mercredi 11 septembre 2019

"Pour l'amour des livres"

Quand j'ai vu ce titre en librairie, je n'ai pas résisté à l'appel de ce récit de Michel Le Bris, publié chez Grasset. L'écrivain se retrouve à l'hôpital et constate que sa vue est brouillée. Le voilà dans l'incapacité de lire et d'écrire : "L'évidence m'avait écrasé : sans lire, sans me lire, je ne pourrais plus écrire. En somme, j'étais mort. Pas physiquement, peut-être, ou pas encore, mais comme écrivain. Et que serait une vie pour moi, sans le pouvoir d'écrire ?". Il se sent diminué, handicapé sans ses yeux, mais le médecin lui annonce que sa vue reviendra vite. Soulagé par cette heureuse annonce, il décide d'écrire "Pour l'amour des livres", une ode magnifique à la littérature, "une déclaration d'amour", "un message d'espérance". Pour l'écrivain, la littérature sert à "nous reconduire à nos mondes intérieurs, dans le temps long de la lecture et le silence gagné sur le brouhaha ordinaire, jusqu'à nous faire approcher le mystère même du langage, qui nous relie aux autres, au monde et à nous-mêmes". Le petit Michel, enfant unique solitaire, issu d'un milieu très modeste en Bretagne, découvre avec émerveillement son premier coup de cœur, "La Guerre du feu" de J.H. Rosny aîné. Son instituteur remarque son talent d'écriture et lui permet de composer des textes en toute liberté. Cette rencontre avec cet enseignant magistral provoquera sa vocation d'écrivain. Puis, dans une bibliothèque, il se passionne pour les écrivains aventuriers, explorateurs, pionniers dont il gardera toute sa vie une empreinte indélébile. Son récit autobiographique met l'accent sur sa gratitude envers sa mère, ses instituteurs, ses professeurs qui l'ont toujours aidé à dévorer les livres. Il raconte aussi sa vie de militant en 1968, ses activités éditoriales, ses amitiés avec des confrères, son Festival des Etonnants Voyageurs de Saint Malo, créé en 1990. Il rend un hommage à ses écrivains préférés : Guillevic, Victor Hugo, Melville, Bruce Chatwin, Paul Theroux, Joseph Conrad. Il consacre de nombreuses pages à son mentor, Stevenson, celui qui l'a le plus influencé. Michel Le Bris compose une élégie de gratitude pour ces passeurs de mots et ces créateurs de mondes. Dans sa dernière page, il résume son beau projet : "J'ai voulu ce livre comme un acte de remerciement. Pour dire simplement ce que je dois au livre. (…) Plus nécessaire que jamais, face au brouhaha du monde : il est en chacun de nous un royaume, une dimension d'éternité, qui nous fait humains et nous fait libres. Tel est notre grand message : que, tous, nous sommes plus grands que nous". Très belle conclusion…