vendredi 30 août 2013

"Journal 1973-1982"

J'ai toujours été intéressée par les journaux intimes écrits par des écrivains. J'ai dans ma bibliothèque les journaux de Kafka, Virginia Woolf, Ramuz que j'ouvre de temps en temps et qui révèlent la vraie personnalité de ceux qui consacrent leur vie à l'écriture, la lecture et à la littérature. J'ai retrouvé dans le journal de Joyce Carol Oates ce sentiment d'intimité profonde, de communication sans fard et de lucidité sans concession. Cette immense écrivaine américaine, (qui n'a toujours pas obtenu le Prix Nobel de littérature alors qu'elle le mérite vraiment) entreprend l'écriture du journal à l'âge de 34 ans de 1973 à 1982. Elle concentre son énergie et sa fièvre pour évoquer sa vie littéraire, ses romans, nouvelles et poèmes qu'elle écrit tous les jours à heures régulières, ses rencontres avec des écrivains, son métier de professeur de littérature à l'université de Princeton. J'ai lu tellement de romans de JC Oates que lire la genèse de ces textes m'a vraiment étonnée. Elle vit dans l'obsession de ses personnages, comme s'ils faisaient partie de la "vraie vie", élaborent des généalogies, rêvent d'eux la nuit, imaginent leur psyché qu'ils soient homme ou femme... Joyce Carol Oates ou l'imagination créative par intuition, sensation, persuasion. Qu'elle parle de ses lectures quotidiennes, de son couple, de ses relations amicales et professionnelles, des voyages, des instants de sa vie quotidienne entre actes d'écriture, exercices de piano, repas, repos, balades en vélo et course à pied dans un coin de verdure de Princeton, elle ne tombe jamais dans la banalité et l'ennui. Elle nous ouvre sa vie intime en toute amitié et ce journal peut séduire évidemment les fidèles de son œuvre romanesque d'une puissance littéraire qui ne laisse pas indifférent. Je la cite : "Simplement être ici, à la maison, avec nos livres, nos objets, notre bois, notre jardin, notre travail ; ne plus avoir à être, ni à jouer "JOC" ; libérée des déjeuners, réceptions, dîners cérémoniels... J'ai une passion pour la vie privée, et pour l'anonymat ; peut-être même l'invisibilité. Pourvu que cela dure longtemps..." . Joyce Carol a aujourd'hui plus de 80 ans et un long chemin pavé de textes innombrables : j'avais beaucoup aimé son journal, "J'ai réussi à rester en vie", en 2011 où elle raconte la disparition subite de son mari. Son œuvre est considérable (plus de 70 romans depuis 1973), parfois géniale, parfois inégale. Un journal d'écrivain à savourer.

mardi 27 août 2013

Rubrique cinéma

Temps nuageux et gris "rentrée" sur Chambéry ce mardi 27 août, direction le cinéma l'Astrée, séance de 14h30. J'ai vu "Le prochain film" de René Ferret, Ovni non identifié, du cinéma français. Le comédien principal, Frédéric Pierrot, apporte au film toute une dimension intimiste, confidentielle et le spectateur(trice) participe à cette mise en scène en création, en préparation, avec des hésitations, des soubresauts. J'ai lu la très bonne critique du film dans le Monde du 21 août après l'avoir vu. Il ne se passe pas grand chose, pas d'action, pas de drame, pas d'accident, presque rien mais ce "rien" concerne le milieu du cinéma, d'un certain cinéma artisanal, celui de René Ferret à qui on doit une filmographie importante. Ce cinéma d'auteur possède un charme particulier, singulier et même attachant de nos jours à l'heure des films mastodontes américains ou des films avec  des acteurs célébrissimes. L'histoire de deux couples semble être le fil conducteur avec le thème récurrent de la fratrie. Un réalisateur veut mettre en scène une comédie avec son frère. Ce projet piétine dans une certaine langueur. Des scènes sur leur vie quotidienne se déploient entre le couple du réalisateur et celui formé par son frère et une éditrice. La complicité des deux frères vacille lors de répétitions et l'incompréhension s'installe. En fait, il faut se laisser séduire par l'atmosphère intime du film, les relations entre les deux frères, leurs compagnes souvent mélancoliques, les enfants présents, le milieu professionnel indifférent. René Ferret nous murmure qu'il est "difficile d'être pleinement heureux". Chaque personnage possède une fragilité, un doute et une incapacité à réaliser ses rêves : un film comique pour le réalisateur, un rôle léger pour son frère, etc. Un film sur le cinéma français, un certain cinéma français d'une sobriété originale.

lundi 26 août 2013

"Leçons de solfège et de piano"

J'ai trouvé en librairie un tout petit livre en format poche de Pascal Quignard édité chez Arléa en mai 2013. Ces "Leçons de solfège et de piano" est le titre d'une conférence donnée par l'écrivain en 2010 à la Bibliothèque nationale. Pascal Quignard relate une anecdote familiale concernant un jeune garçon, Louis Poirier, alias Julien Gracq, qui a suivi des leçons de piano données par une de ses grands-tantes.  Cette relation entre lui et le Grand Ecrivain a marqué sa famille car Julien Gracq a relaté cette éducation musicale plutôt raté dans un de ses livres. Ces textes-conférences apportent un éclairage sur la "vie secrète" de Pascal Quignard. J'ai surtout retenu ce passage qui résume sa passion totale  pour la littérature et la musique : "J'appartiens à une lignée de professeurs du côté de ma mère, une lignée de musiciens du côté de mon père. Je n'ai jamais songé à me hisser socialement parce que cela - être lettré, être musicien- me paraissait le plus haut du monde. (...) Je suis peut-être devenu écrivain mais je n'ai jamais songé à "devenir écrivain". Lire dans mon coin était le but de mes jours et en ce sens j'ai réussi ma vie puisque c'est toujours le dessein que je forme quand je me lève et que je pousse les volets dans la fin de la nuit." Quand je lis des phrases comme celle que je viens de citer, je ne peux qu'admirer cet écrivain, toujours aussi passionnant à lire...

vendredi 23 août 2013

"Un concours de circonstances"

Amy Waldman était journaliste pendant dix ans pour le New York Times et elle a donc couvert les événements du 11-Septembre 2001 quand les Tours se sont effondrées. Elle a exploité cet acte de terrorisme en écrivant son premier roman, "Un concours de circonstances" en 2011 et paru chez L'Olivier en 2012. Paru cet été en poche Points du Seuil, j'ai voulu découvrir cette nouvelle voix de la littérature américaine. Le sujet s'avérait assez ardu à traiter : le choix d'un musulman dans un concours d'architecture pour choisir le monument qui rendra hommage aux milliers de victimes. Amy Waldman expose dans une mosaïque de personnages les réactions des opposants au projet choisi et des jurés qui ont voté pour Mohammad Khan. Le talent de la romancière prend toute son ampleur dans cette symphonie de voix. La polémique s'emballe avec l'influence des médias : l'architecte défend son œuvre avec obstination et ne veut pas justifier de son choix. Il se sent avant tout américain et ne comprend pas l'opposition acharnée des parents des disparus qui ont subi la perte de leur frère, fils, père dans l'attentat.  Les politiques se veulent prudents et attentistes. Les jurés basculent aussi dans le doute sur les intentions de l'architecte. Son jardin-paradis est-il influencé par la religion musulmane ?  Les points de vue s'affrontent, le débat s'envenime et l'architecte finit par abandonner le projet par orgueil. Ce roman très contemporain avait été choisi par la revue Lire comme le meilleur livre étranger en 2012. Il est assez rare dans l'univers littéraire de saisir un événement aussi sensible encore aujourd'hui et d'imaginer un scénario polémique sur la très délicate question du terrorisme islamiste. Amy Waldman a toutes les audaces dans son écriture et dans la construction polyphonique du roman. A découvrir...

jeudi 22 août 2013

Rentrée littéraire

Quand le mois d'août se termine en douceur avec une chaleur plus agréable, la rentrée s'approche, surtout pour les millions d'élèves et d'étudiants qui vont se remettre au travail "intellectuel". Pour moi, la fin de l'été ne ressemble plus à une rentrée traditionnelle quand je travaillais dans une bibliothèque universitaire. Plus de rite de reprise, de retrouvailles avec des collègues, de longues réunions d'équipe : ma vie de retraitée me semble "délicieuse" mais il ne faut pas trop le dire aux actifs pour ne pas les décourager... Je peux donc me consacrer à "ma rentrée", celle de la vie littéraire qui déferle en vagues successives jusqu'en octobre. Ce matin, la revue Lire est arrivée dans ma boîte à lettres et je l'ai feuilletée avec une certaine délectation pour découvrir les romans nouveaux au nombre hallucinant de 555 ! Les hebdos, les revues spécialisées, les quotidiens vont nous informer sur les arrivants, les délirants, les revenants, les décevants, les déprimants... J'ai déjà noté quelques pépites littéraires à suivre : Richard Ford, Laura Kasischke, Louise Erdrich, Nancy Huston pour citer les écrivains que je lis depuis longtemps. Voilà ma belle rentrée de septembre : des romans et des essais, à lire et à découvrir durant les mois à venir, des moments de lecture qui, je l'espère, tiendront toutes leurs promesses.

mardi 20 août 2013

Rubrique poésie

J'ai fouillé ma bibliothèque pour choisir le poème du mois  et j'ai trouvé le double recueil de Haiku, publié chez Gallimard dans la collection Poésie. La première anthologie concerne les poètes du XVIe siècle au XXe siècle et la deuxième anthologie traite des poèmes courts d'aujourd'hui. Les haikus sont des poèmes brefs, constitués de trois vers, pour traduire le moment présent, à la fois fugace et éternel. Ces  anthologies sont présentées et traduites par Corinne Atlan et Zéno Bianu. Ces deux traducteurs définissent les haïkus ainsi : "Ces quelques syllabes ouvrent un espace de naissance infinie que la lecture échoue à épuiser. Un espace de pure intensité mentale." Classés par saison, j'ai relu les haïkus de l'été et voilà ma sélection, brève comme il se doit, pour cette forme poétique :

"Fraîcheur du vent -
la voix des pins
emplit le ciel vide"
Ueshima Onitsura

"Rien qui m'appartienne -
sinon la paix du cœur
et la fraîcheur de l'air"
Kobayashi Issa

"Difficile de mourir
difficile de vivre -
lumière de fin d'été"
Mitsuhashi Takajo

lundi 19 août 2013

"La Note secrète"

Ce roman de l'écrivaine italienne Marta Morazzoni se lit avec beaucoup d'intérêt tellement il mêle divers éléments romanesques : une nonne à la voix de contralto, un noble anglais diplomate, une passion interdite, le cadre historique du XVIIIè à Milan dans un couvent et la musique sacrée. Paola Pietra, une jeune fille de l'aristocratie, est contrainte de prendre le voile et sous la protection d'une sœur musicienne, elle révèle un don, "une note secrète", en interprétant le Stabat Mater de Pergolèse. Sa voix attire les fidèles dans l'église du couvent de Sainte-Radegonde. Un jour, Paola s'évanouit et John Breval, le diplomate, lui porte secours. Leur passion commune va naître et la fuite de Paola est orchestrée par le diplomate. Le roman, tiré d'un fait réel, raconte cette folle escapade pour la liberté et l'amour. John Breval est pourtant marié et père de deux enfants. L'Eglise anglicane admet le divorce mais Paola est liée par les vœux perpétuels de son engagement au Christ. Le couvent, à l'époque, devait certainement recevoir des milliers de sœurs qui n'avaient peut-être pas toutes cet esprit de sacrifice et de renoncement à la vie. Paola choisit le risque et l'aventure pour rejoindre son amant. Elle s'embarque dans un bateau marchand vénitien en passagère clandestine. Va-t-elle retrouver son amant à Marseille ? Vont-ils vivre ensemble ? La Mère supérieure va-t-elle renoncer à sa sœur perdue ? La littérature propose des voyages dans le temps et celui-ci mérite vraiment le détour. Et en plus, si vous aimez  le Stabat Mater de Pergolèse, découvrez "La Note secrète" en plein cœur de l'été dans la fraîcheur d'un couvent italien...

jeudi 15 août 2013

"La promesse du bonheur"

Voilà un très bon roman pour les vacances : "La promesse du bonheur", une saga familiale écrite par un écrivain anglais, Justin Cartwright, éditée chez Jacqueline Chambon en 2012. La famille de Charles Judd traverse une crise sans précédent : leur fille Juliet sort d'une prison américaine après avoir commis un acte frauduleux concernant un vol de vitrail. Cet épisode douloureux va provoquer une série d'événements qui va "bousculer" cette famille traditionnelle anglaise. L'épouse de Charles se réfugie dans l'élaboration des plats cuisinés. Le frère de la fratrie, Charly, va aider sa sœur à se libérer des conséquences de son emprisonnement et la ramener à une vie "civile" normale. Daphné, restée à Londres, s'adonne à la drogue et vit de petits rôles dans la publicité. Elle rompt avec son amant infidèle et rejoint sa famille dans les Cornouailles pour fêter le retour de sa sœur. Charly va aussi découvrir son désamour pour sa fiancée enceinte alors qu'il se marie avec elle. Le père vit mal sa retraite car le travail de comptable lui manque et il n'a pas supporté l'épisode américain de Juliette. Ce roman anglais décrit les problèmes d'une famille dite normale de la classe moyenne anglaise et traite avec ironie et lucidité les travers de chaque membre : lâcheté et égoïsme du père, mutisme et passivité de la mère, dynamisme et affairisme du frère, futilité et légèreté de Daphné et malhonnêteté imprévisible de Juliette. Mais que le lecteur se rassure, cette famille quelque peu décomposée, va retrouver son harmonie quand ils vont enfin se "parler" et se "comprendre" dans leur maison de campagne.  Un bon moment de lecture...

mardi 13 août 2013

Rubrique cinéma

J'ai vu cet après-midi un film français de François-Xavier Vives, "Landes". Comme je suis originaire du Sud-Ouest, côté Pays Basque, le département limitrophe ne m'est pas inconnu et j'avais envie de revoir la forêt landaise avec ses pins filiformes s'élançant dans le ciel comme des cierges d'église. Je n'ai pas été déçue. Marie Gillain incarne un beau personnage de "patronne", héritière de 8 000 hectares de bois à la mort de son mari. Dans les années 20, il n'était pas bon d'être un paysan landais ou un récoltant de résine, les damnés de la terre landaise, exploités par les riches propriétaires du département. Le film raconte l'histoire d'une jeune veuve fascinée par l'installation de l'électricité  dans son domaine alors qu'il existe d'autres priorités concernant la vie décente de ses métayers. Ce drame social évoque une certaine lutte des classes peu connue en France, avec l'irruption d'un syndicalisme sans concession face à une bourgeoisie terrienne digne du Moyen Age. Liéna, la jeune veuve se bat pour exister dans ce monde rural archaïque et comprendra en visitant une ferme la misère de ses paysans. Des images sur la forêt landaise et sur les plages rythment le récit qui se développe avec une lenteur voulu en ces temps d'avant l'électricité. Je ne dévoilerai pas la fin de l'histoire qui donne envie de se documenter sur les luttes des récolteurs de résine, appelés gemmeurs ou résiniers au début du siècle, sur la forêt aussi avec ses étangs, ses ciels gris et bleus, sa beauté nostalgique. Un beau portrait de femme et des... Landes.  

lundi 12 août 2013

"Quattrocento"

Stephen Greenblatt est professeur de littérature anglaise à Harvard University et spécialiste incontesté de Shakespeare. Le livre qu'il nous propose, "Quattrocento", tient du document historique qu'un lecteur bibliophile ne peut qu'apprécier. Pourtant, on pourrait craindre une érudition arrogante, étouffante et austère en parcourant le résumé : la découverte d'une copie de Lucrèce, "De rerum natura" par un grand humaniste florentin en 1417, Poggio Bracciolini (1380-1459), dit Le Pogge. Lire l'histoire d'un ouvrage de l'Antiquité, ce manuscrit de Lucrèce, dormant depuis plus de mille ans dans un monastère allemand ne fait pas partie des lectures estivales plutôt légères et souvent futiles. Mais, j'ai voulu aller à l'encontre de la paresse intellectuelle et je me suis lancée sans appréhension dans ce livre original et atypique. Stephen Greenblatt a vraiment un don de pédagogie et d'empathie pour son lecteur(trice) tout simplement curieux. Et  la surprise intervient au fur et à mesure au fil des pages. Il est question de nous éclairer, dans le sens lumineux du mot, sur le rôle d'un philosophe comme Lucrèce qui a le premier inventé le concept "d'atomisme", (le monde étant constitué d'atomes), idée révolutionnaire car matérialiste dans un monde dirigé par les dieux grecs et romains dans l'Antiquité et par le monothéisme plus tard. Pour comprendre deux mille ans d'histoire, en particulier la Renaissance, il faut lire ce bijou d'érudition jamais ennuyeux et parfois même passionnant sur le rôle de l'écriture, des copies de manuscrits de l'Antiquité, des moines dans les abbayes, des bibliothèques, des schismes religieux, de la Papauté, des nobles et des intellectuels du Moyen Age. Le Pogge avait la passion du latin, pourchassait les manuscrits rares, traversait l'Europe pour admirer une bibliothèque privée, traquait la vérité dans l'écriture des anciens. Sa vie mouvementée ne peut qu'intéresser les amoureux de l'histoire des livres. Il m'a donné envie de découvrir Lucrèce et le pouvoir "révolutionnaire" d'un seul livre "De la nature", premier pas vers la "libre pensée"... un grand bond de l'humanité sur le choix de croire ou de ne pas croire en Dieu (ou dieux païens) !

Revue de presse

Le Magazine Littéraire du mois d'août propose comme l'an passé un deuxième dossier sur les dix grandes voix de la littérature étrangère.  Quatre écrivaines sont donc à l'honneur : Zadie Smith de Grande-Bretagne, Lidia Jorge du Portugal,  Alice Munro et Laura Kasischke des Etats-Unis. J'ai souvent recommandé Laura Kasische dans l'atelier de lecture que j'anime et ces romans sont souvent forts et dérangeants, déroutants et décapants ! Zadie Smith, née d'un père britannique et d'une mère jamaïcaine, est aussi une voix qui compte en Europe et sa voix "métisse" résonne dans l'univers littéraire. Pour les hommes, la revue a choisi Richard Powers et John Irving des Etats-Unis, Enrique Vila-Matas d'Espagne, Orhan Pamuk de Turquie, Arnaldur Indridason d'Islande, Mo Yan de Chine. Pour ma part, j'apprécie beaucoup les écrivaines citées et du côté masculin, j'avoue que je connais très bien Enrique Vila-Matas dont l'œuvre singulière me fascine depuis de nombreuses années. La revue poursuit son chemin "pédagogique" pour faire connaître la littérature "planétaire" dans un éclectisme subtil. Le rêve d'une humanité réconciliée dans les valeurs universelles se retrouve dans ce numéro exceptionnel de l'été, un hommage à ces écrivains majeurs qu'il faut découvrir et lire après avoir lu les articles qui leur sont consacrés. Avant de connaître les nouveautés de la rentrée, la pause estivale permet de découvrir des écrivains que l'on prend enfin le temps de lire... Un numéro à ne pas manquer et à conserver.

lundi 5 août 2013

"Les oreilles de Buster"

"J'avais sept ans quand j'ai décidé de tuer ma mère. Et dix-sept ans quand j'ai finalement mis mon projet à exécution" : voilà la première ligne de ce roman écrit par une écrivaine suédoise, Maria Ernestam en 2006 et publié dans la collection Poche Babel d'Actes Sud en 2013. Eva, le personnage central, mène une vie agréable auprès de Sven, de quelques amies et de sa fille Suzanne. Elle entreprend l'écriture de son journal intime pour raconter son présent harmonieux et son passé douloureux. Le portrait de sa mère, une non-mère à vrai dire, frivole, cruelle et égoïste, constitue l'essentiel du roman. La relation ambiguë et démoniaque de la petite fille délaissée avec cette fausse mère entraîne le lecteur dans un huis-clos étouffant et quelque peu dérangeant. Eva, elle-même, mère et grand-mère, amie fidèle et dévouée, possède bien deux facettes : une socialement satisfaisante et une intime en proie à la haine et à la désillusion. Sa face noire qu'elle nomme son "chevalier de pique" rend le personnage attachant et troublant. Dans sa jeunesse, Eva rencontre un jeune homme anglais, marin de son état, qu'elle va passionnément aimé. Mais cette relation amoureuse ne se réalisera pas. Pour maintenir le suspens, je ne dévoilerai pas l'issue de l'histoire : va-t-elle mettre à exécution le funeste plan de supprimer sa "génitrice" ? Qui est Sven ? Se remet-on d'une mère indigne ? Ce roman se lit comme un policier psychologique à la "suédoise"... Un très bon poche pour l'été.