mercredi 27 juin 2018

"Faire mouche"

 Le roman de Vincent Almendros, "Faire mouche" se lit d'une traite. Edité chez Minuit en janvier, il a déjà fait l'objet d'un article élogieux dans le Monde des Livres. Ce troisième roman consacre le quadragénaire d'Avignon, professeur de français dans le civil. Le personnage central s'appelle Laurent. Il retourne dans son village pour assister au mariage de sa cousine et son épouse Constance l'accompagne. Sauf que pour lui, c'est Claire, sa colocataire. Constance a disparu, l'a quitté ou s'est disputée avec lui. Sa mère l'accueille fraîchement pour des raisons non expliquées. Elle manifeste une curiosité quelque peu rustique pour cette Constance qu'elle n'avait jamais rencontrée. La rupture avec ce fils ingrat semble irrémédiable. Les silences de cette famille alourdissent le roman avec des dialogues d'une banalité récurrente. L'écrivain compose le récit avec un effet minimaliste amplifiant les incompréhensions entre les membres de cette famille décomposée. L'écrivain dépose les petits cailloux de la révélation finale au fil des pages. La mère aurait peut-être empoisonnée son mari pour vivre avec le frère de celui-ci. Dans ce milieu rural et rude, les émotions ne se partagent pas. Chaque  personnage se mure dans une solitude glaciale et cache des secrets de familles. La mise en scène des repas représente les seuls moments où les discussions se heurtent à la vérité des sentiments. Personne ne s'aime dans ce village maudit. La rusticité culinaire (langue de bœuf et lapin écorché) de la mère dévoile son manque total d'empathie. Les détails de ce quotidien moisi dans un espace rural moribond produisent un malaise palpable et Laurent qui nous semblait un homme normal, en butte à l'hostilité familiale, bascule dans une réalité horrible à la fin du roman. Tout s'éclaire en une seule phrase et le lecteur(trice) en reste tout ahuri(e). Dans l'article du Monde, Vincent Almendros évoque ses écrivains préférés : Jean Echenoz, Tanguy Viel, Christian Oster (tous édités aux Editions de Minuit) et il ajoute Patrick Modiano : "J'aime les errances, les incertitudes, les livres qui ne sont pas explicatifs, où le lecteur a une part active". Cet écrivain de l'écurie Minuit a écrit un thriller original, bref, percutant et perturbant...