vendredi 5 janvier 2018

Hommage à P.O.L.

Les éditions P.O.L. ont perdu leur pilote : il s'appelait Paul Otchakovsky-Laurens, mort dans un accident de voiture en Guadeloupe à l'âge de 73 ans. Il était accompagné de sa femme, Emmelene Landon, écrivain et peintre, blessée dans cet accident. J'évoque cet éditeur, peut-être peu connu du public, parce qu'il représentait à mes yeux la quintessence d'un métier noble, celui d'éditeur. Je l'avais rencontré dans les années 80 quand j'étais libraire à Bayonne et il avait rassemblé à Toulouse une vingtaine de jeunes libraires pour leur faire connaître la ligne éditoriale de sa maison. La couverture blanche austère, ses trois initiales gravées, la qualité du papier, attiraient déjà l'œil des amateurs. Et la naissance d'une maison d'édition n'est pas un événement courant. Je me souviens de cet homme qui respirait l'amour total de la littérature. L'esprit de "commerce" n'appartenait pas à ses valeurs premières. Il ne pensait qu'à l'écriture, au style, à la forme, à l'expression et lire un P.O.L., revenait souvent à ouvrir un livre de "qualité", découvrir un écrivain, un univers littéraire, une voix nouvelle dans le panorama des lettres françaises. Sa droiture morale, son honnêteté intellectuelle, son soutien inconditionnel à ses "poulains" ont été soulignés par la presse littéraire. Le quotidien Libération lui a rendu un hommage superbe en reprenant la couverture d'un livre édité chez P.O.L. avec ses mots : "Paul Otchakovsky-Laurens, Editer mode d'emploi, éditeur de Perec, Duras, Carrère ou Darrieussecq, figure majeure du monde littéraire, il est mort dans un accident à 73 ans". Je retiens quelques noms de son "écurie" dont celui de Georges Perec et de Charles Juliet que je lis depuis toujours... L'année dernière, il avait tourné un film sur le métier d'éditeur que je n'ai, hélàs, pas vu car l'Astrée ne l'a pas diffusé... Dans un entretien, publié dans le Monde des Livres, l'éditeur définit la spécificité de sa maison ainsi : "Il s'agit de montrer par la pratique éditoriale que la littérature est multiple, contradictoire et vivante. Mais ce qui lie tous les écrivains, c'est la préoccupation de la langue, ce matériau qu'on essaie de faire bouger". Les éditions P.O.L. ont reçu des prix littéraires dont plusieurs Médicis, un Goncourt, des Femina. Il ne faut pas oublier le rôle majeur des éditeurs dans le monde littéraire, car sans eux, les écrivains seraient condamnés au silence et à l'anonymat. J'espère que sa maison d'édition, placée sous la houlette de Gallimard, continuera sa mission de découvreur de talents littéraires...