dimanche 27 juin 2010

Abécédaire professionnel

Je quitte la bibliothèque ce vendredi et pour marquer l'événement, je propose cet abécédaire pour relater les faits marquants de ma carrière :

A comme Animation culturelle : souvenirs intenses liés aux actions culturelles : expositions d'artistes, rencontres avec des écrivains, colloques sur la mémoire et l'art, sorties avec des scolaires (musée d'art,palais de l'Europe à Strasbourg), ateliers d'écriture, tous ces moments conviviaux et euphoriques ont rythmé ma vie de bibliothécaire... et je ne me suis jamais ennuyée !

B comme Bibliothécaire : j'étais libraire avant de devenir bibliothécaire car je suis née dans le papier : ma mère m' a raconté que j'avais avalé du papier journal à l'âge de 2 ans ! Le métier de bibliothécaire était pour moi un destin tout tracé. Je pense que j'aurais pu être un scribe femme dans l'Antiquité ; ce métier m'aurait passionnée !

C comme Constructions de bibliothèques : dans ma carrière, j'ai donc piloté trois constructions à Eybens, Tarare et La Tour du Pin, au total 2 500 mètres carrés, des milliers de livres achetés et prêtés, des milliers de lecteurs rencontrés petits et grands. Je me souviens de la phrase de Borgès "Quand je rêvais de la Terre promise, c'est une bibliothèque que je voyais".

D comme Documentation numérique : la découverte la plus surprenante de ma carrière, un clic de souris et voilà les poèmes numérisés de Nerval sur Gallica, je peux feuilleter des revues de littérature, parcourir des articles de presse, bref , un monde de mots à la portée de main et à tous moments, une révolution documentaire qui bouleverse les pratiques professionnelles. Mais n'oublions pas nos modestes compagnons de papier et j'aime ce cri de Umberto Eco : "N'espèrez pas vous débarrasser des livres !"

E comme Ecriture : j'ai beaucoup apprécié l'atelier d'écriture avec Mylène et j'ai découvert le talent extraordinaire des participants qui composaient des textes très originaux ! C'est très important d'écrire et de savoir formuler ses pensées et idées. Cet atelier organisé sur 3 années universitaires restera pour moi un excellent souvenir.

F comme Festival du Premier Roman, le comité Campus m'a permis de rencontrer des étudiantes et quelquefois des étudiants, amoureux de littérature et, hélàs, ils ne sont majoritaires au sein de l'Université !

G comme Générosité : une des valeurs pour le service public : toujours se plier en quatre pour aider les lecteurs dans ce labyrinthe intellectuel souvent incompréhensible pour les non-pratiquants de la bibliothéconomie !

H comme horaires : une des très grandes différences entre les bibliothèques municipales et les bibliothèques universitaires se trouve dans l'amplitude des horaires de 8h à 19h tous les jours sauf le samedi ! Palme d'or de l'accueil du public aux BU c'est à dire 53 h par semaine,une utopie pour la lecture publique, une réalité pour les BU !

I comme Ignorance : les métiers du livre et de l'enseignement existent et existeront toujours jusqu'à la fin des temps pour lutter contre l'ignorance, véritable plaie sociale. Rien que de voir toutes ces rangées de livres et de revues, le savoir se diffuse dans votre tête comme un délicieux parfum d'oranger ! Il faut donc tout simplement s'assoir dans une bibliothèque et vous devenez "intelligent"... enfin il faut quand même faire des efforts !

J comme Jeunesse : j'ai vu passer des milliers d'étudiants depuis sept ans et regarder tous ces jeunes étudier me remplissait de satisfaction !


K comme Kafka : l'université comme monde administratif quelque peu kafkaïen : les CEVU, CS, SUAPS, SUUMPS, SCD, CTP, CAP, ASCUS, etc. alors j'ai raison non ?


L comme littérature : ma passion avant tout, mon fil conducteur pour exercer mon métier de libraire et de bibliothécaire... Si tu ne lis pas en BM, comment faire pour conseiller les lecteurs ? La littérature a déclenché en moi cette envie de faire partager ce bonheur singulier et intense d'aimer les livres, les idées, la vie.

M comme Magasiniers : j'ai donc essayé de travailler avec des magasiniers pendant sept ans, sept ans d'encadrement quelquefois délicat avec certains d'entre eux et souvent harmonieux avec d'autres. C'était une mission d'autorité mais teintée de diplomatie que j'ai essayée d'assumer malgré quelques turbulences...

N comme Normes : ah les normes du catalogage ! En lecture publique aucun problème, les normes sont allégées. En BU, cela se complique beaucoup : les normes forment un système implacable : malheur à toi si tu prends des chemins buissonniers. La règle fait loi et tous les BAS (Bibliothécaires adjoints spécialisés) doivent la respecter ! J'avoue que ce ne fut pas une de mes tâches préférées, mais je comprends que le monde bibliothéconomique doit être rigoureux sinon quel désordre dans les catalogues !

O comme Ordinateurs, le compagnon préféré des bibliothécaires qui a remplacé les fichiers en bois et les relations simplement humaines. La messagerie a bousculé notre pratique professionnelle et cette dimension technologique a changé nos relations. .. J'avoue faire de la résistance de temps en temps et je me demande comment certains collègues pourraient revenir à l'époque où il n'existait ni ordinateur, ni web, , ni téléphone portable ! On semblait survivre sans tous ces outils tellement indispensables aujourd'hui !


P comme Plannings : chargée des plannings des bibliothécaires, j'ai organisé l'accueil du public et je remercie toutes mes collègues d'avoir joué "collectif" pendant les sept ans de plannings... Les absents étaient remplacés sans problème.Cette équipe soudée a joué avec fair-play ! Comme j'adore le rugby, j'ai retrouvé cet esprit rugby dans mon équipe de bibliothécaires ! Merci et Bravo !


Q comme Question : je crois que dans la vie professionnelle, il faut se remettre en question et trouver des ressources permanentes pour se renouveler et avancer.

R comme Récolement : une semaine intense de travaux divers, une épreuve initiatique, un rite de bibliothèque universitaire...

S comme Service Public ! ma mission principale à la bibliothèque, comment faire en sorte que les étudiants et les enseignants fréquentent la bibliothèque avec satisfaction et voire bonheur ! Une obsession, une mission prioritaire : une bibliothèque sans public sera-elle un jour le modèle à suivre ? Je préfère le lieu physique, les collections sur des rayonnages, des tables et des chaises, des fauteuils confortables. Quand j'étais responsable des bibliothèques publiques, j'accrochais souvent des photos d'écrivains, des citations, des posters d'art. La Bibliothèque comme sa seconde maison, comme sa résidence secondaire, comme son bateau ivre, comme son nid douillet ! Voilà comme je vois le Service Public : un état d'esprit et un lieu ouvert à tous.

T comme Tarare ou le poste qui reste pour moi le summum de ma carrière. A l'époque,un maire me confie la construction d'une médiathèque de 1200 mètres carrés. A mon arrivée, un désert vide de connaissances ! A mon départ, un temple de la culture ! Je suivais le chantier tous les jours et j'ai connu à Tarare l'ivresse du bâtisseur. Et à La Tour du Pin, la mairie m'a installée dans un local de la piscine municipale, j'avais un hublot et les ados plongeaint pour me faire un coucou amical !
J'ai transformé une usine qui fabriquait des chemises des soldats en 14-18 en médiathèque intercommunale.

U comme Université : Je suis fière d'avoir travaillé au sein de notre belle université de Savoie et j'avoue que son destin à venir m'intéresse et je pense assister à quelques cours de littérature en auditrice libre : vous n'allez pas vous débarrasser de moi comme ça !

V comme Vacances ! Ma dispo avant la retraite à soixante ans,c'est six mois de vacances depuis que je travaille (4 ans d'étude et 36 ans de travail) Je vais réapprendre la lenteur, la disponibilité, le repos et le loisir. Prendre soin de mes proches constituera ma mission principale !

W comme WEB

X comme je n'ai pas trouvé !

Y comme Youpi ! j'ai fini et

Z comme Zut, je vous quitte avec regrets car j'ai aimé ce travail et il faut que je laisse la place aux jeunes, qui j'espère, poursuivront cette tâche indispensable d'animer la bibliothèque de lui donner cet aura de lieu intelligent, ouvert à tous et profondément éducatif. Dans le cadre de la rigueur budgétaire des années à venir, souhaitons que les bibliothèques survivent et constituent un projet collectif du "vivre ensemble". On ne ferme pas une école, et on ne fermera pas les bibliothèques et on n'a jamais vu l'entrée du paradis refusée aux amateurs du savoir et de culture...

Au revoir et merci pour ces sept années passées avec vous tous !