lundi 10 juin 2019

"L'enfant perdue"

J'ai terminé la saga d'Elena Ferrante avec "L'enfant perdue", le quatrième tome paru chez Gallimard en janvier 2018. J'ai quitté mes deux héroïnes avec nostalgie tellement elles étaient presque devenues des amies familières depuis 2014. Les quatre volumes ont paru dans la collection Folio et on peut donc les acquérir pour une somme modique. Je demande parfois à des amies : "As-tu lu Ferrante ?" A mon grand étonnement, quand le non l'emporte, je commence à réunir les arguments pour qu'elles se plongent enfin dans cette suite romanesque. Tout d'abord, la description d'une amitié entre deux adolescentes se poursuit sur soixante ans entre admiration, jalousie, amour et haine. Le cadre de la saga ne peut que fasciner les lecteurs(trices) : Naples et son chaos, Naples et sa misère sociale mais aussi sa vitalité fiévreuse, sa lumière merveilleuse, sa beauté culturelle. En filigrane, l'Italie au XXe siècle avec ses soubresauts politiques et sociaux, la présence insidieuse de la mafia, la débrouillardise légendaire des Italiens, la solidarité familiale. Sur le plan littéraire, la présence de la narratrice, une écrivaine, le double d'Elena Ferrante, et sa vie entre amours contrariés et projets d'édition. Et autour de ces deux femmes, une myriade de personnages hauts en couleurs, qui entourent les deux héroïnes napolitaines. J'ai donc retrouvé Lénu et Lila dans leur maturité et dans leur vie quelque peu chaotique. Lila a monté une affaire d'informatique avec son nouveau mari, Enzo et Lénu a enfin réalisé son rêve d'adolescente : aimer et vivre avec son grand amour, Nino. Mais, son amant ne renonce pas à sa femme et à ses enfants, proposant même à Lila une solution proche de la bigamie. Malgré ses engagements féministes, elle accepte ce mode de vivre tellement elle est aveuglée par cet homme. Lila, toujours intuitive et instinctive, mène tout son petit monde avec une autorité indéniable, aidant les uns, rejetant les autres. Sa combattivité contre les Solara s'avère toujours aussi vive et elle défend son territoire avec une détermination farouche. Lénu quitte son mari et s'installe à Naples pour se rapprocher de son amie d'enfance et de sa famille. La vie avec Nino se complique et finit par se déliter malgré la naissance d'une petite fille. Lila, elle aussi, donne naissance à une petite fille et voila nos deux héroïnes élevant leurs deux filles quasiment ensemble.  Je ne dévoilerai en aucun cas la fin du roman car le titre indique déjà un drame. Le quatrième tome de la saga me semble bien plus sombre que les précédents mais toujours aussi passionnant que les trois premiers tomes. La magie Ferrante opère toujours : le brassage des vies, le poids des années, les leçons de vie, la maturité assumée, la difficulté d'aimer, les illusions perdues, la condition humaine en fait vue par une femme. Elena Ferrante, chamane littéraire et héritière d'Elsa Morante, qui aurait pu écrire cette suite romanesque, a inventé ces deux héroïnes magnifiques, suivies par des millions de lecteurs à travers le monde. "L'amie prodigieuse" a été adaptée en série. J'ai vu la saison 1 et même si je préfère les livres, la série me semble très fidèle à l'esprit de la saga. Elena Ferrante, une conteuse née, mais le monde qu'elle décrit avec un réalisme critique est loin de ressembler à un conte de fées…