mardi 7 juin 2016

"Je suis en vie et tu ne m'entends pas"

Ce roman de Daniel Arsand demande une certaine attention à cause de son sujet délicat et grave. Le personnage principal, Klaus Hirschkuk, rentre dans sa ville natale, Leipzig en Allemagne. Tout est en ruine et le jeune homme semble malade et hagard. Il vient de passer quatre ans à Buchenwald. Pourquoi, lui, un jeune allemand se trouvait-il dans ce camp d'internement ? Il était enfermé pour son homosexualité. Ces années horribles l'ont définitivement traumatisé car il était traité comme un non-humain. Humiliations, violences corporelles, mépris des prisonniers à son égard, sa vie ressemblait à l'enfer sur terre. Il revient chez ses parents qui ne l'accueillent pas comme un fils prodigue. Ils rejettent au fond ce fils "indigne et anormal" selon leur moralité normative. Klaus se sent obligé de quitter ce milieu familial hostile. Il part en France avec un collègue français qui travaille chez un tailleur et cette expérience lui permet de trouver un emploi à Paris chez un couturier. Il finira par rencontrer un compagnon de vie mais traversera les années 80 avec l'angoisse de la maladie, le sida, qui fait des ravages dans le milieu homosexuel. Il osera à ce moment-là écrire un témoignage sur ces années noires de Buchenwald et sur les luttes sociales pour la reconnaissance de son identité singulière. Daniel Arsand adopte un style fébrile, brûlant voire incandescent pour dénoncer l'injustice atroce de ce destin foudroyé par l'intolérance, par la bêtise et par la cruauté. Ce roman rend hommage à ces victimes du nazisme, anéanties à cause de leur sexualité différente. La littérature "concentrationnaire" a relaté toutes les atrocités des camps et ce livre évoque ce passé occulté et remet en mémoire les homosexuels au triangle rose, compagnons des tziganes et des  handicapés mentaux. L'auteur a voulu rappeler les vies brisées de ces hommes et surtout, nous dire que l'indifférence qu'ils ont subie à leur retour pouvait aussi les tuer pour la deuxième fois quand ils sont revenus des camps.  Un roman ardent, parfois difficile à lire d'une écriture très originale.  La littérature est loin de ressembler à un "long fleuve tranquille"...