vendredi 26 décembre 2014

"Et dans l'éternité, je ne m'ennuierai pas"

Je reprends les premières phrases de cette autobiographie : "Né en 1930 dans le Midi de la France, dans un milieu presque populaire, je suis professeur honoraire d'histoire romaine au Collège de France. Je me suis marié trois fois, comme Cicéron, César et Ovide. J'ai été membre du Parti communiste dans ma jeunesse et j'ai écrit des livres sur des sujets divers. Je vis depuis longtemps dans un village de Provence, au pied du mont Ventoux". Cette présentation sobre et succincte est l'œuvre d'un des plus grands historiens français, Paul Veyne. Je ne lis pas souvent des souvenirs de personnalités mais j'ai fait une exception avec ce livre rempli d'anecdotes sur sa vie personnelle, son métier d'"antiquisant", sa formation intellectuelle. Issu d'une petite bourgeoisie commerçante de Provence (son père fait fortune dans le négoce en vins), il échappe à une voie toute tracée en se consacrant à l'étude du latin et des Humanités comme on le disait dans une France d'avant... Sa passion de l'Antiquité lui vient très tôt à l'âge de huit ans, quand il découvre un petit morceau d'amphore romaine dans une colline, près de sa maison de famille. Puis, il lit Homère et sa fascination se confirme pour ce monde "aboli". Le professorat lui convient à merveille et il évoque son parcours de chercheur à l'université d'Aix en Provence, à Rome,  puis au Collège de France. Pour les lecteurs qui ne connaissent pas ce milieu scientifique, Paul Veyne se met vraiment à leur portée pour relater ce cheminement professionnel avec une ironie ravageuse. J'ai été aussi très intéressée par le portrait de son ami René Char. Il a par ailleurs écrit un ouvrage sur lui ("René Char en ses poèmes"). Il évoque sa vie intime et familiale avec lucidité,  son militantisme communiste sans grande conviction (il quittera le Parti en 1956).  Il aura traversé lui, le grand historien que l'on croit à l'abri du malheur, des événements tragiques (suicide de son fils) comme le plus commun des mortels. Malgré tout ce qu'il a vécu, Paul Veyne offre à ses lecteurs des leçons de sagesse, il nous communique son goût de la vie intellectuelle et sensible (Il adore la montagne). Son autobiographie se lit comme un roman et comme j'apprends le grec ancien, tout en suivant des cours sur la civilisation gréco-romaine, cet ouvrage ne pouvait que me plaire énormément. Et je lirai dorénavant toute l'œuvre de Paul Veyne surtout  "Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?"... "Cet octogénaire à l'humour ravageur a la jeunesse dans les veines" dit un critique de Télérama. Et il a mille fois raison...