mardi 2 février 2021

"Le dernier enfant"

 J'ai vu Phillipe Besson dans l'émission de François Busnel, "La Grande Librairie" et sa prestation m'a convaincue de lire son dernier roman. J'ai découvert cet écrivain dès ses premiers livres mais, quand il a composé un texte sur notre président actuel, je n'ai pas trop apprécié cette démarche. Quand il a été nommé par amitié politique comme ambassadeur culturel en Californie, il a renoncé à occuper ce rôle.  Il est revenu à sa table de travail comme un bon artisan et a retrouvé son identité d'écrivain sensible, intimiste et délicat. Son dernier roman, "Le dernier enfant", publié chez Julliard, sonne juste et vrai. Cette histoire d'une mère abandonnée se résume en une expression connue : le vertige du nid vide quand le dernier enfant franchit pour la première fois la porte de l'âge adulte et s'affranchit de ses parents. Ce sujet sans surprise a été traité par la littérature. Certains parents voient le départ de leurs enfants comme un événement inévitable et naturel mais d'autres sombrent dans un sentiment d'abandon, de solitude et d'incertitude. La mère de Théo voit sa vie vaciller en 24 heures, une journée particulièrement difficile, voire insupportable. Pourtant, sa fille aînée est partie, son fils aussi sans que ces départs ne se transforment en drame. Mais, elle s'accrochait à son petit dernier. Anne-Marie, la cinquantaine active, s'affaire le matin pour oublier cet événement : Théo doit prendre possession de son studio pour suivre des études. Rien ne sera plus comme avant : "Et aussitôt, elle songe, alors qu'elle s'était juré de se l'interdire, qu'elle s'était répété non il ne faut pas y songer, surtout pas, oui, voici qu'elle songe, au risque de la souffrance, au risque de ne pas pouvoir réprimer un sanglot : c'est la dernière fois que mon fils apparaît ainsi, c'est le dernier matin". Dans cette dernière journée, les parents chargent la Kangoo de l'entreprise pour transporter les meubles et les cartons. Ils partent avec le cœur lourd, le cœur chaviré de chagrin. Le silence règne au sein du couple et de l'adolescent. Ils savent tous les trois qu'ils vivent un moment unique, symbolique, irréversible. Philippe Besson décrit à merveille, en toute délicatesse, cette ambiance de fin d'un monde : celui de l'enfance, de la maternité, de la famille unie. Le père réagit différemment en mutilant sa sensibilité et en restant mutique. Sa passion du bricolage l'aide à surmonter le malaise. Anne-Marie ne peut pas s'empêcher de penser toujours au pire car ses parents sont morts dans un accident de voiture.  Cette femme inquiète a tout donné à ses enfants et s'est investie dans sa maternité, négligeant son mari. La voilà devant ce fait accompli : elle se retrouve avec un époux peu loquace et un peu lointain. Quand elle revient chez elle, la maison a perdu son âme. Elle cherche du réconfort du côté d'une voisine. Mais, le sentiment de la perte domine chez elle. Va-t-elle réagir, surmonter ce chagrin ? Il faut lire ce roman délicat, sensible et intimiste. Philippe Besson a déclaré dans un article de presse : "Je suis devenu écrivain pour vivre d'autres vies que la mienne. J'aurais pu prendre la voix du fils, mais j'ai décidé de prendre celle de la mère. (...) Ce travail sur la recherche de la justesse, c'est tout ce qui m'intéresse, j'observe. Vous savez, les écrivains sont tous des voleurs". "Le dernier enfant", le vingtième roman de l'écrivain, un miroir et une réussite.