lundi 12 mai 2014

Erri De Luca

J'ai évoqué Erri De Luca, cet écrivain italien dans un de mes derniers billets pour son dernier roman, "Le tort du soldat" et je viens de finir un document qui regroupe des entretiens et des textes sous le titre "Essais de réponse", paru dans la collection Arcades de Gallimard en 2000. J'ai retrouvé avec plaisir ses pensées intimes, les souvenirs de son enfance, la matrice de son œuvre, ses idées politiques, et surtout sa conception d'une vie influencée par la présence des livres. Je cite ce passage significatif : "J'ai dormi dans la pièce des livres de mon père depuis que je suis né jusqu'au jour où j'ai claqué la porte pour risquer ma vie tout seul, à dix-huit ans. Sa bibliothèque était  vaste de toutes les années d'un lecteur famélique. (...) Les livres de mon père furent un miracle, bien plus profonds que les mondes que j'allais connaître. La bibliothèque se dressait autour de mon lit comme une tour, avec glacis, solitude, silence. Je l'ai entièrement parcourue, la nuit, comme un fantôme enchaîné au blanc des pages qu'il traîne derrière lui dans un bruissement. J'ai eu cette chance : une bibliothèque pour assouvir ma soif de connaître le reste, au-delà de la frontière des immeubles, au-delà du volcan et de la mer. Celui qui se trouve dans un espace exigu, dans une vie barrée, des années sans une clé en poche, n'est pas encore perdu s'il a une pièce étreinte par les livres. Moi, je l'ai eue dans une maison sombre, où l'été les étagères suaient une fine poussière, une farine de pages.  Pour celui qui est aux abois, il y a le ciel ou bien les livres. Dans les deux cas, sa solitude est envahie et apaisée par les voix les plus belles du monde". Je m'incline devant un si beau texte sur l'amour des livres et de la littérature...