vendredi 22 mai 2015

Rubrique cinéma

Le film d'Emmanuelle Bercot, "La tête haute" mérite vraiment le détour. En ces temps un peu frais de la fin mai, aller au cinéma semble une belle alternative au mauvais tempo du printemps. J'aime bien le cinéma à caractère social, économique et politique et "La tête haute" correspond tout à fait à cette catégorie. Pas d'esthétisme gratuit, pas de grand spectacle, pas de luxe, aucun personnage de rêve, un sujet dur et âpre, le spectateur reste pourtant accroché tout au long de ce long métrage qui raconte la vie difficile, voire insupportable de Malony, un garçon de Dunkerque, à la dérive. Les premières images résument l'objectif de la réalisatrice. La juge pour enfants, interprétée par Catherine Deneuve, reçoit la mère adolescente et infantile de Malony et d'emblée, cette jeune maman, dépassée par sa maternité anarchique et inconsciente, abandonne son garçon qu'elle ne veut plus élever. Cet enfant perdu n'a pas de père, n'a aucune référence familiale solide et aimante. On le retrouve adolescent, dix ans plus tard et la spirale de la violence démarre à un rythme infernal. Le jeune comédien, Rod Paradot, à fleur de peau, interprète à merveille, le type de l'adolescent bouillonnant, nerveux, contracté, noué, toujours animé d'une rage autodestructrice. Il vole des voitures et agresse les conductrices. La juge pour enfants montre une patience incroyable devant ce garçon sauvage et inéducable. Elle le place dans un centre fermé où les bagarres, les conflits, les relations entre les jeunes délinquants sont leur seule forme de communication. Ils ne parlent pas, ils se battent pour régler leurs problèmes. L'éducateur, joué par Benoît Magimel, encadre Malony, le calme, le soutient, devient son deuxième référent solide après la juge. La mère aussi immature que son fils, donne une image déplorable de la pauvreté matérielle, de la misère intellectuelle et de l'amour-haine qu'elle ressent envers ses enfants. Malony ne reçoit rien en héritage... Et ce n'est pas étonnant que le manque de repères l'empêche de grandir "normalement". Il commence à murir quand il rencontre une jeune fille, touchée par le mal être du garçon. Cette relation amoureuse et un projet professionnel vont peut-être lui apporter enfin un ancrage apaisé dans la réalité. L'immense patience et la belle générosité des deux adultes représentant la justice et l'état, apportent les seules notes optimistes et chaleureuses dans ce film sombre et traversé par la violence de Malony, l'immaturité de sa mère, la misère d'une frange de la société française. Un film coup de poing comme le "Mommy" de Xavier Dolan. A voir, évidemment...