mardi 17 décembre 2019

Rubrique cinéma

Dans son dernier film, "Une vie cachée", Terence Malick film la nature comme s'il filmait le paradis terrestre. Son personnage principal, le fermier Franz Jagerstatter et sa femme Fani vivent dans une région d'Autriche en pleine montagne. Le petit village Sainte Radegonde symbolise la paix sur terre, l'amour partagé, une vie communautaire harmonieuse, une nature édénique. Le couple donne naissance à trois filles et la sœur de Fani vient vivre avec eux. Mais la folie de l'hitlérisme n'épargne pas ce petit village. Des images d'archives ponctuent le film avec la figure d'Hitler et l'effervescence incompréhensible de la foule acclamant le dictateur. On sait bien que les Autrichiens eux-mêmes se sont empressés d'adhérer au national-socialisme. Franz montre déjà son peu d'enthousiasme pour cette idéologie mortifère. Il faut dire que son identité chrétienne caractérise le comportement de cet homme simple et honnête. Il part faire ses classes comme tous les hommes de son âge mais il commence à résister contre cette folie en évitant le serment d'allégeance au Führer. Dans son village, il se fait remarquer et ostraciser. Des passants lui crachent dessus et montrent leur haine viscérale contre tous ceux qui font sécession. Plusieurs interlocuteurs tentent de le dissuader comme l'évêque qui lui conseille de se soumettre aux autorités et de se battre pour la patrie. Il reçoit une lettre qui le convoque à nouveau pour intégrer l'armée et Franz dit non, en toute innocence et en toute simplicité. Sa conscience lui dicte sa conduite. Il est emprisonné à Berlin. Un procès lui donne une dernière chance de vivre, s'il renonce à son refus de signer son allégeance. Il persiste et il choisit la mort. Il sera décapité. La droiture morale de Franz est sans faille malgré l'amour qu'il porte à sa famille. Ce film s'est inspiré de l'histoire vraie d'un fermier modeste qui a sauvé son honneur en disant non. L'Eglise s'est emparée de ce héros catholique pour le canoniser. Une phrase de George Eliot, projetée sur l'écran résume le destin de cet homme exemplaire : "Si les choses ne vont pas aussi mal pour vous et pour moi qu'elles eussent pu aller, remercions-en pour une grande part ceux qui vécurent fidèlement une vie cachée". La bande sonore est particulièrement belle avec des extraits magnifiques (Bach, Haendel, Arvo Part) et la beauté des images forme une élégie pour l'esprit de résistance contre l'esprit moutonnier,  le courage d'être soi contre la dilution de son soi. Du cinéma sérieux, grave et teinté de spiritualisme.