mardi 15 novembre 2022

Escapade à Paris, 3

 Je suis "montée" à Paris pour Haendel au Théâtre des Champs Elysées, pour Munch à Orsay et aussi pour une exposition qui était annoncée depuis un an au Louvre et je ne voulais en aucun cas la manquer. Dans mes engouements récurrents, j'avoue que je suis fascinée par les Natures Mortes. Dès que je visite un musée, je me renseigne sur la localisation de ces peintures que l'on baptise aussi "still-life", vanités, vie silencieuse, nature reposée ou inanimée. Que trouve-t-on en particulier dans ces tableaux ? Du gibier, des objets, des fruits et des légumes, des livres, de la vaisselle, des fleurs, des coquillages, des instruments de musique, en résumé, en deux mots, des Choses. Le Louvre a intitulé sa grande exposition "Les Choses". L'hommage du Louvre envers ces œuvres parfois oubliées et souvent considérées comme un genre mineur met à l'honneur la vie quotidienne dans toute sa beauté retrouvée. L'humanité s'est toujours entourée d'objets depuis l'origine. Le peintre ordonne l'image des choses dans une intention quasi philosophique. Cette mise en ordre dans le désordre du monde ne peut que convenir à mon esprit de bibliothécaire. Le genre "Vanité" livre son message "memento mori", ou "n'oublie pas que tu vas mourir". Sage précepte. A travers ces "choses" de l'exposition, j'ai vu les peurs et les angoisses des artistes sur la place qu'elles occupent dans nos vies. Aujourd'hui, on pense à la surconsommation et au gaspillage. La commissaire de l'exposition, Laurence Bertrand Dorléac, a choisi 170 natures mortes de l'Antiquité à nos jours. Heureusement, dès le matin, j'ai regardé en toute quiétude, les œuvres présentées sans la bousculade d'Orsay. Chaque tableau, chaque sculpture, chaque objet rappelle la fragilité et la brièveté de l'existence humaine. Evidemment, de très belles vanités avec le crâne exposé symbolise notre finitude. J'ai remarqué une composition subtile de Louise Moillon,  "Coupe de cerises, prunes et melon", une femme artiste tellement rare dans le monde de l'art à son époque. J'ai retrouvé avec joie un Morandi avec des bols d'une banalité rare mais qui distillent un message philosophique teinté d'une douce mélancolie,  Van Gogh et sa chambre d'Arles, toute modeste, Lubin Baugin et sa nature morte à l'échiquier, l'asperge de Manet, Chardin, Chirico, Dali et tant d'autres artistes aussi percutants que les cités. Cette exposition exceptionnelle m'a littéralement enchantée et j'ai arpenté l'espace à deux reprises tellement sa mise en scène était elle aussi artistique. Des citations d'écrivains complétaient l'exposition et des panneaux pédagogiques sur ce genre pictural éclairaient avec intelligence la démarche des artistes. Je citerai Robert Musil : "Aucun objet, aucune personne, aucune forme, aucun principe, ne sont sûrs, tout est emporté dans une métamorphose invisible, mais jamais interrompue". Je savais que je me plongerai vite dans le magnifique catalogue de l'exposition pour revivre cette visite magique. Avant de quitter le Louvre, j'ai  salué amicalement la Vénus de Milo, revu la galerie de la peinture italienne (dont je ne me lasserai jamais), l'art grec, évidemment où je voulais revoir la stèle funéraire adorable de deux femmes qui s'offrent une fleur, datée de 500 ans av. J.-C. Ce musée ressemble à un immense espace de rêve, du sublime où chacun peut établir en toute liberté un lien privilégié avec l'Art et pour un prix symbolique.