jeudi 16 janvier 2020

"Le dernier hiver du Cid

Les jeunes d'aujourd'hui n'ont jamais entendu parler de Gérard Philippe. Je l'ai constaté en interrogeant mes nièces trentenaires… (Oh, le choc culturel des générations !). Je me suis étonnée devant elles car je leur ai parlé du livre de Jérôme Garcin, "Le dernier hiver du Cid", consacré aux derniers moments du comédien, mort en novembre 1959. Il est mort d'un cancer incurable à l'âge de 36 ans. Sa disparition, en pleine célébrité, a frappé  et endeuillé les Français qui adoraient cet homme incarnant la beauté, l'intelligence, l'appétit de vivre. Dans les années 50, il avait réussi à reconcilier la haute culture avec le peuple sous l'égide d'un Jean Vilar, créateur du Festival d'Avignon. Il a incarné le Rodrigue du Cid, Fanfan la Tulipe, le Prince de Hombourg, Julien Sorel dans "le Rouge et le Noir". Jérôme Garcin est lié à Gérard Philippe car il vit avec sa fille, Anne Marie, et cette proximité familiale lui impose ce devoir de mémoire. Il évoque les six derniers mois du comédien entre Ramatuelle et Paris. Son dernier été s'est donc passé dans sa résidence de vacances au milieu des vignes et des pins, entouré de sa femme Anne et de ses deux enfants, Anne Marie, (4 ans) et Olivier (3 ans). Il revient du Mexique où il a joué dans un film de Buñuel et il ressent une fatigue éprouvante. Cet homme impatient vivait dans un tourbillon avec ses films, son théâtre, ses engagements politiques à gauche (PC), ses voyages et sa famille. Il dort très mal, se plaint de maux de ventre, de démangeaisons. Sa femme commence à s'inquiéter et son entourage aussi. Les médecins constatent lors d'une intervention que son cancer hépatique est inopérable. Mais, le comédien n'en saura rien. Anne ne lui révèle pas l'issue fatale : quelques semaines de répit. Mais, il meurt deux semaines plus tard. Jusqu'à sa mort, Gérard Philippe annotait des tragédies grecques, voulait incarner Hamlet au théâtre et se préparait à interpréter Edmond Dantès, comte de Monte-Cristo. Ce récit rappelle le témoignage poignant d'Anne Philippe, dans "Le temps d'un soupir", paru en 1963 chez Gallimard. Cet éternel jeune homme, lumineux et charismatique, a laissé une trace indélébile dans la mémoire du pays. Cet ouvrage rallume à bon escient le souvenir de cette France des années 50 où Gérard Philippe représentait une culture d'excellence à la portée de tous. Un récit émouvant de Jérôme Garcin.