lundi 23 avril 2012

"La littérature française plus rétrograde que jamais ?"

La revue Transfuge du mois d'avril propose un dossier complet sur le caractère rétrograde de la littérature française contemporaine. Les prix littéraires de septembre ont récompensé des romans "historiques" comme celui d'Alexis Jenni, "l'art français de la guerre", une plongée dans les guerres coloniales, celui de Carole Martinez qui se passe au Moyen Age, celui d'Emmanuel Carrère sur le personnage sulfureux russe, Limonov. La revue avait fortement soutenu le roman d'Eric Reinhardt, "Le système Victoria", roman à leurs yeux symptomatique de notre époque, ultra-contemporain, mais ce roman n'a obtenu aucune récompense. Les critiques littéraires et quelques éditeurs donnent leur point de vue sur l'identité plurielle de la littérature. Donc pour résumer tous ces articles fort intéressants et si j'ai bien compris le "message" de Transfuge, il existe trois catégories d'écrivains en France : les nostalgiques du passé ou baptisés "rétrogrades", les réactionnaires du présent et les écrivains-journalistes. Pour les nostalgiques du passé, je trouve le reproche un peu trop "facile". Quand un écrivain se saisit d'une époque ancienne, voire lointaine, qu'il revisite le passé à sa façon, leur imagination peut devenir féconde et passionnante comme le prouve Marguerite Yourcenar dans les "Mémoires d'Hadrien" et dans "L'oeuvre au noir". Le passé est un vivier extraordinaire d'histoires que la littérature exploite avec bonheur. La deuxième catégorie des écrivains réactionnaires est plus délicate à traiter. Il s'agit de Richard Millet, Renaud Camus et Jean Raspail, chantres d'une France qui a totalement disparu. Il vaut mieux les ignorer... Pour les écrivains journalistes, la revue cite évidemment Régis Jauffret qui, dans son dernier roman "Claustria", évoque le monstrueux père de famille séquestrant sa fille pendant des années dans une cave. Cette histoire sordide et tragique n'attire pas un lecteur lambda qui n'a pas une envie "folle" de consacrer des heures de lecture dans un dégoût nauséeux. C'est vrai que la littérature doit jouer un rôle de révélateur dans l'étude des faits divers mais je préfère lire un article de presse ou de revue pour comprendre ce phénomène. Pour revenir à l'avis des critiques de Transfuge, la littérature d'aujourd'hui manque de perspectives, donne une image hétéroclite, brouillée et complexe. Ils défendent la ligne "Houellebecq", une littérature dérangeante et décapante représentée par Céline Minard, Maylis de Kérangal, Régis Jauffret, Jean Echenoz, etc. Pour ma part, je préfère lire que théoriser, je préfère fermer un livre s'il ne me convient pas, je préfère m'enthousiasmer pour un livre même si les critiques ne le portent pas aux nues... L'important quand on lit, c'est de rencontrer des écrivains chez qui on retrouve des "résonances", des affinités, des ressemblances ou des dissemblances, des découvertes, en fait, une pensée, un univers singulier qui nous entraîne dans un questionnement de soi-même pour avancer, mieux vivre et comprendre le monde qui nous entoure... Vive la littérature, je dis mieux, les littératures de tous genres et pour tous les goûts !