lundi 23 avril 2018

"L'amour après"

Marceline Loridan-Ivens avait écrit un récit très émouvant, "Et, tu n'es pas revenu" où elle racontait la mort de son père dans un camp de concentration. Avec la complicité de Judith Perrignon, journaliste et romancière, cette femme vraiment originale qui a été scénariste, actrice, réalisatrice offre un témoignage émouvant, "L'amour après" sur sa vie amoureuse. Certains de ses compagnons sont célèbres comme Georges Perec, Edgar Morin. Elle a gardé une valise chez elle contenant des lettres de tous ses amoureux et de toutes ses amies. Elle les redécouvre et retrace grâce à cette correspondance, sa vie intime, dense, chaotique et fuyante. Cette survivante de la Shoah se sentait "inatteignable", "imprenable". A quinze ans, elle est déportée à Birkenau dans le même convoi que Simone Weil. Un an plus tard, elle est libérée par les Russes et raconte dans son récit autobiographique le retour à une vie normale. Le premier homme qui l'a vue nue est un nazi. Marceline Loridan-Ivens parle de son corps souillé dans le camp et dégradé par le regard des bourreaux. Quand elle retrouve la liberté en 1945, elle recherche l'amour en multipliant ses conquêtes masculines qui la laissent insatisfaite. Elle raconte avec parfois des mots crus ses relations tumultueuses avec ses compagnons d'infortune comme son premier mari avec lequel elle ne vivra pas (il part travailler à l'étranger sans le suivre). Son corps ne ressentait rien et elle écrit : "Je fuyais mon propre corps, sa mise à nu, à jamais associé pour moi à l'ordre d'un nazi, à son regard humiliant tandis qu'on nous rasait la tête et le sexe, à son verdict : la mort ou le sursis". En 1960, elle rencontrera enfin son grand amour, Joris Ivens, cinéaste hollandais, de vingt ans son aîné. Elle participera à ses films au Vietnam, en Chine et partagera sa vie jusqu'à son décès en 1989. Ce livre audacieux et d'une sincérité décapante se lit avec beaucoup d'intérêt et on se dit que Marceline Loridan-Ivens possède une énergie extraordinaire à 98 ans (quand même !) malgré sa cécité récente. Vivre, c'est résister au malheur et surtout, choisir la liberté. Ce récit autobiographique : une leçon de vie !