vendredi 14 décembre 2018

Atelier Lectures, 4

Je poursuis l'évocation de quelques romans de Philip Roth avec le premier volet de la trilogie sur l'Amérique qui démarre avec "Pastorale américaine", publié en 1997. Le narrateur Zuckerman relate l'histoire de Seymour, parfaite incarnation de la réussite américaine. Fils aimant, père parfait, patron apprécié, Seymour possède tous les atouts du bonheur. Mais, un événement sans précédent va pulvériser cette vie réussie. En 1968, la fille du couple, Merry, commet l'irréparable en posant une bombe provoquant un mort devant la poste locale pour protester contre la guerre du Vietnam. La "pastorale américaine" ressemble à un naufrage total. Comment ce père de famille s'est aveuglé sur l'embrigadement de sa fille terroriste ? Philip Roth analyse cette perte de sens, de repères et malgré l'évidence de ce chaos familial, le personnage central reste le seul à croire à l'innocence de sa fille. Il va revoir sa fille cinq ans après et il comprendra alors qu'elle s'est définitivement égarée. Un roman noir, cruellement lucide. En 2000, paraît "La Tâche", le troisième volet de la trilogie. Coleman Silk, professeur à l'université, rencontre Zuckerman pour lui demander d'écrire son histoire. Son épouse vient de mourir, usée par le scandale que subit son mari, écarté de l'enseignement pour une parole, jugée raciste. Le professeur ne comprend pas sa mise au pilori. Après la mort de sa femme, il se lie avec une femme de ménage qui lui apporte un réconfort appréciable. Mais, ce personnage torturé moralement cache un secret incroyable : il ment depuis sa jeunesse car il s'est déclaré comme un homme blanc alors qu'il est né noir. Il voulait échapper à la discrimination raciale, à la ségrégation qui règne en Amérique à cette époque-là. Il renonce à sa mère et à sa fratrie pour vivre librement son choix terrible. Philip Roth aborde la question du "politiquement correct", du conformisme ambiant et du carcan de l'identité prédéterminée. Encore un chef d'œuvre et un éloge de la liberté individuelle. Philip Roth, avec son scalpel ironique, décrit un destin singulier et tragique. Je termine l'évocation des romans de Philip Roth avec "Patrimoine", un récit autobiographique sur la maladie fatale de son père, atteint d'une tumeur au cerveau. L'écrivain évoque ses parents, leur vie à Newark et leur couple. Ce témoignage très dur sur la maladie et la mort de son père est difficile à lire mais nécessaire pour comprendre l'univers familial de l'écrivain, ses racines qu'il va tout au long de sa vie d'écrivain graver dans le marbre de la littérature. Les lectrices de l'atelier ont découvert et apprécié un écrivain exceptionnel, peut-être le plus important du XXe siècle aux Etats-Unis. Plus on le lit, plus on découvre la profondeur de son œuvre. Il est édité dans la Pléiade et il est devenu aujourd'hui un classique contemporain. A lire sans modération et surtout à relire.