mardi 15 septembre 2015

"Il faut tenter de vivre"

Dans les nouveautés de la rentrée, j'ai découvert Eric Faye et son roman "Il faut tenter de vivre" aux éditions Stock. Le narrateur, écrivain lui-même, raconte la vie chaotique de Sandrine Broussard, la sœur d'un ami. Il mène une enquête sur ce personnage romanesque et pose sans cesse des questions sur ce destin atypique et évanescent. La fascination de l'écrivain pour cette héroïne en creux ressemble à une recherche éperdue de la vérité sur une personnalité ambiguë.  Qui est Sandrine Broussard ? Que suis-je vraiment ? Quels sont les masques portés dans nos vies ? La jeune femme a choisi le chemin périlleux de l'arnaque à petite échelle. Avec un compagnon de fortune, elle organise des plans foireux : des petites annonces pour piéger des hommes esseulés, des fausses locations de maison en bord de mer, des abus de confiance. La justice la rattrape et la conduit en prison. Une fois sortie, elle se refugie dans une boîte à filles faciles et sa tenancière lui ordonne de dépouiller ses clients. Elle rencontre un habitué âgé qui va enfin la sortir de sa galère en l'installant dans un appartement. L'écrivain veut saisir l'énigme que représente cette femme perdue et instable. Il  établit un parallèle entre son existence rangée d'homme dit "normal" et celle de son personnage atypique. Je cite quelques "sentences" : "Je me dis que la vie n'est pas une affaire de clarté, mais plutôt de ténèbres", "D'erreur en erreur, nous errons", "Je m'apercevais qu'elle avait concrétisé un de mes plus vieux rêves : percer le secret de l'apesanteur, flotter dans un temps différent de celui de la société". Eric Faye dresse un portrait d'une femme dont la marginalité l'attire et l'obsède. Chaque lecteur(trice) peut se faire une opinion différente de cette femme qui refuse l'ennui d'une vie réglée et sécurisante. Ce personnage peut symboliser une liberté extrême mais au détriment des autres qu'elle arnaque. Sandrine Boussard est-elle une héroïne à la Bonnie and Clyde ou une femme facile, volage, peu fiable, sans volonté de changer sa vie marginale ? Eric Faye essaie de donner une dimension héroïque à Sandrine si courageuse de vivre une existence en "apesanteur"... Si Eric Faye a choisi ce titre, "Il fait tenter de vivre" comme le dit Paul Valery dans son poème, il semble peut-être nous dire que chaque existence ne peut qu'être une ébauche, un essai, une tentative  une voie sans issue, comme celle de cette Sandrine, si banale au fond...