vendredi 23 mai 2014

"Notre nom est un île"

Un petit éditeur bien courageux, Editions Bruno Doucey, a publié un tout petit recueil de poésies, signé Jeanne Benameur. Comme j'avais rencontré cette écrivaine à Chambéry dans le cadre du Festival du Premier Roman et que j'avais apprécié ses deux derniers romans, "Les insurrections singulières" et "Profanes", j'ai eu la curiosité de lire Jeanne Benameur poète. L'éditeur définit la poésie dans la préface en la comparant a un espace de liberté : "D'île en île, de visage en visage, de solitude en solitude, la poésie déplace les lignes d'horizon et nous invite à voir le monde autrement. Insurrection singulière et partagée, elle est une espace de liberté que rien ni personne ne peut aliéner." Les poèmes sont écrits avec un langage simple, direct. En lisant ce recueil, j'ai constaté l'absence d'hermétisme, de fioritures, de tournures sophistiquées. Le souffle poétique nous caresse les yeux et le cœur et on se laisse aller devant ses mots tout en absorbant son message, évidemment secret, qui demande une lecture intuitive et émotive. Je me permets d'en citer un :
"De lourds navires à quai
dans nos poitrines
 
Avons-nous navigué ?
Qu'avons-nous vu du monde ?
 
Tout reste à lire
nous le savons
dans l'herbe
dans le sable
sous le pied qui trébuche au caillou
sous l'algue
Il faudrait déchiffrer
tout ce qui est offert
lire l'empreinte
 
Mais nous sommes nous-mêmes empreints.
Et nous sommes ignorants."
 
En fin de recueil, l'écrivaine-poète écrit une postface lumineuse sur l'écriture et j'ai aimé cette phrase : "Parce que j'ai compris, de tout mon être, que l'alphabet est la seule et paradoxale chance qui m'était donnée pour faire lien avec les autres, tous les autres, dans le silence tissé par les mots justes, j'écris."