vendredi 8 décembre 2017

Hommage à Jean d'Ormesson

Cet écrivain français a connu de son vivant la plus belle des consécrations pour un amoureux de la littérature : être publié dans la Pléiade. Côtoyer sur une étagère son mentor, Chateaubriand, et les compagnons (peu de compagnes...) des lettres constituait sa plus grande joie. Je me souviens d'une émission de Léa Salamé sur lui où il racontait qu'il préférait être lu dans deux cents ans plutôt qu'aujourd'hui. Son goût profond et authentique des Classiques lui dictait ces paroles convaincantes. Pourtant, les critiques des puristes exigeants l'ont certainement blessé et le monde universitaire  ne s'est toujours pas penché sur ses œuvres par manque de profondeur, (je suppose). J'ai suivi ce matin l'hommage que lui a rendu le Président de la République. Ce discours sur la France littéraire, sur l'amour des écrivains, du langage, de l'élégance m'a étonnée et m'a rassurée sur la culture française. Il avait déclaré qu'il n'y avait pas de culture française dans un de ses meetings en 2016. Jean d'Ormesson a donc remis notre jeune Président sur le "droit chemin"... Pourquoi cet engouement du grand public pour cet écrivain, noble de naissance, raffiné, cultivé, élégant ? Ses livres sont lisibles, ses livres racontent des histoires, ses livres ont rencontré beaucoup de lecteurs(trices). Mais son succès médiatique dépassait largement la portée de ses écrits. Il symbolisait le charme ancien, la séduction naïve, la politesse exquise, l'esprit goguenard. Sa gentillesse étonnante dégoupillait les velléités agressives de ses contradicteurs. De droite, il parlait avec la gauche. Sa tolérance proverbiale provenait de son profond humanisme. Si j'écris un billet sur lui alors que je ne l'ai pas lu (je vais combler ce manque de curiosité), c'est pour le combat insensé qu'il a mené dans les années 80 pour imposer la candidature de Marguerite Yourcenar à l'Académie française, complétement hostile aux femmes de lettres. Ce geste d'un féminisme courageux et symbolique a ouvert les portes de cette institution au "deuxième sexe" même si elles sont encore ultra minoritaires. Son grand âge qu'il portait magnifiquement prouvait aussi que la vieillesse n'est pas toujours un naufrage. Il aimait la vie et la vie semblait l'aimer aussi... Un grand monsieur des Lettres françaises est parti dans le paradis des écrivain(e)s avec son crayon modeste, mais indispensable pour laisser des traces sur la page blanche de sa nouvelle carrière auprès de ses confrères disparus...