jeudi 6 août 2020

"Après"

L'écrivaine australienne, Nikki Gemmel, raconte dans son récit autobiographique, l'euthanasie de sa mère en 2015. Pourtant, cette mère n'a qu'une soixantaine d'années. Ancienne mannequin, elle ne supportait plus la dégradation physique et souffrait beaucoup après une opération à un de ses pieds. Sa fille est abasourdie par ce geste et ne comprend absolument pas cette mort brutale par absorption de médicaments. Elle note tous les détails de cette disparition soudaine et imprévisible. Cette femme semblait pourtant attachée à sa famille et à ses petits-enfants. Elayn n'a laissé aucune lettre d'adieu et avait prémédité sa fin en prenant contact avec une association sur l'euthanasie. Une foule de questions reste en suspens et ce récit bouleversant tente d'apporter quelques réponses. La sidération de cet évènement douloureux pose aussi la question de sa relation houleuse entre elle et sa mère : "Quant à son acte. Celui qu'elle s'est infligé à elle-même. Ainsi qu'à nous. Je deviens folle. Je me brise en éclats. Je ne suis pas réparable. Jamais, non". La narratrice évoque ses regrets concernant sa mère. Elles se heurtaient souvent et ne se parlaient pas assez : "Oh oui, nous la connaissions bien, cette vieille ennemie qui s'installait entre nous de temps à autre : la Grande Retenue. Elle nous dévastait". Pourtant, après des décennies de "frustration, de fureur, de regards hautains et de coups de tête", mère et fille avaient baissé la garde après ces années conflictuelles. Nikki Gemmel raconte la vie de cette femme singulière : elle ne voulait pas d'enfant, a divorcé, voulait se consacrer entièrement à sa carrière de mannequin. Une femme en avance sur son temps. Elle prend conscience qu'elle ne connaissait pas vraiment la jeunesse de sa mère, son environnement familial où elle était la dernière survivante. A quarante ans, Elayn a commencé sa nouvelle vie, une vie indépendante en s'achetant un appartement à Sydney et elle avait trouvé un poste de secrétaire. Sa fille écrit : "Parce que dans le grand bal des revirements de situation, la belle, la fougueuse, l'énigmatique Elayn Gemmel régnait en maître absolu". Ce récit lucide n'épargne pas la personnalité d'Elayn et pose de multiples questions sur les relations familiales, surtout celle de mère-fille. La mort voulue bouscule les certitudes de la narratrice : pourquoi l'amour ne retient  sa mère près d'eux ? Ce journal de deuil aborde des questions graves et profondes sur la famille, l'euthanasie, sur le remords, sur la résilience. A la fin de l'ouvrage, l'écrivaine dialogue avec des lecteurs(trices) qui ont vécu le même drame. Evidemment cette lecture assez difficile ne correspond pas à la légèreté légendaire de la période estivale. Mais, la littérature ne tient pas compte des saisons...