dimanche 25 février 2018

"A malin, malin et demi"

Richard Russo a obtenu en 2017 un nouveau prix littéraire, le Grand Prix de la littérature américaine. Cet écrivain, publié chez Quai Voltaire, a conquis un public fidèle depuis des années (il est âgé de 82 ans) et son roman, "Un homme presque parfait", édité en 1995, évoquait un des personnages que l'on retrouve dans "Malin, malin et demi". Cet homme ronchon, nommé Sully, vétéran de la guerre et pilier de bar, joue un rôle important dans ce nouveau roman en compagnie du policier, Douglas Raymer. Ils vivent dans une petite ville, North Barth, qui dépérit au fil des années. L'environnement se dégrade, la crise économique sévit et les habitants dépriment. On se croirait dans les décors d' Edward Hopper où la solitude urbaine, la vacuité de l'existence menacent chaque individu. Douglas, le policier, symbolise la décrépitude du lieu. Sa femme, Becka, vient de mourir d'un accident stupide en dévalant un escalier. Mais, avant de tomber, elle a laissé un mot sur une table où elle annonçait son départ de la maison. Cette trahison tourmente, obsède ce mari trompé alors que leur couple durait depuis des années malgré leurs différences. Pourtant, Douglas, fragilisé par cette perte, sent bien qu'il n'était pas à la "hauteur". Il se voit médiocre, indécis, banal. Il trouve une télécommande oubliée qui ne correspond pas à son garage et il va donc chercher l'amant mystérieux de sa femme avec cet objet. Son adjointe, Charice, l'accompagne avec patience dans ce travail harassant. Des épisodes cocasses parsèment le récit :  un serpent venimeux égaré dans la ville, la chute du policier dans le cimetière où il perd la télécommande. En quarante huit heures (le temps du roman), on croise une cohorte d'énergumènes au sein de la petite ville : Sully et son copain Rub, unis dans le goût de l'alcool et des cigarettes, Roy, un obsédé sexuel et violent, Alice, la femme du mère, Ruth, la femme courage, Carl, l'entrepreneur corrompu, et bien d'autres qui partagent tous une vie chaotique. Richard Russo raconte ces hommes et ces femmes fragiles, des "perdants",  pas très conformes à l'excellence sociale et qui, malgré tout, font preuve de courage et de solidarité. Le policier va mettre un peu d'ordre dans sa vie et rebondir avec un nouvel amour, et les méchants seront bannis de la cité. Ce très bon roman de 620 pages ressemble à une série américaine, pleine d'humour déjanté dans une petite ville en déclin où chacun se bat à sa façon pour survivre...