mercredi 1 avril 2015

"Seule la mer"

Il peut arriver dans une vie de lectrice de passer à côté d'un écrivain (ou de plusieurs), de faire preuve d'incuriosité, de préjugés, de méconnaissance... Pourtant, cette lectrice lambda baigne sans cesse dans la culture littéraire et  ne comprend pas d'avoir été paresseuse, pas assez audacieuse dans ses choix. J'ai découvert récemment une femme écrivain d'Israël, Zeruya Shalev, et son dernier roman est d'une telle puissance narrative, psychologique que j'ai eu envie d'en savoir plus sur leur littérature. J'avais entendu parler d'Amos Oz et j'ai donc emprunté quelques-uns de ses ouvrages à la bibliothèque municipale. J'ai commencé par "Seule la mer" et je compte poursuivre la découverte, pleine de promesses, de ce grand écrivain. Il est né en 1939 à Jérusalem, a reçu de nombreux prix littéraires, est traduit en trente-cinq langues. Il milite pour la paix dans son pays et il intervient souvent dans la presse internationale. "Seule la mer", publié en 1999, démarre ainsi : "Non loin de la mer, rue Amirin
             Monsieur Albert Denon vit seul. C'est un amateur
             d'olives et de feta."
Le personnage central se nomme Albert, conseiller fiscal. Il vient de perdre sa femme, morte d'un cancer et son fils est parti pour le Tibet. Une voisine amie, Bettine, se soucie de lui et sa belle-fille, Dita, vient s'installer dans sa maison. Le narrateur-auteur met en scène ses personnages dans une suite de chapitres sous forme de poèmes ou de prose poétique. Certains textes sont très courts, d'autres plus longs.  Cette démarche littéraire peut déranger le lecteur(trice) car un roman se lit habituellement d'une façon linéaire. Dans le résumé proposé par Gallimard, je cite cet extrait : "Un chassé-croisé de voix et d'histoires que le narrateur, affranchi de toute contrainte formelle, tisse, tout en nous parlant de lui, en un poème bouleversant qui se lit comme un roman (ou comme un poème ?) pour serrer au plus près la quintessence de nos vies, le désir, la nostalgie d'un bonheur perdu, la mort qui nous cueille." A la page 78, l'écrivain intervient pour résumer l'intrigue entre les personnages qui forment des trios : père-fils-mère, père-belle-fille-fils, père-voisine-Dita, Dita et ses deux amants, etc. Une atmosphère mélancolique nimbe le texte-poème et les sentiments les plus universels, ressentis par les hommes et les femmes de tous les pays, dessinent une mosaïque vivante composée d'amour, d'amitié, de joie sans oublier l'envers de ces mots, la haine, le désamour, la tristesse, la trahison, le mal de vivre. Et surtout dans ce texte, en filigrane, la douce musique mélancolique de la solitude, une solitude plus existentielle que vécue. Je suis heureuse d'avoir découvert un tel écrivain, et seulement avec ce premier titre lu, j'aime savoir que les romans d'Amos Oz que l'on qualifie de "tchékhoviens", m'attendent avec patience, en librairie et en bibliothèque...