vendredi 5 septembre 2014

"Dans les yeux des autres"

J'ai lu en deux jours "Dans les yeux des autres" de Geneviève Brisac, édité aux Editions de l'Olivier. J'aime le style direct, vivant de cette romancière, nouvelliste et essayiste. Elle a consacré de nombreux essais sur Virginia Woolf, Flannery O'connor, Karen Blixen et Alice Munro. Elle écrit aussi pour le cinéma et le théâtre. Son dernier opus de cette rentrée littéraire me semble très réussi : une histoire entre deux sœurs, leurs compagnons et l'épopée d'une frange de militants d'extrême-gauche, tendance troskyste. Anna est une femme idéaliste, a dédié sa vie à l'écriture. Sa sœur, Molly, pratique un métier utile, concret et bien réel : elle pratique la médecine dans un centre social. Elles vivent ensemble dans une maison de la banlieue parisienne.  Anna traverse une crise d'inspiration : elle ne publie plus de livres et se sent abandonnée. Elle décide de relire ses carnets de jeunesse et leur passé de militantes resurgit avec la présence de Marek, son amant attitré et Boris, celui de sa sœur. Il ne faut pas oublier la présence de Mélini, la mère égocentrique et loufoque. Le portrait à charge de Mélini donne des pages succulentes sur la relation mère-fille. Les aventures rocambolesques de ces militants enragés rappellent les années 70 en France quand des groupuscules voulaient faire la Révolution et chambouler l'ordre républicain. Les amours entre eux fluctuent, les relations entre les deux sœurs se fragilisent. Geneviève Brisac offre aux lecteurs(trices) un très bon roman sur une génération avec ses illusions utopiques, ses engagements extrêmes, sa descente aux enfers (Marek meurt en prison), et le retour à une vie "normale" : une vie d'écrivain pour Anna et une vie de médecin pour Molly. Je pense à un livre de Simone Signoret "La nostalgie n'est plus ce qu'elle était"... Ce roman décrit l'erreur d'une génération dans une utopie politique irréalisable. Les hommes sont souvent défaits par l'échec alors que les deux sœurs se construisent malgré tout un avenir. Mon premier coup de cœur de la rentrée.