samedi 4 octobre 2014

"Une vie à soi"

Je n'avais jamais lu Laurence Tardieu et je le regrette un peu car son dernier ouvrage, "Une vie à soi" m'a beaucoup intéressée. Elle appartient à une jeune génération d'écrivains qui parlent d'eux-mêmes, de leur vie, de leurs liens familiaux. En littérature, cette écriture personnelle s'appelle "autofiction".
Pour apprécier ce texte autofictif, il vaut mieux se renseigner sur une artiste-photographe, Diane Airbus, car Laurence Tardieu évoque, tout au fil des lignes, ce personnage emblématique en comparant la trajectoire de sa vie avec celle de l'artiste. Elle se trouve une jumelle en création et leurs histoires familiales se croisent : elles ont été élevées dans la bourgeoisie, ont rompu avec leur milieu d'origine pour vivre leur vocation : la photographie pour Diane, la littérature pour Laurence. En pleine crise existentielle, la narratrice entremêle dans son récit des souvenirs d'enfance à ceux de la photographe, se confie sur ce sentiment d'étrangeté commune aux deux femmes. Je cite ce passage : "Pendant toute mon enfance, les frontières mes paraissent infranchissables. Nous nous tenons d'un certain côté, d'autres de l'autre (....). On ne le visite pas, on ne l'explore pas. C'est un autre monde que le nôtre, un monde auquel, d'évidence, on n'appartiendrons jamais." La rêverie prend le dessus quand elle imagine la vie de Diane Airbus et cette empathie-miroir offre des belles pages quand elle la modèle à sa propre image. Ce phénomène de fusion "identitaire" entre la narratrice et la photographe ressemble à une thérapie car Laurence Tardieu se réconcilie avec elle-même et surtout avec sa vocation d'écrivain, vocation encouragée par l'éditeur Jean-Marc Roberts, disparu récemment. J'ai bien aimé la "petite musique" du style, imprégnée de mélancolie, de nostalgie et de gratitude. La rencontre entre ces deux artistes, entre deux mondes (les mots et les images) donne naissance à un beau récit, vrai et sincère... Je vais lire son avant-dernier ouvrage, "La confusion des peines" que j'ai emprunté à la médiathèque pour un éclairage sur les événements qu'elle mentionne dans "Une vie à soi". Un femme-écrivain à suivre.