n'a pas manqué de courage en s'engageant dans la Résistance. Sa relation au temps, un héritage direct de Bergson, se divise en trois expériences déterminantes : l'aventure, l'ennui et le sérieux. Cynthia Fleury définit la formule charmante, le "je-ne-sais-quoi", ainsi : "une émotion cognitive, une émotion de la connaissance et de la conscience aiguë des choses". Le philosophe a défini lui-même ce terme improbable : "On peut après tout, vivre sans le Je-ne-sais-quoi, comme on peut vivre sans philosophie, sans musique, sans joie, sans amour. Mais pas si bien". Cette conception originale et audacieuse peut aussi se résumer à la façon de Cynthia Fleury : "Ce je-ne-sais-quoi représente toute la valeur de nos vies, l'impalpable qui confine au sentiment d'éternité, de suspens et qui n'existe en tant que tel que l'espace d'un instant. La fine pointe de l'instant". Pour entrer dans la pensée de Jankélévitch, il faut lire surtout "Quelque part dans l'inachevé", publié en Folio. Stimulé par les questions de Béatrice Berlowitz, notre philosophe subtil et profond révèle un homme qui cultive l'amour, l'humour, la musique, le silence, la morale et la générosité. Sur la façade de son immeuble à Paris au 1, quai aux Fleurs, est apposée une plaque avec une citation tirée de "L'irréversible et la nostalgie" : "Celui qui a été ne peut plus désormais ne pas avoir été ; désormais ce fait mystérieux et profondément obscur d'avoir vécu est son viatique pour l'éternité". Sa pensée parfois difficile à saisir résonne à mes oreilles comme un hymne à la vie, à l'instant pur, au présent actif, au passé nostalgique. "Un été avec Jankélévitch"  est un manifeste contre les "passions tristes qui nous menacent". Ce petit ouvrage très lisible présente le philosophe avec beaucoup de ferveur et aussi de simplicité. Et faire la connaissance de Vladimir Jankélévitch, c'est savourer encore plus la fugacité de l'été en cours !   

mardi 25 juillet 2023

"Un été avec Jankélévitch", Cynthia Fleury, 1

 Pour lire quelques philosophes parfois difficiles à comprendre, il faut passer par des "messagers", des transmetteurs, des passeurs. "Un été avec Jankélévitch" de Cynthia Fleury appartient à cette catégorie d'ouvrages dits "de vulgarisation" même si ce terme ne convient pas au travail amical et admiratif de la philosophe. Cette collection de la maison d'éditions des Equateurs, "Un été avec" propose aussi Pascal, Homère, Colette, Victor Hugo, Paul Valéry, des très bonnes introductions pour aborder ces génies de la littérature. France Inter diffuse les émissions en podcast mais on peut à la fois écouter et lire aussi le texte avec plus d'attention. Cynthia Fleury s'est attelée à faire comprendre Vladimir Jankélévitch (1903-1985) dont la pensée semble parfois hermétique. Par touches légères, la philosophe nous prend par la main et nous rassure sur les concepts du "Je-ne-sais-quoi" et du "Presque-rien" car elle prend des précautions pour éclairer les pensées de ce philosophe hors du commun. Elle précise même "qu'il faut quelques détours pour accéder à la pensée de Jankélévitch". Musicologue pointu, pianiste, il est issu d'une famille d'intellectuels juifs d'Ukraine qui a immigré à la fin du XIXe siècle en France. Né à Bourges, il fait ses études à Paris au lycée Montaigne puis à l'Ecole Normale Supérieure. Agrégé de philosophie, il rencontre Bergson à l'université et cette rencontre sera décisive pour lui. Il est nommé à Prague comme professeur, puis à Caen et Lyon. Il enseigne la philosophie morale à l'université de Lille. Pendant la guerre de 39, il rejoint la Résistance. Il se marie en 1957 et aura une fille en 1953. Il obtient un poste à la Sorbonne et il y restera jusqu'à sa retraite. Cynthia Fleury dans un souci pédagogique résume avec efficacité les concepts-clés du philosophe : la notion de l'instant, la pensée de la mort, l'ironie, la philosophie morale, les vertus, la musique, et tant d'autres thèmes éclairants. Les titres des chapitres construisent un portrait intellectuel du philosophe : "Le penseur du temps, le penseur des vertus et de l'amour, la philosophie indissociable de la musique, le penseur de l'engagement et de l'Histoire". Le philosophe exhorte ses lecteurs et lectrices avec ce slogan : "Ne manquez pas votre unique matinée de printemps". Sa passion du piano et de la musique le pousse à écrire des essais sur Fauré, Debussy, Liszt, Ravel. (La suite, demain)

lundi 24 juillet 2023

"Le Fanal bleu", Colette

 Je profite de la pause estivale pour me balader dans les lignes de mes écrivains préférés : des chemins de mots à l'ombre ! J'ai saisi dans ma bibliothèque le tome 4 de Colette car j'aime me retrouver dans son monde, une France disparue, décrite dans une prose inimitable et poétique. L'écrivaine était une gourmande dans tous les domaines et dans chaque page, je devine un amour inconditionnel et farouche de la vie. J'ai donc découvert "Le Fanal bleu", son dernier texte, écrit entre 1947 et 1949. Tous les événements racontés dans cet essai autobiographique se situent après 1946. "Le Fanal bleu" ressemble à un testament moral, un bilan lucide d'une existence consacrée à la littérature. De Genève à Paris, du Beaujolais à Grasse, elle relate ses escapades et ses rencontres dont celles avec Jean Cocteau. Et comme dans chaque livre de Colette, apparaissent les chats et les chiens qu'elle adorait, des évocations sur son quotidien, sur le jardin du Palais Royal, sur son entourage immédiat. Elle évoque avec un courage particulier sa vieillesse et ses infirmités. Un grand chapitre est réservé à Marguerite Moreno, sa grande amie intime. Ce journal un peu décousu, un peu désordonné sur des anecdotes de sa vie possède un charme désuet et nostalgique. Elle avoue ses propres faiblesses physiques étant handicapée pour marcher et pour se déplacer. Mais, avec sa force vitale, elle relativise ses douleurs diverses dues à l'âge et se résigne, avec une dose magnifique de sagesse, son propre déclin inévitable. Comme elle est "confinée" dans son appartement du Palais Royal en raison de sa santé précaire, elle s'entoure autour de son bureau divan, de tous les cadeaux qu'elle reçoit, des centaines de lettres, des visites de ses fidèles et surtout de ses papiers précieux sur lesquelles elle compose cet hymne à la vie. Même la douleur, elle veut la dompter : "Surtout, j'ai la douleur, cette douleur toujours jeune, active, inspiratrice d'étonnement, de colère, de rythme, de défi, la douleur qui espère la trêve mais qui ne prévoit pas la fin de la vie, heureusement, j'ai la douleur". Dans un autre passage, elle définit son quotidien ainsi : "Choisir, noter ce qui fut marquant, garder l'insolite, éliminer le banal, ce n'est pas mon affaire, puisque la plupart du temps, c'est l'ordinaire qui me pique et me vivifie". Vivifiante Colette ! Lire cet été quelques uns de ses livres que je n'ai pas lus encore me procure un plaisir anticipé et je savoure par avance toutes ces heures de lecture ensoleillée. 

vendredi 21 juillet 2023

"Denier du rêve", Marguerite Yourcenar

 Tous les étés, j'éprouve le besoin de lire et relire mes chers classiques que j'ai trop abandonnés depuis des années. L'air du temps, le goût des nouveautés, les nouveaux auteurs et autrices, ceux et celles que je suis à la trace depuis toujours, m'ont éloignée des lectures essentielles. Dans ce retour aux classiques, j'ai relu récemment "Denier du rêve" de Marguerite Yourcenar, ma chère Marguerite que j'aime presque autant que ma chère Virginia (Woolf, évidemment). En 1934, elle publie aux Editions Grasset, un récit "romain" dont la version définitive paraîtra chez Plon en 1959. Une journaliste du Monde évoquait ce texte en définissant l'art du roman de Marguerite Yourcenar : "Elle polit ses livres comme l'océan ses galets jusqu'à ce qu'ils acquièrent une forme définitive". L'écrivaine vit en Italie dans les années 30 et elle s'est inspirée d'un attentat manqué contre Mussolini, perpétré par une Anglaise. Elle compose dans ce roman original une histoire qui réunit quelques personnages reliés entre eux en utilisant une pièce de monnaie de dix lires. Les monologues se succèdent : le médecin Alessandro Sarte,  l'intellectuel idéaliste Carlo Stevo, le peintre Clément Roux, le jeune Massimo, un parfumeur et d'autres personnages. Chacun s'exprime en solo et forme un concert de voix polyphoniques. La figure centrale s'appelle Marcella, une militante anarchiste. Elle rate son attentat antifasciste et se vit comme une héroïne de l'Antiquité, une Antigone italienne. Chaque personnage symbolise aussi une figure mythologique. Marguerite Yourcenar connaît parfaitement le monde mythologique antique et elle recrée une Rome mussolinienne, peuplée de fantômes. Les temporalités se juxtaposent ainsi entre un fait historique (bien oublié aujourd'hui) et des personnages inspirés des mythes. J'ai retrouvé en lisant ce roman peu connu et un peu complexe, les thèmes forts de l'écrivaine : le Temps et l'Histoire. Avant de rentrer dans le roman, il faut absolument lire la préface où Marguerite Yourcenar présente sa démarche littéraire et sa vision tragique de l'Histoire. Elle précise son objectif ainsi pour le "Denier du rêve" : "L'un des premiers romans français à regarder en face la creuse réalité cachée derrière la façade boursouflée du fascisme"

mercredi 19 juillet 2023

"Piliers vivants", Régis Debray, 2

 Régis Debray met au sommet de ses admirations littéraires, Julien Gracq, "l'homme rangé dérangeant", "le rebelle très boutonné", "le petit prof, un cartable à la main". Il célèbre chez cet écrivain singulier la notion de "paysage-histoire", et ajoute "Cela ne manque pas de préscience : c'est dans les zones frontières que se passent les choses cruciales". Il faut se souvenir du roman emblématique de Julien Gracq, un chef d'œuvre de la littérature française, "Le Rivage des Syrtes" que Régis Debray évoque ainsi : "Les pourtours du rivage des Syrtes, où s'entremêlent l'excitation de l'inconnu et le pressentiment de l'inexorable, l'effondrement tout en douceur d'un vieil empire". L'auteur connaissait bien ce grand écrivain des bords de la Loire qui utilise la langue française "d'avant" qui ne sera peut-être plus comprise dans quelques années. Constatant le phénomène de "l'analphabétisme galopant", Julien Gracq poursuivait sa mission d'écriture somptueuse "sans s'arracher les cheveux". L'auteur conseille avec un esprit moqueur à nos écologistes politiques de lire Gracq dans son souci permanent d'une nature préservée. Le véritable lieu de naissance de Régis Debray se nomme Littérature. Tous les textes de l'abécédaire illustrent cette passion originelle. Un chapitre m'a particulièrement amusée. Intitulé "Vitesse", Régis Debray dénonce cette "accélération du monde" : "On veut tout tout de suite. Où êtes-vous donc partis, longueurs balzaciennes, tunnels proustiens, préliminaires sadomasos, vacances bretonnes, sans télévision ?". Il se souvient de cette question : "Quel bouquin j'emmène ?" et notre narrateur jubilatoire égrène les sagas de l'époque, les "Jalna", les "Thibault", "La chronique des Pasquier", "Les hommes de bonne volonté", nos séries écrites d'autrefois. Quelle belle nostalgie d'un temps où la lecture réservait des moments de silence et de quiétude ! Il termine son hommage à la littérature en évoquant Marguerite Yourcenar et son roman intemporel "Le coup de grâce". Cet éloge m'a donné envie de le relire cet été. Je citerai sa définition du "miracle littéraire qui saisit au passage, non l'air mais l'or du temps". La question de l'âge revient aussi à travers les lignes qu'il nomme "Obsolescence", un portrait de Régis Debray, soi disant inadapté aux mœurs actuelles, et racontées avec un humour détonnant. Un beau récit autobiographique, ce portrait de cet intellectuel français, lucide et honnête dont la principale qualité s'appelle "gratitude". 

mardi 18 juillet 2023

"Piliers vivants", Régis Debray, 1

Régis Debray est le premier écrivain philosophe à publier son dernier opus, "Où de vivants piliers" dans une nouvelle collection très prometteuse, "La Part des autres" chez Gallimard. Ce titre, tiré du poème, "Correspondances" de Baudelaire, se présente sous la forme d'un abécédaire, forme très plaisante pour parcourir cet exercice d'admiration. Affaibli par un accident vasculaire cérébral, l'auteur rend un hommage émouvant à tous ses aînés préférés de la littérature française. Un régal de lecture ! A 82 ans, Régis Debray conserve son éternel esprit de jeunesse et cultive avec maestria son traditionnel humour caustique. La gratitude, ce sentiment rarissime de nos jours, se manifeste dans ce beau texte, l'un des meilleurs de notre "Gaulliste de Gauche" comme il se définit avec une certaine ironie. Il rappelle la beauté de la littérature, bien supérieure à tous les engagements politiques en "isme" dont il est revenu, lui l'ex-militant révolutionnaire, ami du "Che" et de Fidel Castro. Conseiller de François Mitterrand dans les années 80, il peut parler de "politique" sans jamais ennuyer en utilisant un style percutant, inspiré de son expérience. Les écrivains admirés (peu de femmes, hélas) sont pour lui des "incitateurs ou excitants" ou des "intercesseurs ou éveilleurs" comme l'écrivait Julien Gracq. Il veut régler une dette avant de "s'éclipser", régler une dette envers ceux qui l'ont construit. D'Aragon à Yourcenar, les chapitres se succèdent à un rythme endiablé et sautillant et pour tous les "férus" de littérature, se balader dans ces lignes nous propulse dans les sommets d'une culture à "l'ancienne". Quand il évoque sa bibliothèque - un chapitre savoureux - le livre, les maisons d'écrivain, les voyages, son style ciselé et dynamique, son humour caustique provoquent souvent un sourire du lecteur(trice). Je sens résonner en lui un amour des livres, une passion communicative. Ses admirables admirés de la littérature : Perec, Gary, Genevoix, Barthes, Mauriac, Cordier, etc. Sur Proust, il écrit : "Chacun son Proust, c'est évident, mais c'est le dernier le meilleur, celui qui nous rejoint en fin de course". Il ne s'empêche pas de parler des "maudits" comme Céline et Morand : "Des imbuvables peuvent distiller de l'élixir".  Mais son préféré le plus emblématique, celui qui symbolise l'essence même de la littérature s'appelle Julien Gracq ! (La suite, demain)

lundi 17 juillet 2023

Milan Kundera, un géant de la littérature

Alain Finkielkraut a reçu dans son émission, "Répliques" sur France Culture, Florence Noiville, journaliste du journal Le Monde, et surtout une amie du couple Kundera. Elle a écrit une biographie sur Milan Kundera que j'ai tout de suite achetée pour approfondir ma connaissance de cet écrivain au destin exceptionnel. La journaliste relatait la maladie de l'écrivain "qui était tombé dans l'oubli" et je n'ai pas été étonnée d'apprendre son décès à 94 ans. J'avais choisi quelques un de ses romans dans le cadre de l'Atelier Littérature et le redécouvrir en relisant mes Pléiades a ensoleillé mes lectures hivernales. Le lire vingt ans après m'a encore plus enthousiasmée car prendre de l'âge comporte quelques avantages appréciables comme du temps libre pour lire mieux, une attention plus approfondie, une curiosité plus affûtée. Dans les deux Pléiades publiées en 2011, il a exigé une absence d'indices biographiques et refusait l'effet "people" littéraire. Il ne désirait pas se mettre "en lumière" et privilégiait "la fugue intime". Se définissant comme un romancier (et non un dissident), il vivait littérature, respirait littérature, rêvait littérature, analysait la littérature dans ses divers essais comme "L'art du roman" et les "Testaments trahis". De "L'insoutenable légèreté de l'être" à "La Plaisanterie", du "Livre du rire et de l'oubli" à "Risibles amours", sans oublier ses derniers romans comme "L'Ignorance", j'ai tout relu pendant quelques mois, revisitant sa planète si particulière. Il s'empare de la fiction pour illustrer ses idées fondamentales : la lutte contre les ennemis de la liberté, tous ces "ismes" tel le totalitarisme communiste, le dogmatisme religieux, l'optimisme béat, le romantisme utopique et surtout, le lyrisme de la jeunesse et l'impérialisme. Mais, il préférait aussi évoquer l'amour dans les intrigues de ses fictions. Milan Kundera s'attachait sans cesse à explorer la condition humaine : "dévoiler un aspect inconnu de l'existence" en lui donnant une forme littéraire : "L'écrivain s'inscrit sur la carte spirituelle de son temps, de sa nation, sur celle de l'histoire des idées". Héritier légitime de Rabelais, de Cervantès, de Diderot et de Kafka, il cultive la fantaisie, le jeu, la liberté, l'ironie, mais aussi le désenchantement, la désillusion. Des amis écrivains le décrivent comme "un homme courtois, pudique, drôle, intelligent et rigoureux". Milan Kundera nous a quittés mais son âme reste avec nous dans toutes ses œuvres dont l'une porte le titre "L'Immortalité". C'est aussi ça la littérature : une porte vers l'éternité. 

mercredi 12 juillet 2023

"La Famille", Naomie Krupitsky

Paru en novembre 2021 aux Etats-Unis, ce premier roman, "La famille" de Noamie Krupitsky, a connu un succès fulgurant, un phénomène rarissime pour une écrivaine inconnue. La maison Gallimard le publie à son tour dans l'excellente collection, "Du monde entier". Tous les ingrédients du roman se mélangent pour composer une saga très séduisante : le milieu sulfureux de la Mafia, l'amitié soudée entre deux petites filles, une écriture subtile et la densité du sujet. L'écrivaine s'est inspirée de Mario Puzo, auteur du "Parrain", publié en 1970 et de la série culte, "Les Soprano". Elle a situé cette histoire dans un New York du début du XXe siècle, de 1928 à 1948, quand les immigrants venus du monde entier reconstituent des communautés, les unes à côté des autres. Deux amies, Sofia et Antonia,  grandissent au sein du clan, "La famille", d'origine sicilienne. Leurs pères respectifs travaillent pour la Mafia sans le dire vraiment à leurs filles. Elles ressentent bien leur exclusion à l'école, leur marginalisation et cet ostracisme feutré renforce leur lien. Comment fonctionne la mafia ? Sous forme de protection d'un commerce en échange d'une contribution, des trafics d'alcool, de drogue, etc. La corruption atteint des couches de la société : policiers, politiques, syndicalistes. Cette pieuvre gangrène une partie de la population. Ce sont des hommes qui s'occupent de ces affaires sensibles et glauques. Les femmes restent cantonnées dans leur maison et s'occupent des enfants en fermant les yeux. Sofia, l'intrépide et Antonia la sage, fréquentent la même école, partagent repas et sorties et se voient sans cesse. Leurs mères encouragent cette amitié jusqu'à leur maturité. Mais, la vie va peu à peu les séparer. Pourtant elles poursuivent la tradition familiale en épousant chacune un "soldat" de la "Famille". Ce roman puissant et romanesque se lit avec plaisir et l'on suit les états d'âme des deux personnages féminins avec beaucoup de curiosité. Sofia va basculer dans la violence du clan en prenant la place de son père. Antonia sera plus tourmentée par ce monde dangereux se souvenant de l'exécution de son propre père par ses collègues sans scrupules. Naomie Krupistky évoque avec un talent certain la problématique de la "secte" maffieuse entre le besoin de protection et l'aspiration d'une délivrance. Cette fresque familiale se lit d'une traite ! 

mardi 11 juillet 2023

"Rétrécissement", Frédéric Schiffter

 J'ai rencontré Frédéric Schiffter, philosophe et écrivain,  à Biarritz lors d'une conférence philosophique sur la notion de l'âme. J'ai discuté avec lui quelques minutes pour la dédicace de son livre. Quand j'ai appris qu'il venait de publier un roman, je l'ai tout de suite lu avec beaucoup d'intérêt. Le narrateur s'appelle Baudoin Villard. Il enseigne la philosophie dans un lycée catholique et compose quelques ouvrages qui ne rencontrent qu'un succès relatif. Déjà divorcé, il se prépare à un deuxième divorce. Ses relations féminines le laissent perplexe et abattu. Federica, une femme pragmatique, détestable et riche, travaille dans l'immobilier et se moque totalement de la philosophie. Leur couple ne pouvait que se fracasser sur le mur du réel. A la quarantaine, il traverse une crise existentielle sans précédent. Comme il se sent de plus en plus fragilisé, il décide de consulter un psychiatre. Celui-ci craint qu'il ne souffre du syndrome d'Alceste, un trouble de l'humeur, provoquant des épisodes psychotiques. Il se met en congé maladie. Son mal être et la perte de poids commencent à le "rétrécir", à l'amoindrir, à l'affaiblir. Comment lutter contre cette pente fatale, ce glissement progressif vers le pire ? Le narrateur tente des solutions. Il tombe amoureux d'une jolie quadragénaire mais elle est mariée et choisira son mari lorsque celui-ci est muté dans un pays étranger. Pas de chance pour notre narrateur déprimé. L'amitié avec un voisin âgé le rassure un temps mais cette relation ne l'aide pas à surmonter sa chute psychique. En écrivant ce roman d'une noirceur évidente, Frédéric Schiffer brosse le portrait d'un "double" qui lui ressemble beaucoup. Il cite ses penseurs préférés : Schopenhauer, Thomas Bernhardt,  Montaigne. Il développe ses obsessions familières : sa méfiance maladive envers la société, son allergie totale à la notion de groupe, son esprit anarchiste et rebelle mais aussi un pessimisme à la Unamuno, un philosophie espagnol, auteur du "Sentiment tragique de la vie". Cet antihéros ne croit pas à grand chose et son pessimisme désespéré l'isole d'autrui. Il avoue qu'il "n'a aucun talent pour tisser de nouveaux liens". Le narrateur sombre peu à peu dans une forme de folie et sa chute lucide me rappelle l'univers de "L'Etranger" d'Albert Camus. Ce roman raconte les dégâts psychiques de la dépression et l'auteur, pourtant amateur de légèreté et de plaisir dans sa vie océanique à Biarritz, a choisi la gravité et la pesanteur pour son héros malheureux. Un roman surprenant et philosophique à découvrir tout en conservant un "bon moral" !  

lundi 10 juillet 2023

"La Maison dorée", Jessie Burton

Je viens de terminer le roman de Jessie Burton, "La Maison dorée", publié chez Gallimard dans la collection "Du Monde entier". J'avais beaucoup apprécié "Miniaturiste", un roman historique sur l'Amsterdam du XVIIIe siècle. "La Maison dorée" est la suite de "Miniaturiste". L'histoire se passe donc en Hollande en 1705. La famille Brandt prépare l'anniversaire de Théa, la nièce de Nella, l'héroïne du premier tome. Nella a perdu son mari, condamné pour son homosexualité, mais elle a sauvegardé sa belle maison au bord du canal. Elle élève Théa, la fille de sa belle-sœur, morte à la naissance du bébé. Son père, l'ancien secrétaire du mari de Nella, d'origine africaine, vit dans cette maison. Mais, Théa ne sait rien sur le secret de cette famille. Cette jeune fille, orpheline de mère, adore le théâtre et son idole est une brillante comédienne, Rebecca. Dans ce milieu artistique, elle rencontre un décorateur, Walter, dont elle tombe amoureuse. Le  théâtre attire Nella et elle fomente avec Walter leur fuite et leur mariage clandestin. Dans la maison de Nella, tout se dégrade par manque d'argent. Le salut de la famille passe par un mariage arrangé avec un jeune avocat riche. Théa, métisse ravissante et illégitime, refuse cette union et elle organise sa fuite avec Walter. Mais, elle reçoit une lettre de chantage qui l'oblige à donner de l'argent sinon sa liaison avec Walter sera révélée et provoquera un scandale. Un jour, elle suit une femme qui retirait la somme du chantage et elle découvre la double vie de Walter, marié et père de famille, le responsable du chantage. Théa décide de tout quitter : sa vie à Amsterdam, sa famille, son futur mariage. Nella, catastrophée, va se mettre en route pour retrouver sa nièce adorée. Jessie Burton est une superbe conteuse qui maintient un intérêt permanent pour ses beaux personnages de femmes. Nella, la prudente et Théa, la rebelle, forment un duo complémentaire. L'une a subi son destin et l'autre va le maîtriser. La suite de "Miniaturiste" se lit avec plaisir surtout dans la période estivale. Je conseille la lecture du premier tome pour mieux savourer "La Maison dorée". Cette lecture agréable nous plonge aussi dans une société hollandaise du XVIIIe siècle, corsetée de préjugés, mais friande de modernité. Quand on aime la peinture hollandaise si parfaite, le roman constitue un tableau digne de Vermeer et de Rembrandt.  

jeudi 6 juillet 2023

Des médiathèques saccagées

Des mairies, des écoles, des commissariats, des commerces, des banques, mais aussi des médiathèques ont été saccagés pendant ces cinq nuits d'émeutes sur le sol de France. Dans la très sérieuse revue professionnelle, Livres Hebdo, il est question de trente médiathèques qui ont subi des dégradations diverses et certaines ont même été incendiées comme à Metz. A Montauban, à Vaulx-en-Velin et dans d'autres villes, des jeunes garçons (oui, des garçons) ont eu la pulsion incontrôlable de la "vengeance" après la mort absurde et injuste du jeune Nahel. Quel gâchis, quelle tristesse ! Comment peut-on s'en prendre aux outils d'émancipation ? Pour moi, ancienne libraire et bibliothécaire, la lecture publique relève du "sacré" républicain. Pour devenir un citoyen et une citoyenne libres, il faut lire, lire lire et les bibliothèques constituent un trésor national, un patrimoine commun tellement exceptionnel dans notre pays. J'ai fortement pensé à la médiathèque Georges Brassens à Chambéry le Haut, qui, depuis deux décennies, offre un bel espace de culture, de lecture et de musique et sa fréquentation semble de plus en plus consolidée. J'avais peur que des émeutiers ne s'attaquent à ce joyau. Mais, ils l'ont épargné pour le moment. Ces "anonymes" violents ont choisi de s'attaquer au cinéma Le Forum dont l'entrée a été incendiée ! Je souhaite que la mairie répare cet espace si précieux. Je vais régulièrement dans cette salle et l'équipe fait un travail formidable avec les scolaires. Cette rage juvénile radicale pose question : qu'avons-nous raté, nous les adultes, de toutes opinions politiques ? Air du temps, emprise des réseaux sociaux, fascination des jeux vidéos, affaiblissement de la notion d'autorité, sentiment d'injustice et de discriminations ? Le vide existentiel d'une partie de notre jeunesse est-il un élément de réflexion ? Il leur manque certainement un idéal éducatif, une envie d'émancipation individuelle, un projet de vie, une joie d'être, la bienveillance pour autrui. Pendant ces jours sombres et inquiétants, j'ai pensé à Freud et à son "Malaise dans la civilisation". Le psychanalyste, d'une lucidité éclairante, rappelle que, l'agressivité de l'homme peut être dompter par le "surmoi", instance clé du développement psychique, une sorte de code moral. Il faut relire Freud pour comprendre peut-être cette rage destructrice des émeutiers. Pour Sigmund Freud, l'institution, la loi, le droit nous éloignent de "l'état animal de nos ancêtres et qui servent à deux fins : la protection et la réglementation des hommes entre eux". S'attaquer à des médiathèques est un geste symbolique de "dé-civilisation", mot lourd de sens, employé par Jérôme Fourquet et repris par notre Président. Pillages, saccages, dégradations, notre pays a subi un choc moral, un traumatisme qui laissera des marques. Je ne sais pas aujourd'hui si ce climat délétère perdurera ou s'affaiblira. Mais, pitié pour nos belles bibliothèques-médiathèques et nos écoles indispensables pour que notre France républicaine reste debout ! 

mercredi 5 juillet 2023

"Le Cahier interdit", Alba de Cespedes

 J'ai trouvé un livre de poche dans une cabane à livres, "Le cahier interdit" d'Alba de Cespedes (1911-1997) et je ne l'avais toujours pas lu. Puis, l'éditeur Gallimard a eu la bonne idée de le republier dans la collection "Du Monde entier" dans la même traduction. Ecrit en 1952, ce journal intime fictif n'a pas perdu son intérêt, bien au contraire. La narratrice achète presque par hasard un cahier banal dans un bureau de tabac et elle le cache tout de suite de peur d'être critiquée par cet acte : "Je voulais être seule pour écrire, ou quiconque veut s'enfermer dans sa solitude, en famille, porte toujours en lui le germe du péché". En 1950, Valeria Cossati ne dispose évidemment pas "d'une chambre à soi" comme le souhaitait Virginia Woolf pour toutes les femmes. Ce cahier représente sa propre conscience où elle va s'épancher sur ses états d'âme. Il ne faut surtout pas que les membres de sa famille ne le découvrent car ils vont découvrir des vérités difficiles à entendre et à comprendre. Ce journal secret enregistre ses pensées, ses regrets, ses difficultés surtout avec ses enfants devenus des adultes. Sa fille, Mirella, s'oppose à cette mère trop traditionnelle. Elle sort avec un avocat, marié et plus âgé qu'elle. Dans les années 50, ce comportement était jugé amoral ! Au fur et à mesure, la narratrice prend conscience de sa propre situation car son mari se montre souvent indifférent et même absent dans l'éducation de ses enfants. D'autant plus que son cher compagnon l'appelle "maman ! Prise dans le piège d'une société patriarcale traditionnelle, Valeria utilise ce cahier comme un espace de libération, d'émancipation. Etouffée par ses devoirs envers ses enfants et son mari, elle met enfin en question son rôle au sein de la famille. Valeria va-t-elle rester un bon petit soldat ? Ou, se libérer ? Ce roman féministe de "l'ancienne époque" a été considéré comme subversif et même scandaleux. Si Alba de Cespedes revenait sur terre, elle constaterait avec soulagement la fin du patriarcat occidental et l'amélioration considérable de la condition féminine. L'écrivaine décrit avec finesse et subtilité la discrète libération audacieuse d'une femme "entravée" dans une société italienne en pleine mutation. Au fond, ce roman préfigurait la révolution féministe, l'une des plus paisibles du XXe siècle sans émeutes, ni violences urbaines... 

mardi 4 juillet 2023

Ranger sa bibliothèque

 J'ai toujours des projets de rangement quand l'été approche surtout quand la météo se met à l'orage et aux pluies bienfaisantes pour nos jardins. Plus les années passent, plus il faut se désencombrer en se posant des questions fatidiques : vais-je relire ce roman, cet essai, cette revue ? J'ai mis de côté tous ceux que je laisse partir et au fur et à mesure, les piles se sont élevées pour constituer un bon stock de quelques centaines de documents que j'ai apportés à Emmaüs. Aucun regret de donner ces livres ! Ils trouveront des lecteurs et des lectrices qui les installeront dans leurs bibliothèques. En libérant quelques mètres linéaires dans mes étagères, j'ai mieux organisé mes livres sauvés du déluge "désherbage", ceux qui m'accompagnent depuis longtemps. Dans le salon : la collection "sacrée" de mes Pléiades, des livres d'art, d'archéologie, des catalogues de musée, mes romans "Gallimard", quelques livres anciens, des ouvrages de bibliophilie, surtout la production originale de Robert Morel. Dans le bureau : des guides de voyages, des livres de poche, des revues littéraires, des récits philosophiques, etc. Nouveaux rangements, nouvelles découvertes quand on met de l'ordre dans l'accumulation boulémique de tous ces volumes papier. Quel plaisir de retrouver un titre oublié depuis des années ! Mon programme des lectures estivales s'est étoffé au fil des heures : un roman de Marguerite Yourcenar, un essai sur la lecture, un livre de philosophie entamé et non terminé, un vieux poche des années 50 ("Le Zéro et l'infini" d'Arthur Koestler). Faire le ménage pour ôter la poussière, nettoyer les couvertures, déplacer les uns, recaser les autres, ces gestes affectueux des amoureux et des amoureuses de lecture se font avec un plaisir certain. Quand mes yeux se posent dans mes bibliothèques parfaitement renouvelées, je ressens une envie décuplée de relire tous ces ouvrages qui reflètent mes préférences littéraires, mes peintres appréciés, mes centres d'intérêt comme l'Italie et la Grèce. J'ai donné beaucoup d'exemplaires pour gagner de la place sans éprouver de nostalgie car je peux emprunter dans les bibliothèques municipales  des quantités de documents si je ressens le besoin de retrouver un titre. Et avec tous ces mètres linéaires gagnés, je me réjouis d'acquérir des nouveautés pour remplir de nouveau mes chères étagères ! La passion des livres, un bonheur assuré ! 

lundi 3 juillet 2023

"La faute", Alessandro Piperno

Alessandro Piperno, "l'enfant terrible des lettres italiennes", vient de publier "La faute" aux éditions Liana Levi. Né en 1972, il est comparé à Philip Roth pour les obsessions sexuelles de ses personnages et pour sa description ironique de la bourgeoisie juive romaine d'où il est issu. Par ailleurs, il revendique comme mentors littéraires, Proust, Flaubert, Svevo. Dans ce dernier opus, un jeune narrateur raconte sa famille romaine quelque peu dysfonctionnelle selon le jargon de la psychologie. Il se construit vaillamment dans un contexte particulier : ses parents ne cessent de se quereller à tous moments de leur vie quotidienne. Le père, instable dans sa vie professionnelle, rencontre de grandes difficultés financières et s'endette jusqu'à l'étranglement. Sa mère est professeur et se montre souvent sévère avec son fils. Un jour, sa mère rencontre une femme dans une boutique avec laquelle elle évoque une tante commune disparue récemment. Le jeune garçon ne connaît pas sa famille maternelle et il comprend qu'un secret est à l'origine des problèmes parentaux. Surgit alors un changement dans la vie du narrateur quand il est invité chez les Sacerdoti, un clan aisé dont l'identité juive s'affirme avec fierté. A force d'une mésentente permanente, le couple se déchire et le père quitte le foyer. Un drame surgit plus tard quand le mari revient et relance une dispute fatale. Cette scène se termine par la mort accidentelle (ou suicidaire) de la mère. Le père va en prison et le jeune narrateur vit tous ces évènements tragiques avec une distance émotionnelle anesthésiante. Un oncle de la famille maternelle, un avocat célèbre et riche, le prend en charge et une nouvelle vie commence pour lui. "A qui la faute ?" se demande le jeune garçon.  Pourquoi ses parents ont-ils fini par se haïr ? Pourquoi la vie de famille est-elle si compliquée ? Quel est mon identité ? Le narrateur se construit malgré un démarrage plus que difficile dans la vie. Il grandit et ce narrateur devient écrivain, celui qui parle de son passé si particulièrement tragique. Une confession intime passionnante même si le narrateur ressemble à un antihéros. Un roman dense, puissant, ironique à découvrir pendant l'été. Un écrivain important dans le panorama de la littérature italienne contemporaine.