vendredi 28 décembre 2012

Lectures, bilan 2012

Je termine l'année en dressant la liste des 10 meilleurs livres de l'année 2012, liste évidemment subjective, injuste pour tous les très bons livres que je n'ai pas découverts cette année. C'est difficile pour moi de choisir 10 titres parmi les 90 vraiment lus de la première à la dernière page. Il m'arrive d'abandonner la lecture au bout de 20, 30 pages. Je m'obstine parfois en me conduisant comme une lectrice consciencieuse, sérieuse, appliquée, studieuse même. Mais j'abandonne quand même en me disant que d'autres écrivains(es) m'attendent sur ma table de chevet... Je reviendrai plus tard vers mes "délaissés" car le moment de la rencontre n'est pas advenu. Pour l'année 2012, voici donc mes préférés :
1. Les Solidarités mystérieuses de Pascal Quignard, l'amour fou d'une femme inconsolable,
2. Les Désarçonnés de Pascal Quignard, comment vivre après une chute ?
3. Némésis de Philip Roth, son dernier roman car Philip Roth arrêterait la fiction, je n'y crois pas,
4. Les Lisières d'Olivier Adam, le grand roman de la dépression, mais quel souffle...
5. Le sermon sur la chute de Rome de Jérôme Ferrari, roman de la génération des rêves perdus,
6. Autobiographie des objets de François Bon, œuvre originale, mémorielle, émouvante,
7. Pourquoi être heureux quand on est normal ? de Jeanette Winterson, une autobiographie décapante sur la différence sexuelle,
8. La survivance de C. Hunzinger, surprenant, ce couple en Robinson des Vosges, amoureux de nature et de livres,
9. Le jeu des ombres de Louise Erdrich, une histoire d'amour invivable et belle malgré tout,
10. L'herbe des nuits de Patrick Modiano, un très beau roman sur le temps qui passe...
En terminant cette liste, j'ai choisi sept romans français et 3 étrangers, ce qui est assez surprenant car je lis davantage de littérature étrangère que nationale. Je n'ai pas mis de littérature policière, ni d'essai, ni de poésie car j'ai privilégié la fiction.

jeudi 27 décembre 2012

Cinéma, bilan 2012

Hier, j'évoquais le charme insoupçonnable des séries. Aujourd'hui, je vais établir la liste de mes 10 films préférés sur les 26 vus en 2012, une moyenne de 2 par mois :
1. Les Invisibles, enfin un film documentaire sur la tolérance, la différence, la dignité des Homos,
2. Amour, avec Trintignant, royal et Emmanuelle Riva, poignante d'humanité, sur la vieillesse et son naufrage,
3 .80 jours, film basque, original, atypique, formidable, l'amour raté par conformisme,
4. La Petite Venise, film italien adorable, sur une communauté de pêcheurs loin des touristes de San Marco,
5. Love with Rome, comment ne pas aller voir le dernier Woody Allen ?
6. Dans la maison, pour Fabrice Lucchini et la puissance de la fiction dans la vie,
7. Albert Nobbs, film anglais, sur la difficulté d'être femme au début du siècle,
8. Cherchez Hortense, film français, sympa, pour Bacri, l'éternel déprimé,
9. Thérèse Desqueyroux, pour les Landes et la libération d'une femme, loin du carcan social,
10.Barbara, film allemand, ascétique, encore le portrait d'une femme en quête de liberté.
J'espère que l'année 2013 me réservera de bonnes surprises... Je remarque que je ne cite aucun grand succès du cinéma mondial, comme le dernier James Bond, ou les derniers thrillers américains.  J'ai toujours préféré les petites productions comme les petites librairies et les petites bibliothèques. Mon goût pour la "minorité" m'habite depuis toujours...

mercredi 26 décembre 2012

Séries, bilan 2012

J'avoue que je suis une "fan" (bizarre pour mon âge...) des séries que je regarde le soir. Les programmes télévisuels ne m'intéressent pas beaucoup et je préfère enregistrer les émissions culturelles que je vois quand j'en ai envie. Je m'adonne à la lecture au minimum deux à quatre heures par jour, étant à la retraite. Le soir, j'aime me détendre grâce aux séries, ces sacrées séries européennes et américaines, qui ont le mérite de vous tenir en haleine grâce aux nombreux épisodes qui se suivent en donnant l'impression que l'histoire ne s'arrêtera jamais. Je préfère aller au cinéma pour les films, mais j'aime m'installer dans mon canapé pour voir les séries. Le cinéma, c'est un usage culturel du "dehors" parfois exigeant, sans concession. La série, c'est un usage domestique confortable, facile, délassant. En cette fin d'année 2012, je tiens à faire un bilan des meilleures séries que j'ai visionnées :
1. Homeland, sur l'ambiguïté du personnage principal, héros ou traître,
2. Prison Break, palpitant sur le milieu carcéral, la noirceur des personnages,
3. Fringe, du fantastique intelligent, sur le thème de la dimension du temps, deux univers parallèles,
4. Boardwalk Empire, les années 20 de la Prohibition aux USA, le mal en toute bonne conscience,
5. Damages, à voir pour la sublime Glenn Close, des affaires juridiques passionnantes à suivre,
6. The Killing, une série policière qui nous vient du Danemark avec un personnage féminin attachant,
7. Borgen, la deuxième série danoise de l'année, beau portrait d'une femme politique,
8. Engrenages, enfin une série française, intéressante avec une femme capitaine, à la tête de son équipe,
9. Dexter, sacré personnage, sérial killer gentil dans sa vie diurne, horrible dans ses sorties nocturnes,
10. Desperate Housewives, la série culte des années 2000, l'amitié féminine solidaire, fin de partie.
Je ne donnerai pas le nombre de saisons pour chaque série citée, mais la méthode employée pour les regarder se résume en deux gestes : achat et revente sur Internet ou emprunt à la médiathèque. Je les consomme comme un bon vin léger, fruité, qui ne se conserve pas. Séries détente, soirées détente...

lundi 24 décembre 2012

"La vérité sur l'Affaire Harry Quebert"

Ce roman d'un jeune écrivain suisse, Joël Dicker, a été primé doublement. Il a reçu le prix du roman de l'Académie française et le prix Goncourt des Lycéens. Publié aux Editions de Fallois et l'Age d'homme, ce best-seller nous embarque dans un thriller réussi tout au long de ses 663 pages. Je le conseille comme un bon roman très distrayant, de bonne facture classique malgré un style un peu trop conventionnel. L'histoire se déroule aux Etats Unis, dans une petite ville du New Hampshire en 2008. Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, est en panne d'écriture. Son éditeur le talonne pour un nouveau manuscrit. En fait, il va commencer à raconter la vie d'Harry Quebert, son professeur de littérature et son mentor à l'université. Harry Quebert est incarcéré car la police a retrouvé le corps d'une jeune fille de 15 ans, Nola Kellergan, dans le jardin de la maison où il vit. Nola avait disparu en 1975. Qui a tué cette jeune fille ? Harry Quebert est donc le premier témoin à charge car il a vécu un histoire d'amour fusionnelle avec Nola. Cet amour entre l'écrivain, âgé de 35 ans à l'époque et Nola, âgée de 15 ans, ne peut pas se réaliser à cause de la différence d'âge. Marcus Goldman décrit cette relation interdite et développe dans son roman une réflexion sur la création littéraire. Il va aussi démêler des histoires anciennes de jalousie, d'amour, d'amitié autour de personnages qui gravitaient dans l'entourage de Nola. Joël Dicker manie l'art du rebondissement, des faux-semblants et des mensonges. Il mène son lecteur(trice) sur de mauvaises pistes, le persuade même que l'amoureux Harry aurait pu tuer la jeune Nola. Je ne veux pas en dire plus sur ce bon roman très remarqué de la rentrée. Il a été aussi choisi par la revue Lire comme le meilleur roman français de l'année... Une lecture distrayante, bien construite, à la fois romanesque et policière. Et quand les personnages principaux sont des écrivains en panne d'inspiration, l'humour n'est pas loin...

vendredi 21 décembre 2012

"Le fils perdu"

Je connaissais Olivier Barrot, le Monsieur Livre de la télévision avec ses émissions courtes et efficaces, "Un livre un jour" et "Un livre toujours". J'ai donc lu par hasard son dernier ouvrage, "Le fils perdu", témoignage intéressant sur son père "biologique" et surtout sur ses "pères spirituels". Il raconte son itinéraire d'enfant que les parents ont très tôt initié à la lecture et à la vie intellectuelle parisienne. Le théâtre, le cinéma, la fréquentation des librairies nourrissent à satiété Olivier Barrot, dévoreur de papier. Il dresse quelques portraits de grands "passeurs" de culture : Jean Vilar, Jorge Semprun, Jean-Pierre Vernant, Jean d'Ormesson, Rossellini, François Truffaut, etc. Ce récit témoigne d'une vie culturelle intense et passionnante et le portrait de Jorge Semprun m'a particulièrement touchée. Olivier le dépeint comme un père spirituel. Olivier Barrot est un "homme habité par les livres" dit un de ses amis et ce témoignage autobiographique est aussi un bel hommage à tous ceux qui aiment la littérature et la culture. La télévision publique peut de temps en temps favoriser ce goût particulier et intime pour l'écriture et la lecture...

mardi 18 décembre 2012

Atelier d'écriture

Dans ce dernier atelier de l'année 2012, nous étions un tout petit groupe de quatre avec l'animatrice Marie-Christine. Evidemment, les vacances approchent et les têtes sont peut-être accaparées par d'autres enjeux... Nous avons écrit sur le thème de la neige, en s'appuyant sur un texte de Maxence Fermine, "Neige". Voilà mon texte avec deux contraintes : la phrase de démarrage et la dernière phrase. "Chaque jour, je prends l'habitude de sortir très tôt de la maison. Il avait neigé à foison pendant la nuit. Le jardin dormait sous cette neige fraîche, froide et me rendait frileuse. Je me couvris chaudement pour éviter la glaciation de mon corps. Il faisait à peine jour mais je découvris les arbres nus, sculptés dans le ciel avec une nouvelle peau blanche et épaisse. Aucun bruit dans le quartier, le silence complet, un silence ouaté, un silence de fin du monde. Chacun dans sa chaumière pour observer les milliards de flocons qui tombaient d'une autre planète, peut-être. Je m'avançais sur la neige craquante en évitant d'abîmer le manteau blanc, immaculé, profond et immobile. J'étais seule, figée par cette pluie floconneuse et légère. Générosité de la neige, silence du temps, présence invisible de la Nature qui s'affole, tempête, recouvre, efface les traces sales de la veille, cache les imperfections du paysage, oblige les animaux et les humains à se blottir dans leur tanière, explose de rire devant sa conquête. "Moi, la neige, je prends possession des lieux, je prends mes aises. Tant pis pour vos vélos, vos autos, votre travail, vos affaires pressantes. Je vous paralyse, je vous cerne et vous enferme. Je vous livre à la contemplation et à la méditation. Prenez le temps de me goûter, de me palper, de me caresser : je suis blanche, crémeuse, salée, croquante, un vrai repas de Noël !"  J'entendais ce message, je lui donnais raison. Enfin, un peu de paix et de sérénité dans ce monde fiévreux. J'arpentais les ruelles de mon quartier et croisais les sempiternelles sentinelles, propriétaires de chiens qui ne renoncent jamais à l'appel de l'extérieur malgré le froid, le brouillard, la pluie et la neige. J'avais l'impression que le blanc me portait, m'allégeait, me donnait des ailes. Faut-il saisir quelques flocons pour communier avec elle et rendre le monde plus beau et plus juste ? Mais, la neige avait cessé de tomber. Je rentrais pour la cérémonie du thé."

lundi 17 décembre 2012

"Bouche cousue"

J'ai remarqué dans un rayonnage de la bibliothèque municipale un livre de Mazarine Pingeot, "Bouche cousue" que je n'avais pas lu lors de sa sortie en 2005. Nous avons évoqué dans le club de lecture son dernier ouvrage "Un bon petit soldat" et j'avais réagi un peu négativement sur la personnalité de Mazarine, enfant-symbole d'une certaine façon de vivre dans les années 80. Cette façon de vivre, je l'ai qualifiée de "dissimulatrice". François Mitterrand, Président de la République, menait une double vie : l'officielle avec sa femme légitime et la clandestine avec la mère de Mazarine. Après avoir découvert son récit autobiographique, j'ai mieux compris la vie "secrète" de Mazarine, le problème de son identité dissimulée, le manque d'un père souvent absent mais omniprésent. Les années 80 forment le cadre historique et sociologique de cette France, passée à gauche, et porteuse d'espérance. Cette petite fille si secrète dans la vie de Mitterrand vivra cette "imposture" avec une certaine candeur mais elle comprendra, quand elle commencera à grandir, le poids de ce secret "d'état". Mazarine possède un vrai talent d'écrivaine dans ses souvenirs d'enfance et de jeunesse. J'avoue que j'aimais beaucoup le côté littéraire de ce Président qui lisait beaucoup, pour qui les livres détenaient une magie certaine. Mazarine nous raconte tous ces moments d'intimité de son père qui se retirait dans la solitude pour se plonger dans ses chers ouvrages. Ce livre constitue un témoignage assez émouvant sur les années-vintage "mitterrandiennes". En ce temps-là, pas de téléphone portable à la main d'un président, mais un livre... Mazarine va attendre un enfant et elle lui raconte dans ce journal, sa vie d'enfant caché, son drôle de grand-père, et une renaissance enfin apaisée.

vendredi 14 décembre 2012

"Tabou"

Ce film portugais, réalisé par Michel Gomes, m'a quelque peu décontenancée. Les critiques de Télérama, des Inrocks, du Monde et d'autres revues recommandaient fortement ce film comme un pur chef d'œuvre. Peut-être ne suis-je pas assez cinéphile dans l'âme mais j'avoue que je l'ai trouvé un peu ennuyeux et trop long (2h). Je n'ai pas trop reconnu Lisbonne et la ville filmée ressemble à une métropole moderne sans charme. Pourtant, le début du film avait capté mon attention : l'histoire de cette dame âgée, malade, agitée et frondeuse (elle joue au casino et perd beaucoup d'argent) était intéressante. Sa solitude flagrante était atténuée par la présence d'une dame de compagnie capverdienne d'une infinie patience et d'une bonté rare. La voisine, seule aussi, prend soin de la vieille dame "indigne". Au moment de mourir, elle donne le nom d'un homme. Et là, le film bascule dans la relation romanesque d'un amour interdit entre la femme en question et son amant dans une Afrique des années 50... J'ai regardé la deuxième partie en éprouvant un doute sur cette partie. Encore un hommage aux films muets et en noir et blanc. Cet engouement pour le cinéma "primitif" comme on dit des arts primitifs m'a laissée songeuse. Et l'Afrique coloniale est une réalité tellement fantasmée qu'elle en devient paradisiaque. La fuite du couple finit dans le mélodrame avec un meurtre gratuit. Moralité : attention aux critiques dithyrambiques de la presse !

jeudi 13 décembre 2012

Club de lecture, suite

Comme prévu, je vais essayer de résumer la seconde partie de la séance concernant les livres tirés au sort. Danièle a donc lu "Samedi" de Ian Mc Ewan, un chef d'oeuvre pour moi et je craignais qu'elle relativise mon enthousiasme pour ce roman anglais qui brasse à merveille destins individuels et collectif, portrait d'une société "malade" de violence et portrait d'une famille déstabilisée par des événements où tout bascule. Soulagement de ma part, Danièle a vraiment apprécié ce grand livre qui circulera dans le club. Sylvie a tiré au sort "Le silence de la mer" de Vercors et elle l'a trouvé magnifique... La rencontre entre un officier allemand très cultivé et une jeune française mutique n'a pas pris une ride. François a évoqué avec conviction le livre de Jorge Semprun, "L'écriture ou la vie", autobiographie intellectuelle de cet écrivain incontournable, dont la vie est un destin accompli avec une traversée palpitante et courageuse du XXème siècle.  Genevièvre a lu Zweig,  qu'elle a trouvé un peu suranné avec des personnages décalés. Elle a préfére "Le liseur" de Schlink qui aborde le thème des camps de concentration à travers la rencontre d'un lycéen et d'une femme au passé plus que lourd. Elle nous a conseillé de le lire. Nicole a tiré au sort le livre de Philip Roth, "Un homme",  très difficile à lire tellement il parle d'échecs, de maladies, de pertes. A lire en se "blindant" le moral. Je ne mentionne pas les déceptions et les avis mitigés sur certains titres faisant partie de la sélection. Le club de lecture sert à susciter l'envie de lire, de découvrir, de connaître des écrivains, des romans, des essais, des poésies dans une ambiance amicale et conviviale.. Nous nous retrouverons le mardi 15 janvier 2013 pour la quatrième fois et la première de la nouvelle annéé. Une année que j'espère riche en... lectures passionnantes !

mardi 11 décembre 2012

Club de lecture

Encore beaucoup d'échanges entre nous dans cette troisième séance de la saison... Nous avons commencé par évoquer les coups de cœur du mois. Mylène a retenu un recueil de poésie d'Eugène Guillevic, "présent" aux Editions Gallimard, poète français de Bretagne et peu connu du public. Elle nous a lu un très beau poème sur le vieillissement. Marie-Christine veut lire Grand Corps Malade, "Patient" car elle a vu ce chanteur dans l'émission "La Grande librairie"et le sujet de l'handicap physique la touche particulièrement. Geneviève a parlé de David Grossman, "L'enfant zigzag" paru aux Editions du Seuil, un roman loufoque, foisonnant d'un garçon qui, du côté père avec qui il vit, présente une droiture certaine et qui, du côté mère qu'il ne connaît pas, présente un désordre moral, ce que le titre mentionne dans le terme zigzag. Sylvie a choisi aussi David Grossman et sa "Femme fuyant l'annonce", meilleur livre de l'année 2011 pour la revue Lire. Le grand écrivain israélien semble prophétiser la mort de son fils en écrivant un roman sur un personnage féminin, Ora, qui part en randonnée en Galilée, pour fuir l'annonce de la mort de son fils, parti en mission en Palestine. Un grand livre pour Sylvie et ce rappel m'a donné envie de le découvrir. François a bien apprécié le dernier livre de Mazarine Pingeot, "Un bon petit soldat", histoire de son enfance cachée. Nicole a parlé de Grégoire Delacourt, "L'écrivain de la famille", roman agréable à lire. Danièle est la seule à avoir opté pour un très bon roman policier de Thomas Cook, "Au lieu dit, Noir Etang" aux Editions du Seuil. Mon billet suivant fera le point sur les livres "imposés" au tirage au sort.

lundi 10 décembre 2012

"Le jeu des ombres"

Louise Erdrich a écrit un roman aussi palpitant que ses précédents. Cette écrivaine américaine et aussi libraire de métier, d'origine indienne objibwé, raconte dans son dernier livre, "Le jeu des ombres",  l'histoire d'un couple en guerre permanente. Gil, le mari, est un peintre reconnu et sa femme Irène lui sert de modèle. Irène mène un thèse sur un peintre indien et écrit aussi un journal intime où elle confie ses propres doutes sur leur drôle de couple. Quand elle se rend compte que Gil lit son journal, elle invente des amants imaginaires qui seraient les pères de leurs trois enfants. Leur relation devient houleuse, violente, irrationnelle. Elle se met à boire de l'alcool et lui en vient à frapper son aîné. Il n'y a rien de misérabiliste dans le roman de Louise Erdrich. Le désamour d'Irène commence au moment où Gil s'intéresse plus aux informations dans la clinique au lieu d'aider sa femme à accoucher de leur enfant en 2001 alors que les Tours du World Trade Center s'effondraient. Irène lui demande de partir et de quitter le foyer mais Gil s'accroche et ne supporte pas la séparation. Il faudra encore plus de violence entre eux pour qu'Irène retrouve sa liberté. Mais, la fin du livre réserve une surprise que je ne dévoilerai pas... La passion amoureuse peut briser les êtres, semble nous dire Louise Erdrich, et raconter le naufrage de ce couple prend des allures de drame "shakespearien" dans une Amérique contemporaine et bien réelle dans le roman. A lire cet hiver, sans tarder...

vendredi 7 décembre 2012

"Brèves saisons au paradis"

J'avais beaucoup aimé le précédent roman de Claude Arnaud, "Qu'as-tu fait de tes frères ?" et j'avais même écrit un billet dans ce blog. J'ai donc acquis son dernier livre au titre si évocateur "Brèves saisons au paradis" car les bibliothèques de ma ville ne l'ont pas choisi comme nouveauté, soit pour des raisons financières, soit pour des raisons inconnues (méconnaissance, moralisme ?). Claude Arnaud écrit une littérature "auto-fictionnelle". Il emprunte des éléments de sa vie et les expose dans son livre en les analysant à la manière "proustienne". Pour comprendre un peu mieux ce projet d'écriture qui m'intéresse beaucoup, j'ai pris la précaution de visiter le site internet de l'auteur, recherche indispensable pour apprécier les portraits de ses amis. Les trois personnages du roman s'appellent Claude, le narrateur, Jacques, son amant, directeur d'une revue de cinéma et Bernard, un bohème dilettante et rentier. Ils vivent une histoire d'amour à trois, dans un bel appartement à Paris. Ils sont homosexuels et dans les années 75-85, ils baignaient dans l'insouciance, l'infidélité, la séduction, la légèreté d'être. Claude raconte aussi sa jalousie quand Jacques noue une relation avec un autre ami. Et lui-même trahira sa tribu en découvrant l'amour avec une femme. Cette vie festive est interrompue par l'apparition du sida. Claude Arnaud retrace la vie littéraire et artistique de cette époque à Paris et cette fresque follement amoureuse est d'une justesse et d'une vérité audacieuses. Le style de Claude Arnaud illustre avec bonheur cette "fureur de vivre" à Paris. Claude Arnaud a composé un hommage "générationnel" à tous ces amis dont certains sont disparus...

jeudi 6 décembre 2012

Revue de presse

J'attendais la sélection des meilleurs livres de l'année de la revue Lire et j'ai été étonnée de découvrir qu'un roman américain avait été choisi. Il s'agit du "Le Diable, tout le temps" de Donald Ray Pollock aux Editions Albin Michel. Je l'ai même trouvé dans les rayonnages de la bibliothèque de Chambéry, ce qui m'a surpris car je supposais qu'il était en prêt. Je vais donc le lire dans les jours qui viennent. Dans la catégorie du meilleur roman français, j'ai noté encore le retour de Joël Dicker avec "La vérité sur l'affaire Harry Quebert", déjà primé par le Goncourt des Lycéens et l'Académie française. La palme du meilleur roman étranger revient à Antonio  Munoz Molina, "Dans la grande nuit des temps" aux Editions du Seuil. J'ai surtout retenu ces trois choix et si vous voulez la suite, je vous recommande l'achat de la revue... Dans ce numéro de décembre-janvier, un portrait de Salman Rushdie et un entretien avec le philosophe Robert Misrahi ont retenu mon attention. Le Magazine littéraire de ce mois propose un dossier passionnant sur l'identité : "Ce que la littérature sait de l'autre" suivi d'un grand entretien avec Jean Starobinski. Evidemment, la revue n'oublie pas un guide des beaux livres pour la saison des cadeaux. La revue Transfuge, toujours éclectique et subversive, s'est penchée principalement sur les classiques, des "modern classics", œuvres cultes oubliées du XXe siècle. On y lit aussi des critiques sur les films et les livres sortis en cette saison. Ma quatrième revue littéraire du mois que j'achète ponctuellement se nomme "Le Matricule des Anges" d'une qualité remarquable, curieuse de la "petite édition", des écrivains souvent confidentiels mais essentiels dans le monde de la littérature. Ce mois-ci, la revue nous offre un dossier important sur l'écrivain suisse, Robert Walser. Beaucoup de critiques, chroniques, enquêtes complètent le dossier central. La moisson est très satisfaisante pour ce mois de décembre, particulièrement redoutable pour ceux qui n'aiment pas le folklore des fêtes...

mardi 4 décembre 2012

"Flétrissure"

J'ai déjà signalé dans mon blog la qualité de la collection "Actes noirs" chez Actes Sud, maison d'édition que j'apprécie vraiment beaucoup. Après la suite de Millenium (à lire même si vous n'aimez pas le genre policier), j'ai emprunté "Flétrissure" de Nele Neuhaus, roman traduit de l'allemand par Jacqueline Chambon. J'ai trouvé dans ce livre tous les ingrédients qui me plaisent dans ce genre de littérature. Souvent après des lectures ambitieuses ou décevantes, j'ai envie de me "changer les idées" et de rentrer de plain-pied dans des pages qui se lisent facilement mais qui comportent quand même des éléments romanesques :  une intrigue ficelée et complexe, des personnages bien identifiés, un lieu inhabituel, une atmosphère pesante, trouble, un passé glauque, des secrets surtout... Nele Neuhaus nous a donc concocté un roman qui correspond à tous ces ingrédients culinairement littéraires dans le domaine des romans policiers. Il est question de meurtres inexpliqués touchant des personnes âgées dont un homme influent sur le plan politique. Il est inutile de rentrer dans les détails mais l'usurpation d'identité est le thème majeur du livre dans une période sombre de l'Allemagne, côté Prusse orientale pendant la Guerre de 39-45. L'enquête rebondit sans cesse et le lecteur découvre des personnages secondaires inquiétants dans une famille d'industriels qui cache bien des mystères. Après le succès des "scandinaves" dans la collection,  offrez-vous ce détour par l'Allemagne...

lundi 3 décembre 2012

"Les Invisibles"

Il ne faut pas rater ce film documentaire, "Les Invisibles", de Sébastien Lifshitz. Il traite d'un sujet plus que délicat et qui peut déranger. Ce film nous apprend à regarder autrement ces "Invisibles" de la société française des années 60 à 80 quand la normalité hétérosexuelle était la règle absolue qu'il ne fallait pas transgresser. Les acteurs réels du film nous racontent chacun leur histoire de vie, leur destin d'homosexuel à la campagne, en ville, dans leur métier, dans leur quartier. Ils sont tous à la retraite et certains portent à merveille leur quatre-vingt ans bien sonnés. Des couples d'hommes ou de femmes vivent leur amour dans la fidélité, la solidarité, l'attention commune. Les Homos célibataires éprouvent un regret de ne pas avoir de compagne ou de compagnon, mais acceptent leur solitude avec un apaisement remarquable. Le réalisateur met aussi l'accent sur le militantisme des femmes dans la lutte pour l'avortement et la reconnaissance de leurs droits. Deux femmes, Thérèse et Elisabeth, se confient à la caméra et communiquent leur rage de vivre, leur sentiment de l'injustice, leur courage face à l'intolérance de la société. Le couple de femmes, élevant des chèvres dans un village du Sud de la France, nous raconte leur vie heureuse dans la nature et s'intégrant dans le milieu paysan sans problème. J'admire leur combat audacieux dans les années 70 et 80 qui a changé profondément la société, devenue quand même plus tolérante au fil des années. Thérèse en particulier crève littéralement l'écran par sa joie de vivre, la justesse de ses idées, sa vie réussie dans l'amour et l'amitié des femmes. "Les Invisibles"  apportent une richesse humaine précieuse et font comprendre qu'être homo, même dans la clandestinité, n'est pas une tare, ni un crime mais un destin singulier à assumer avec fierté. Ce destin "d'Invisible" demande une volonté de vivre incroyable. Pour moi, ce film est un des plus importants de l'année car il prône des valeurs indispensables comme la vérité, la justice, la solidarité, la tolérance. Pourquoi certains de nos contemporains se sentent-ils menacés par une demande d'égalité pour le mariage homo ? Il faudrait qu'ils prennent le temps d'aller voir ce film qui parle de ces "extra-terrestres" si sympathiques, si doux, si tolérants, eux, au fond...